Comptes rendus : Théorie, méthodes et idées

Steven Bernstein et William Coleman (dir.), 2009, Unsettled Legitimacy. Political Community, Power, and Authority in a Global Era, coll. Globalization and Autonomy, Vancouver, ubc Press, 392 p.[Notice]

  • Nicolas Lemay-Hébert

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  • Nicolas Lemay-Hébert
    École des sciences de la gestion (ESG) et Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques
    Université du Québec à Montréal

L’ouvrage collectif Unsettled Legitimacy, publié aux Presses de l’Université de la Colombie-Britannique, renforce le créneau de la collection Globalization and Autonomy, résolument tournée vers les théories transnationalistes. Il est un excellent complément des ouvrages Global Ordering. Institutions and Autonomy in a Changing World (L. Pauly et W. Coleman) et Renegotiating Community. Interdisciplinary Perspectives, Global Contexts (D. Brydon et W. Coleman), publiés dans la même collection en 2008. Le point de départ théorique de l’ouvrage est le suivant : la plus récente mondialisation a remis en question la relation d’autorité entre, d’une part, les institutions de gouvernance régissant les rapports humains, et, d’autre part, les individus et les communautés aux niveaux local, national, régional ou international. Le résultat est une transformation du concept même de légitimité, un thème que les auteurs explorent sur une large palette de sujets, allant de la gouvernance d’Internet aux droits des minorités nationales ou aux interventions militaires. L’ouvrage réunit 17 chercheurs venant majoritairement d’universités canadiennes et il est divisé en quatre parties distinctes : 1) les fondations normatives du concept de légitimité et d’autonomie ; 2) légitimité : conciliation entre la différence et l’autonomie ; 3) légitimité, autonomie et violence ; et 4) légitimité et autonomie à l’échelle régionale et globale. Pour la présente recension, je mettrai l’accent sur l’approche théorique sous-tendant l’ouvrage, donc la première partie, dont les trois contributions (quatre si l’on inclut l’introduction) constituent le noyau conceptuel du projet. Premier point qui mérite d’être relevé, cette crise de légitimité telle qu’elle est définie par les auteurs se fonde sur une conception strictement wébérienne des concepts de puissance, d’autorité et de légitimité. La légitimité politique est donc « la justification d’une forme d’autorité ou de domination » (Weber 1978), la légitimité étant définie comme « l’acceptation et la justification par une communauté d’un rapport d’autorité ». Suivant la tradition wébérienne, une telle définition s’appuie sur la prémisse voulant que la puissance politique soit une soumission routinière à l’autorité étatique et que « les règles sous-tendant la relation d’autorité doivent être respectées ». En fait, dans les mots de Carl Friedrich, Weber présume que « tout gouvernement est nécessairement légitime », puisque, comme le dit Peter Blau, « Weber n’interroge pas les conditions structurelles poussant à l’émergence d’une forme particulière d’autorité ». Ainsi, lorsque l’on assiste à l’effritement des capacités étatiques, on postule immédiatement l’effritement des relations de légitimité et d’autorité de la communauté politique, permettant immédiatement à d’autres relations de légitimité de prendre le relais, que ce soit au niveau supranational ou infranational. Les directeurs de l’ouvrage reconnaissent qu’il existe des conceptions alternatives du concept de légitimité, mettant en avant les croyances partagées d’une population donnée, donc en ne définissant pas uniquement la légitimité comme le fait d’être considéré comme légitime. Toutefois, la majorité des auteurs suivent les préceptes wébériens, ce qui les pousse à adopter une vision restrictive de la « crise de légitimité » telle qu’elle est présentée en introduction. Si, depuis les travaux précurseurs de l’économie politique internationale, la crise des capacités de l’État fait relativement consensus dans la communauté, bien qu’il existe toujours un débat autour du fait que l’État semble apte à remobiliser les ressources en temps de crise, la teneur réelle de cette crise au regard des relations de légitimité et d’autorité entre une population et l’État-nation semble toujours floue. Les nouvelles relations sociales qui se composent à la suite de cette crise des capacités étatiques (crise produite par l’accroissement des forces de la mondialisation, faut-il le rappeler) favorisent l’émergence de nouvelles « communautés », où « les possibilités d’action engendrent de nouvelles compréhensions des relations …