Comptes rendus : Études stratégiques et sécurité

Tertrais, Bruno, La France et la dissuasion nucléaire. Concept, moyen, avenir, coll. Questions de défense, Paris, La Documentation française, 2007, 157 p.[Notice]

  • Brahim Saidy

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  • Brahim Saidy
    Département de science politique
    Université du Québec à Montréal, Canada

L’intérêt de La France et la dissuasion nucléaire. Concept, moyen, avenir réside dans sa contribution théorique car il offre, en effet, un petit traité sur le concept de dissuasion nucléaire dans toutes ses dimensions – à savoir militaire, politique et technologique. Au niveau pratique, il permet par ailleurs de comprendre, dans une perspective analytique et critique, le bien-fondé de la politique de dissuasion nucléaire française ainsi que son adaptation à la nouvelle donne internationale issue de la fin de la guerre froide compte tenu du débat stratégique sur l’utilité opérationnelle de l’arme nucléaire en fonction de la nature des nouvelles menaces et de l’absence d’un ennemi bien identifié. Pour Tertrais, la notion de dissuasion fait référence à un acte visant à empêcher une personne ou une entité d’agir. Son caractère nucléaire, dans le domaine militaire, est lié à un mode de prévention de l’agression sans emploi de la force à la suite de l’existence d’une part, de l’arme nucléaire comme moyen et d’autre part, de la dissuasion en tant qu’idée. Elle résulte de la conjonction de deux éléments, soit : une volonté politique manifeste d’utiliser l’arme nucléaire en cas d’agression et la possession d’une capacité opérationnelle et crédible. À cela s’ajoute la perception par l’ennemi potentiel de la combinaison de ces deux éléments pour l’emploi de l’arme nucléaire, ce qui le conduit à faire un calcul rationnel du coût et du bénéfice d’une agression. À partir de cette délimitation conceptuelle, cet ouvrage propose une cartographie de quatre dimensions des fonctions de l’arme nucléaire. En premier lieu, les fonctions de l’emploi selon lesquelles cette arme sert d’abord à éviter la guerre, ensuite à dissuader l’attaque nucléaire et conventionnelle – notamment l’utilité du nucléaire en dernier recours en cas de défaite conventionnelle – et enfin à empêcher l’emploi d’armes de destruction massive. En deuxième lieu, les fonctions de l’acquisition qui sont au nombre de deux : décourager la compétition stratégique et limiter la tentation de la prolifération. En troisième lieu, les fonctions de l’échec de la dissuasion : dans ce cas, l’arme nucléaire sert à détruire les forces adverses, à rétablir la dissuasion et finalement, à mettre un terme au conflit. En quatrième et dernier lieu, les fonctions politiques qui sont l’indépendance de la défense, l’acquisition d’un statut international et la consolidation de l’État sur le plan interne et ce, afin de renforcer l’identité nationale et la légitimité d’un régime. En lien avec ce qui précède, et à travers une lecture minutieuse de la littérature stratégique, l’ouvrage présente l’intérêt de faire le point sur les grands thèmes des débats concernant les questions nucléaires, à savoir l’impact de la détention d’armes nucléaires sur les relations entre États, la légalité et la moralité de la dissuasion nucléaire, la validité de la stratégie de dissuasion et la place de la défense antimissile dans la stratégie des États nucléaires. Ces thèmes permettent, en fait, de comprendre les grands traits de l’ordre nucléaire mondial, régi essentiellement par le Traité de non-prolifération nucléaire (tnp). Selon l’auteur, il existe ce qu’il nomme une oligarchie nucléaire, dans laquelle se trouvent, au sommet, les cinq puissances nucléaires officielles ou « États dotés », puis, au niveau inférieur, les membres quasi permanents du Conseil des gouverneurs de l’Agence internationale pour l’énergie atomique (aiea). Un troisième niveau concerne ensuite la quarantaine de pays qui disposent d’une industrie nucléaire avancée et, enfin, le niveau des régimes de fournisseurs – c’est-à-dire le club des États qui s’accordent sur le respect des normes communes en matière d’exportations nucléaires. Dans ce contexte, l’auteur défend l’hypothèse de l’existence d’une culture nucléaire universelle et …