Comptes rendus : Régionalisme et régions - Europe

Verhofstadt, Guy, Les États-Unis d’Europe, coll. Voix politiques, Bruxelles, Éditions Luc Pire, 2006, 72 p.[Notice]

  • André S. Gosciniak

…plus d’informations

  • André S. Gosciniak
    Département de science politique
    Université Laval, Québec

Premier ministre belge depuis 1999, Guy Verhofstadt est au centre de la politique européenne depuis suffisamment longtemps pour pouvoir présenter une opinion claire et convaincante. C’est sous la présidence belge en 2001, avec Verhofstadt à la tête de l’Union européenne (ue), que se dégagea le compromis permettant de créer la Convention pour l’avenir de l’Europe dont le résultat fut le dernier projet de la Constitution européenne. Verhofstadt lui-même était l’un des promoteurs de la méthode de la Convention, espérant qu’elle permettrait ainsi de sortir du schéma habituel des négociations intergouvernementales très rigides et de progresser sur la voie du fédéralisme européen. Son implication dans la construction européenne lui valut la reconnaissance et seule l’opposition britannique l’empêcha de devenir alors président de la Commission européenne à la suite de Romano Prodi. Aujourd’hui, après le référendum français perdu par les constitutionnalistes européens, Verhofstadt présente sa propre solution pour une Union en crise de vocation. Son constat est simple : l’Union n’est pas seulement divisée politiquement, mais aussi affaiblie économiquement. Avec un développement économique inférieur à celui des États-Unis ou de la Chine, elle n’est pas capable de faire face adéquatement aux défis de la mondialisation, ce qui ne fait que contribuer à la méfiance que les Européens entretiennent vis-à-vis de Bruxelles. D’un autre côté, l’ue est en danger de décomposition sociale, une menace à son système social dont le vieillissement de la population n’est qu’un des facteurs contribuants. Tout au long de son histoire communautaire, l’Europe ne manqua pas d’ambition, mais si certains de ses projets furent anéantis, c’est parce qu’à chaque fois au moins un pays décida de les rejeter, comme par exemple la France dans les années 1950. En cherchant à contourner les résistances toujours plus grandes à une unification accrue, on instaura au fil du temps une Europe à plusieurs vitesses – mais les opt-outs et les opt-ins ne firent qu’encourager les opposants. Les sommets européens devinrent une arène où les politiciens peuvent facilement marquer des scores dans l’intérêt de leur pays et de leur popularité, l’Europe bruxelloise étant une cible trop facile pour ne pas la pointer du doigt. Entretemps, il reste que pour les citoyens ordinaires, au lieu de s’occuper de sujets essentiels comme l’emploi et la criminalité, l’ue « se perd dans des futilités (…) comme les dimensions des batteries de ponte ou la composition de la confiture telle que définie dans les directives sur le petit-déjeuner ». Au niveau politique, l’Europe est paralysée par l’opposition entre fédéralistes et intergouvernementalistes dont le poids augmenta encore suite à l’adhésion de douze nouveaux pays. En se plaçant clairement du côté de ceux qui veulent aller au-delà d’une simple zone de libre-échange et en faveur d’une Europe véritablement politique, Verhofstadt propose les « États-Unis d’Europe puissants » où la subsidiarité ne restera pas « lettre morte ». Pour ce faire, l’Union devrait abandonner des compétences qui ne doivent pas être nécessairement gérées au niveau de Bruxelles, telles que la culture et le sport, l’organisation des soins de santé, de la sécurité sociale, de l’enseignement, de la gestion des services publics ou de l’appareil judiciaire. Verhofstadt suggère une Europe à deux « cercles concentriques : un noyau politique, des ‘États-Unis d’Europe’ appuyés sur la zone euro et, autour d’eux, une confédération d’états, une ‘Organisation des états européens’ ». Cette « nouvelle Europe » aurait cinq missions : un gouvernement et une stratégie socio-économique européens, une nouvelle vague technologique européenne, un espace européen de justice et de sécurité, une diplomatie et politique étrangère européennes dignes de ce nom, ainsi qu’une armée commune. En ce …