Comptes rendus : Analyse de politique étrangère

Michael Hart, 2008, From Pride to Influence. Towards a New Canadian Foreign Policy, Vancouver, UBC Press, 436 p.[Notice]

  • Justin Massie

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  • Justin Massie
    École supérieure d’affaires publiques et
    internationales
    Université d’Ottawa, Ontario

L’étude de la politique étrangère du Canada est largement dominée par trois courants de pensée. Le plus connu d’entre eux, l’internationalisme libéral, a fait l’objet de nombreux ouvrages, suscité maintes analyses universitaires et s’est souvent concrétisé par les actions du gouvernement canadien. Il en est également ainsi de l’atlantisme. Mais le troisième courant d’idées que constitue le continentalisme (que certains, dont l’auteur de l’ouvrage recensé, appellent « réalisme ») a fait l’objet de peu d’analyses poussées. Il sous-tend certes de nombreux plaidoyers en faveur d’une coopération plus étroite avec les États-Unis à l’intérieur comme à l’extérieur du continent nord-américain. Ce courant est aussi passablement bien étoffé en matière de gestion des relations bilatérales avec Washington. Reste qu’il ne constitue pas une approche aussi développée de la politique étrangère canadienne que ne le sont ses rivaux internationaliste et atlantiste. Pourtant, plusieurs gouvernements fédéraux ont successivement mis en avant (ou ont été critiqués pour ne pas le faire) des politiques s’inspirant du courant continentaliste. Voilà l’apport indéniable et fort appréciable de Michael Hart dans son plus récent ouvrage, From Pride to Influence. Il s’agit de l’approfondissement le plus soutenu et le mieux ficelé de la perspective continentaliste en politique étrangère canadienne qui existe à ce jour dans ce champ d’étude. Célèbre pour son Trading Nation, publié en 2002, cet ancien conseiller fédéral en matière de politique commerciale (dont l’accord de libre-échange avec les États-Unis) revient avec une analyse plus large de la politique internationale du pays. Il s’aventure ainsi au-delà de son champ d’étude traditionnel afin de tenter de convaincre le lecteur que les États-Unis représentent le principal – et de loin le plus crucial – allié du Canada, et ce, autant sur le plan sécuritaire qu’économique. L’idée de base de l’auteur, fidèle à la perspective continentaliste, consiste à soutenir que trois changements majeurs de l’ère après-guerre froide conduisent nécessairement Ottawa à adopter une politique axée sur une coopération plus approfondie et plus soutenue avec les États-Unis. Hart estime que l’intégration croissante et multidimensionnelle de l’Amérique du Nord ainsi que les nouvelles menaces contre la sécurité du Canada (terrorisme, armes de destruction massive et États voyous) ne peuvent être gérées qu’avec l’appui explicite de Washington et un partenariat institutionnel formel. Conjugués à l’affirmation de l’hégémonie américaine et au déséquilibre unipolaire actuel, ces bouleversements internationaux exigent un revirement significatif de la politique extérieure du Canada (du moins telle qu’elle est exercée par les gouvernements libéraux, puisque Hart se montre beaucoup moins critique envers les gouvernements Mulroney et Harper). Tout gouvernement qui a à coeur la prospérité et la sécurité des Canadiens se doit donc de canaliser les énergies, les ressources et l’attention du pays quasi exclusivement vers son voisin du sud (l’Asie et les Amériques sont jugées importantes mais largement secondaires). En un mot, seuls les États-Unis comptent vraiment pour le Canada. Le Canada doit dès lors accepter totalement et avec enthousiasme sa proximité géographique avec les États-Unis en se positionnant comme allié militaire et partenaire politico-économique fiable et crédible afin d’exercer sa pleine influence au sein du concert des nations et de mieux défendre ses intérêts nationaux. Cela implique la quête d’une nouvelle et « grande » entente (l’idée de Big Idea) avec son voisin américain – un véritable périmètre canado-américain (le Mexique est délibérément exclu) – institutionnalisant l’intégration entre les deux pays dans les domaines, notamment, de la défense, de la sécurité, des investissements, du commerce et du travail. À cet égard, les élites politico-médiatiques canadiennes doivent cesser de se lamenter à propos de l’érosion de la souveraineté/indépendance du pays et enfin reconnaître que seul un partenariat étroit …