Comptes rendus : Droit international

Dine, Janet et Andrew Fagan (dir.), Human Rights and Capitalism. A Multidisciplinary Perspective on Globalisation, Cheltenham, Edward Elgar, 2006, 372 p.[Notice]

  • Frédérick Guillaume Dufour

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  • Frédérick Guillaume Dufour
    Département de sociologie Université du Québec à Montréal, Montréal

Les conséquences de la diffusion des relations sociales d’appropriation capitaliste à l’échelle du globe depuis 1989 ont été l’objet d’une ample discussion sur la nature du nouvel ordre mondial et sur les nouvelles formes de domination, d’émancipation et de résistance qui en sont concomitantes. La littérature en relations internationales (ri) a alternativement qualifié la matrice de ces transformations de « globalisation », d’« empire » et d’« hégémonie américaine ». Un constat répandu diagnostique un effet paradoxal de ces transformations. De Guantanamo à Bagdad, en passant par Moscou et Beijing, la diffusion de l’État de droit semble avoir sa dilution pour corollaire. L’ouvrage Human Rights and Capitalism, publié sous la direction de Janet Dine et Andrew Fagan, se penche sur une série d’enjeux liés aux droits humains dans cette ère d’hégémonie globale du capitalisme. Les directeurs de l’ouvrage travaillent, respectivement, au Centre for Commercial Law Studies de l’Université Queen Mary et au Human Rights Centre de l’Université d’Essex. Dès l’introduction de l’ouvrage, on précise que, si les auteurs de ce collectif viennent d’horizons théoriques différents, ils s’entendent sur le fait qu’une forme non régulée de capitalisme, « telle qu’elle se manifeste actuellement », est à l’origine d’un ensemble de menaces pour les droits humains. C’est-à-dire que, dans sa forme actuelle, la relation entre capitalisme et droits humains ne va pas dans le sens d’un renforcement des seconds. Cet ouvrage cherche à en exposer les causes. Neuf des quatorze contributions à ce collectif proviennent de l’Université d’Essex. Cela crée une certaine homogénéité dans le ton de l’ouvrage qui est avant tout une contribution au droit international et commercial, plutôt qu’au champ d’études des ri. À l’extérieur de la section conceptuelle, ce ton se manifeste par un style souvent légaliste et un recours fréquent à la jurisprudence. L’ouvrage est séparé en trois sections inégales. La première est consacrée aux débats conceptuels liés à la problématique des droits humains. La deuxième porte sur des enjeux particuliers, souvent institutionnels, liés à cette problématique. Enfin, la troisième, beaucoup plus courte, présente deux articles sur la problématique des droits humains en Amérique latine. Parmi les contributions de la section conceptuelle de l’ouvrage, Michael Freeman propose, dans Beyond Capitalism and Socialism, un important retour aux débats sur la notion de propriété chez John Locke, ses interprètes et ses successeurs. Freeman brosse l’historique de la tension entre cette conception chrétienne, et non capitaliste, de la propriété et le domaine des droits humains. Cette synthèse efficace des débats entourant la théorie de Locke situe les tensions contemporaines entre capitalisme et droits humains en soulignant les limites de la capacité du premier à engendrer les seconds. Passant de la théorie politique à une analyse fonctionnaliste des organisations, une contribution de Sheldon Leader propose une analyse de la relation entre différents modes d’institutionnalisation organisationnelle et le domaine du droit. Leader examine la transition d’un premier modèle capitaliste, qui parasitait les droits humains en réifiant et mythifiant la liberté contractuelle à l’origine du contrat de travail sous ce régime de propriété, à un modèle fonctionnel des acteurs du capitalisme avancé, où la principale menace qui pèse sur les droits humains vient davantage du fait que les entreprises ne reconnaissent pas la nécessité d’assurer, de développer et de protéger les droits humains comme faisant partie de leurs fonctions ou de leur domaine d’action. C’est d’ailleurs en partie à cette conception que Janet Dine s’en prend dans une contribution où elle critique l’idée selon laquelle la seule responsabilité fonctionnelle des grandes entreprises serait de garantir un retour sur investissement à leurs actionnaires. Dine explore la relation entre l’institutionnalisation des …