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L’ouvrage China’s Expansion into the Western Hemisphere, dirigé par Riordan Roett et Guadalupe Paz, deux spécialistes de la politique latino-américaine, rassemble onze textes rédigés dans le cadre d’un projet de recherche portant sur les conséquences de l’émergence de la Chine dans les Amériques. Depuis quelques années, la présence de la Chine dans cette région s’est en effet accentuée de façon notoire et son influence est désormais entérinée par des investissements majeurs et des échanges économiques croissants avec ses partenaires sud-américains. L’objectif premier de l’ouvrage est de situer la présence accrue de la Chine en Amérique latine et d’en analyser les causes afin d’en appréhender les conséquences pour cette région ainsi que pour les États-Unis.
Les auteurs présentent d’abord un chapitre d’introduction qui brosse le portrait général de l’expansion de la Chine en Amérique latine en la mettant dans le contexte plus général des stratégies internationales de la Chine et des États-Unis. Par la suite, le coeur de l’ouvrage est divisé en quatre parties, traitant respectivement de la montée de la Chine en Amérique latine et de son impact sur les États-Unis ; de la composante économique et énergétique de la relation entre la Chine et l’Amérique du Sud ; de la relation chinoise en Asie du Sud-Est et en Afrique ; et, enfin, de la relation triangulaire liant la Chine, les États-Unis et l’Amérique latine.
Si les liens que la Chine tisse avec l’Amérique latine ne sont pas sans créer certaines tensions avec les États-Unis, la conclusion principale de l’ouvrage stipule que peu d’indices permettent d’avancer que l’ambition actuelle de la Chine est de se substituer à l’influence américaine dans la région. Cette affirmation abonde dans le même sens qu’une partie importante de la littérature portant sur cette problématique, mais la valeur ajoutée de cet ouvrage réside dans la profondeur et la qualité des analyses qui y sont présentées.
Les différentes contributions de la première partie insistent sur les intérêts essentiellement économiques et stratégiques de la Chine et sur son approche non idéologique dans son attitude sur le continent américain. D’abord, l’abondance de matières premières et de ressources pétrolières qu’on trouve dans cette région a largement incité Beijing à y intensifier sa présence. La dimension commerciale de l’effort diplomatique de Beijing est également évoquée tout au long de l’ouvrage et plusieurs chapitres en analysent la portée. Par ailleurs, le chapitre rédigé par Luisa Palacios, à propos du facteur énergétique, avance que, malgré les investissements massifs qu’a réalisés la Chine dans ce secteur au cours des dernières années, il est peu probable que cette région, à court terme du moins, devienne une source principale de pétrole pour la Chine.
Puis, sur le plan stratégique, l’importance du facteur taïwanais est également relevée dans le calcul chinois. En effet, ainsi que l’observent Xiang Lanxin et Juan Gabriel Tokatlian aux chapitres 3 et 4, la moitié des États qui maintiennent encore des liens diplomatiques officiels avec Taipei sont des États latino-américains, et le désir de les amener à épouser la politique d’une seule Chine fait assurément partie des objectifs politiques de Beijing.
Dans le même ordre d’idées, différents auteurs relèvent l’importance du facteur américain dans les décisions de politique étrangère de Beijing. À ce sujet, plusieurs auteurs soulignent la conduite non provocante que Beijing a utilisée par rapport à Washington dans le développement de ses relations avec les divers États d’Amérique latine. En effet, la Chine a modéré l’amplification de ses relations avec certains États, dits de la nouvelle gauche, tels que la Bolivie ou le Venezuela, justement pour ne pas alimenter le scepticisme perçu à son égard par certains cercles néoconservateurs aux États-Unis. Beijing comprend pertinemment que la poursuite d’une relation limpide avec ses nouveaux alliés servira davantage ses intérêts à long terme.
Enfin, au fil d’une analyse de la relation tricéphale liant les États-Unis, la Chine et l’Amérique latine, la perspective du développement d’une relation triangulaire, abordée tout au long de l’ouvrage, est explorée plus en profondeur dans un dernier chapitre qui fait également office de conclusion. Dans cette dernière contribution, Barbara Stallings rappelle certains arguments des différentes analyses et confirme qu’il est peu probable que la Chine ou l’Amérique latine pousseront pour l’approfondissement de leur relation actuelle en une alliance hostile aux intérêts américains dans la région. Elle construit principalement son argument non seulement en mettant en relief les nombreux problèmes internes en Chine, mais en identifiant également les différentes limites auxquelles Beijing doit faire face dans la consolidation de sa position en Amérique latine.
En somme, cet ouvrage contribue efficacement à une meilleure compréhension de l’impact de la montée en puissance de la Chine en Amérique latine en expliquant les raisons derrière l’amplification de ses relations avec plusieurs États du continent américain. En plus de constituer une lecture très enrichissante, une des forces de l’ouvrage est de réunir des points de vue d’auteurs de spécialisations et de nationalités différentes. Toutefois, si l’analyse gagne en richesse par les différentes perspectives qu’elle rassemble, le résultat apparaît quelque peu éclectique et certains chapitres détonnent par rapport au thème central de l’ouvrage. Quoi qu’il en soit, une telle compilation d’études demeure tout à fait opportune, non seulement afin de pallier le peu d’analyses approfondies qui ont été réalisées sur le sujet, mais principalement en raison des avis divergents, principalement aux États-Unis, à propos des intentions chinoises et des réponses politiques à apporter.