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Voici un ouvrage qui arrive à son heure pour présenter la sécurité de l’Union européenne dans ses aspects à la fois externes et internes. Nous sommes habitués aux multiples ouvrages sur la pesd et la défense européenne. Nous avons beaucoup moins l’habitude de découvrir des livres sur la sécurité intérieure ou associant les deux dans le champ de l’ue. Mais cela n’est pas une surprise dès l’instant où l’Union faisait, à l’instar de Jourdain, de la sécurité intérieure « sans le savoir », ou plutôt sans le dire très ouvertement. À cet égard, le traité de Lisbonne contient, directement ou parfois plus subtilement ou discrètement, des articles recelant une dimension de sécurité intérieure, dont certaines conséquences n’ont pas nécessairement été toutes appréciées par les parlementaires qui ont ratifié le traité de Lisbonne. Notre environnement géopolitique, économique et militaire est soumis aux interactions étroites entre sécurité intérieure et sécurité extérieure. L’ue ne pouvait en être détachée malgré les contraintes et les ambiguïtés de cette posture, elle qui va progressivement s’attacher à la sécurité des personnes et des biens. Et les thématiques qui traitent des aspects internes sont importantes : sécurité alimentaire, sécurité des approvisionnements énergétiques, de la sécurité maritime, sociale, écologique, humaine des consommateurs, sans parler du « renouveau » de la protection civile à l’échelle européenne. Sujet ancien mais conjugué aujourd’hui dans l’espace européen collectif, l’intégration, les interactions, la pluridimensionnalité du concept de sécurité et la menace terroriste en interne étant passées par là. L’Union « s’approprie » en quelque sorte les prérogatives traditionnelles des États, souvent par l’entremise d’agences spécialisées dont les Européens « ont le secret ». Parallèlement, s’ouvrent bien des interrogations sur le contrôle et la surveillance, les atteintes possibles aux droits fondamentaux des citoyens dans ce relationnel sécuritaire intérieur/extérieur, d’autant que la sécurité dite intérieure tend à fragiliser une partie des règles communes.

L’ouvrage collectif Union européenne et sécurité. Aspects internes et externes, issu de l’Université d’été 2007 (Centre Jean Monnet de Rennes), est construit autour de 21 contributions dont la consultation est facilitée par un index jurisprudentiel et analytique. Sa structure repose sur quatre grands chapitres intitulés : « Le concept de sécurité dans les différentes dimensions de l’ue » ; « Sécurité et valeurs de l’ue. Antagonismes ou convergences » ; « Sécurité et politique interne de l’ue » ; « Sécurité et dimensions externes de l’ue ». Nous sommes bel et bien devant une approche transversale et multidisciplinaire qui ne cache pas la difficulté d’associer des champs peu habitués à évoluer de concert. Reste que cet ouvrage apporte bien des éclairages, suscite bien des questions, engage assurément le débat. À la complexité et à la multitude des aspects de sécurité et à la protection des biens et des personnes présentées, s’ajoute l’analyse des stratégies des institutions européennes visant à s’emparer de ces questions ; domaines qu’il faut replacer dans le contexte de la mise en place d’un marché commun ou marché intérieur (directives, normalisation), puis de son dépassement par de nouvelles prérogatives et compétences (révision des traités et avis de la cj). La nouvelle gouvernance, la légitimité recherchée, le caractère proactif de la Commission européenne et le coût économique de l’insécurité aboutissent à une prise de conscience du droit à la sécurité et à la nécessité d’un réflexe communautaire à ce sujet. De même, le concept de sécurité joue en plein dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice qui est développé dans l’ouvrage à la fois dans ses aspects sémantiques, ses défis, ses ambiguïtés, ses méfiances et ses réticences, que ce soit entre États, entre acteurs, entre politiques. Quant à la sécurité extérieure, elle se voit évoluer en termes d’action intégrée, seule à même de gérer la pluridimensionnalité dans la gestion des crises extérieures associée à la pesd/psdc. À la lecture de ce riche ouvrage, nous percevons aussi combien est importante l’association – difficile parfois – entre sécurité intérieure et droits de l’homme dans l’espace des valeurs européennes, avec la question des insuffisances en termes de sécurité et de protection du citoyen à propos de la diffusion des données personnelles ou celle autour du cadre juridique du Passenger Name Records.

Bien évidemment, comme souvent dans tout ouvrage collectif, des études de cas sont proposées, comme sur le « coût démocratique » de la politique européenne de sécurité en matière de transport, dont par exemple la juste culture pour la sécurité aérienne et l’importance des procédures. Sont aussi abordées les notions de sécurité des produits et d’information du consommateur (marquage, traçabilité, étiquetage, droit à l’information) ; celle à propos de la « flexicurité » des travailleurs en tant qu’objectif social ; celle de la sécurité maritime en se concentrant sur les accidents pétroliers et particulièrement du procès de l’Erika ; celle sur la protection civile européenne et celle sur la sécurité et la protection des frontières extérieures par l’intermédiaire de l’agence Frontex.

Nous retiendrons aussi particulièrement les chapitres sur « L’évolution des impératifs de sécurité dans les politiques communautaires » (Blanquet), celui sur la « Sécurité des produits et information du consommateur » (Garde), celui sur la « Biographie des opérations de gestion de crise de l’Union » (Hamonic) et, enfin, celui sur la « Sécurité d’approvisionnement énergétique et relations extérieures de l’Union européenne » (Petit).

Les conclusions générales permettent également de « marier » les thématiques et d’aboutir à des questions pertinentes.

Nous osons espérer qu’une mise à jour de l’ouvrage pourra être réalisée en prenant en compte les opportunités du traité de Lisbonne qui, dans ces matières, recèlent de nouvelles avancées complexes d’interprétations et d’ambiguïtés.