Je vous conseille de mémoriser l’impressionnante liste d’acronymes (deux pages et demie) qui vous serviront de boussole pour lire Propaganda and Intelligence in the Cold War, un ouvrage à première vue assez rébarbatif. À première vue seulement, car dès qu’on s’y plonge on s’aperçoit rapidement que l’auteure nous propose une contribution importante à l’histoire institutionnelle de l’otan sous l’angle politique, tant par l’ampleur et le sérieux de sa recherche basée largement sur les archives de l’otan (d’innombrables notes et une bibliographie impressionnante) que par la pertinence de ses réflexions fondées sur des concepts théoriques de science politique. C’est le Service d’information de l’otan pendant la guerre froide qui est le principal objet de ce livre. Ce service, qui changea de nom à diverses reprises, a été créé dès le mois de mai 1950, en pleine guerre froide, soit un an exactement après la signature le 4 avril 1949 du traité de Washington instituant le Pacte atlantique. De taille modeste et avec un maigre budget à l’origine, comme le reste de l’organisation civile de l’Alliance, ce service se développe en 1952 avec la création d’un secrétariat international dirigé par un secrétaire général auquel il était initialement rattaché. C’est en 1953 qu’est créé le Comité de l’information et des relations culturelles (circ devenu le Comité de la diplomatie publique). La mise en place de ce service n’a guère été facile. Si les Britanniques se sont très vite investis aux côtés des Américains, d’autres pays membres se sont d’abord montrés réticents à déléguer à l’Alliance leur politique d’information (ou de propagande) perçue comme faisant partie de leur souveraineté nationale et, par extension, de leur sécurité. Ce nouveau service résulte donc, selon l’auteure, d’un compromis entre l’exigence américaine d’une action vigoureuse et coordonnée de propagande et la crainte des autres pays membres d’une centralisation excessive qui risquait à leurs yeux d’interférer dans leurs affaires intérieures. Linda Risso analyse d’une manière détaillée les arcanes de ce processus complexe qui finira par aboutir. En effet, la nécessité d’une politique commune d’information s’est rapidement imposée face à la propagande offensive et efficace du Kominform, l’organisation centralisée du mouvement communiste international, créé en 1947 en réponse au plan Marshall. C’est cette organisation qui lancera, par le biais d’un mouvement mondial des partisans de la paix, de violentes campagnes de propagande en direction des opinions publiques occidentales. Toute la première partie de l’ouvrage est consacrée à l’histoire et à l’analyse de ce service. Et le lecteur y découvre nombre de détails intéressants sur le fonctionnement interne de l’otan. Loin d’être une organisation monolithique, l’Alliance est pendant toutes ces années de guerre froide le théâtre de crises et de frictions internes qui font l’objet de constantes négociations. Le retrait de la France en 1966 de l’organisation militaire intégrée constitue un pic dans cette succession de crises. Dans différents chapitres, l’auteure examine avec finesse les changements de contenu de la propagande ainsi que les publics cibles en fonction de l’évolution des rapports Est-Ouest. Elle relève des moments clés (le rapport des Trois Sages en 1956, le rapport Harmel en 1967, la Déclaration d’Ottawa en 1974, la « double décision » de 1979) qui ont eu un impact sur la politique d’information de l’otan. Chaque fois, le circ a procédé à une révision de sa politique en fonction des nouveaux défis soulevés au cours des années 1960, 1970 et 1980, jusqu’à la fin de la guerre froide (1989-1991). Et les défis environnementaux, comme le montrent différents programmes, n’ont pas été omis. Dans la seconde partie, l’auteure analyse d’une manière approfondie des exemples de propagande …
Propaganda and Intelligence in the Cold War. The nato Information Service, Linda Risso, 2014, Londres, Routledge, 296 p.[Notice]
…plus d’informations
Simon Petermann
Université de Liège, Belgique