Comptes rendus : Régionalisme et régions - Europe

Petiteville, Franck, La politique internationale de l’Union européenne, Coll. Références, Paris, Les Presses de Sciences po, 2006, 280 p.[Notice]

  • André Dumoulin

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  • André Dumoulin
    École royale militaire, Bruxelles

Rédigé par un chercheur-enseignant en science politique (Paris v et ceri), cet ouvrage présente une synthèse de trente ans de débats en sciences politiques et en relations internationales sur le rapport de l’Europe au monde et sur la politique internationale de l’Union européenne. Son originalité tient à sa structuration claire en cinq chapitres mais aussi et surtout au fait d’avoir réussi cette gageure que celle de présenter en aussi peu de pages la synthèse et les divergences d’idées entre les multiples analystes anglo-saxons et francophones. L’ouvrage représente donc également un large travail de sélection des auteurs et des écoles de pensée qui comptent en ces matières, avec le risque assumé de probables oublis. L’introduction nous permet déjà d’appréhender les objectifs en termes d’interrogations : la construction européenne est-elle susceptible de réinventer le rapport de l’Europe au monde ? Est-elle un acteur international ? Dispose-t-elle réellement d’une politique étrangère dite européenne ? Il s’agit donc bien de distinguer ce qui fait problème (l’inaction lors de certaines crises internationales) de ce qui fait force parmi l’ensemble des instruments d’action extérieure de l’Union. Il s’agit aussi de considérer le présent livre comme un manuel qui a pour objet d’introduire les débats, concepts et auteurs qui ont analysé l’action internationale de l’ue dans les champs théoriques, conceptuels et thématiques. Le premier chapitre traite de l’apprentissage institutionnel d’une diplomatie collective européenne, de la cpe à la pesc, avec l’édification de règles codifiées et sous contrôle des États. Il y a bien eu un passage par une pratique informelle, un apprentissage institutionnel et une socialisation diplomatique permettant de construire progressivement de l’harmonisation, de la concertation puis de l’action commune. Malgré les à-coups et la prégnance intergouvernementale, les habitus de concertation, la mise en réseau des appareils diplomatiques et la formalisation institutionnelle permettent de passer de la simple coopération à la politique étrangère européenne. Cette dernière fut solidifiée par le processus de juridicisation renforçant par là-même la socialisation diplomatique et la mise en évidence d’une prise de conscience collective : « que vont penser nos partenaires européens ? ». Certes, la cpe fut marginalisée par la seconde guerre froide (années 1980), divisée à propos de certains dossiers (Afrique du Sud, crise yougoslave) ou snobée (aide à l’égard des peco, 1ère guerre du Golfe). Il faudra attendre l’après Maastricht et l’institutionnalisation de la pesc pour assister à un saut qualitatif dans plusieurs domaines en matière d’identité, de légitimité, de valeurs et de normes, notamment grâce à la formalisation juridique des procédures, au rapprochement avec les institutions, et à l’incorporation des éléments de sécurité. Les garde-fous nationaux restent cependant multiples et bureaucratisation, rivalités et autres jeux institutionnels sont bien visibles (dossiers budgétaires et dossiers sanctions, tensions Conseil-Commission-pe, débats unanimité-majorité qualifiée). Cependant, le processus de coopération, de musculation et de visibilité de l’ue en matière de politique internationale, y compris la pesd, est assuré. Dans le chapitre sur L’Europe des conflits, on perçoit l’identification de la pesc à la gestion des crises et l’insistance sur la légitimité à intervenir à travers le jeu complexe de la diplomatie, de la prévention, de la médiation, du maintien de la paix et de la reconstruction. Plusieurs expériences européennes de gestion des conflits sont ici examinées. Et d’insister tour à tour sur la collaboration ancienne entre la ce/ue et l’osce, le lobbying européen autour de la médiation proche-orientale, la diplomatie déclaratoire et le rôle d’appoint avant le ralliement à la diplomatie coercitive américaine devant le violent démembrement yougoslave et le conflit kosovar, ou encore sur le Pacte de stabilité …