Corps de l’article

L’élection des conservateurs en 2006 a soulevé une question chez les chercheurs en politique étrangère canadienne (pec) : Si celle-ci se transforme sous les conservateurs, comment change-t-elle ? Aucun document officiel ne dévoile les priorités des conservateurs en matière de politique étrangère. En 2012, la divulgation d’un aide-mémoire sur la pec n’a pas permis de connaître les orientations des conservateurs. Ce document a néanmoins révélé que la pec est sujette à réflexion au sein de ce gouvernement (Paris 2012). Même si plusieurs chercheurs rapportent des ruptures définitives sur le plan du discours (Moens 2008 ; Boucher 2009 ; Chapnick 2011-2012) ou dans l’aide au développement (Black 2009 ; Audet et Navarro-Flores 2014), aucune action n’atteste un tournant majeur de la pec.

D’autres propositions mettent en lumière la politique étrangère des conservateurs. L’une d’elles est que leur politique étrangère viserait l’électorat canadien afin que le parti conservateur devienne le parti « naturel » au Canada (Nossal 2013 : 31-32). D’autres avancent que le Canada serait influencé par ses alliés (Paquin et Chaloux 2009 ; Nossal 2011 ; Massie 2011 ; Paquin 2012 ; Paquin et Beauregard 2013). Le postulat que le Canada est limité par ses propres capacités a fait l’objet d’une analyse transversale par les chercheurs. Enfin, certains se demandent si les idées politiques influencent la conduite de la pec (Mérand et Vandemoortele 2009 ; Bloomfield et Nossal 2010 ; Massie et Brizic 2014). L’objectif de cet article est de tester la proposition quant à l’émergence du néocontinentalisme (Massie et Roussel 2013 ; Dorion-Soulié et Roussel 2014), conçu comme une culture stratégique découlant de l’idéologie néoconservatrice définie dans ce numéro (voir l’introduction de ce numéro), et ce, à partir du cas de la politique iranienne du Canada (pic).

La rupture des liens diplomatiques en 2012, la mise en oeuvre subséquente d’une diplomatie directe et l’article de John Baird dans Foreign Policy (maecd 2014h) dénonçant le régime iranien alimentent l’intérêt d’étudier cette politique, édifiée par ce gouvernement comme l’une de ses politiques fortes sur le plan international. L’absence d’analyses de la politique iranienne du Canada justifie aussi une étude approfondie. Sur le plan théorique, le cas de la pic est approprié pour vérifier la proposition néocontinentaliste. En fait, nous considérons la pic comme un cas critique : si la proposition ne fonctionne pas avec celle-ci, elle ne fonctionnera pas pour les autres cas (Flyvbjerg 2006 : 230). L’histoire canado-iranienne est surtout caractérisée par des discordes politiques (Bouzeboudjen 2012). L’Iran est passé de principal partenaire économique du Canada au Moyen-Orient durant les années 1990 (Momani et Antkiewicz 2007 : 2) à des échanges ne totalisant que 40 millions de dollars en 2013 (Gouvernement du Canada 2014). La fluctuation des échanges commerciaux illustre une tendance qui dépasse les différents gouvernements. De même, les gouvernements successifs font de la situation des droits humains en Iran un enjeu « canadien » depuis 2003. Enfin, l’intérêt d’étudier ce cas tient au fait que l’Iran est au centre d’un rapport de force entre l’Iran et les principaux alliés du Canada à cause de son programme nucléaire. L’influence des alliés est une hypothèse rivale à l’explication découlant du néocontinentalisme.

La politique iranienne du Canada est-elle formulée et mise en oeuvre en se fondant sur une culture stratégique néocontinentaliste ? Bien que le discours canadien à l’égard de l’Iran soit le reflet des référents néocontinentalistes, la mise en oeuvre de la pic est marquée par la continuité, influencée par une culture stratégique stable, établie selon une logique internationaliste. Cela démontrerait la cohérence de la politique iranienne avec l’internationalisme. Néanmoins, la récente orientation de la diplomatie canadienne est un élément de rupture. Cette contre-diplomatie basée sur le néocontinentalisme souffrirait pour le moment d’une inadéquation entre les prétentions de succès du gouvernement de sa politique iranienne et les résultats de sa mise en oeuvre. L’article sera divisé en deux parties. Dans un premier temps, nous discuterons du cadre théorique englobant la culture stratégique et les idées dominantes. À travers une analyse de contenu, trois dossiers formant la pic seront étudiés. Nous aborderons les limites de cette étude de cas et les avenues de recherche maintenant à explorer en guise de conclusion.

I – L’ontologie constructiviste et les fondements du néocontinentalisme

La proposition néocontinentaliste repose sur le concept d’idées dominantes et de culture stratégique. La nature et les éléments de cette culture sont sujets à débat (Bloomfield et Nossal 2007 : 286). Roussel et Morin (2007 : 18-19) proposent quatre éléments consensuels pour définir ce concept. La culture stratégique reposerait essentiellement sur une primauté de la conception idéelle du monde sur la réalité matérielle, bien que cette dernière soit aussi considérée. De la sorte, « les idées (symboles, métaphores, analogies, interprétations de l’histoire, langage, valeurs et autres) [deviendraient] des variables importantes lorsqu’il s’agit de comprendre les décisions ayant trait à l’usage de la force » (Roussel 2007 : 23) ou les options considérées en matière de politique étrangère. La culture stratégique est également systémique, partagée entre les membres d’une communauté. Celle-ci est par le fait même exclusive à une communauté. Enfin, ce phénomène est relativement stable dans le temps. La culture stratégique est un concept heuristique permettant d’étudier les contextes sociaux (Neumann et Heikka 2005 : 6). Elle est elle-même un contexte où ses acteurs ont la possibilité de l’accepter, de la valoriser ou encore de la transformer et de la réinterpréter (Dorion-Soulié et Roussel 2013 : 393).

La notion d’idée dominante est définie « comme un ensemble d’idées stables et cohérentes qu’entretient un groupe à l’égard de la place de son pays dans le monde, de ses priorités et des stratégies pour maximiser ses intérêts » (Massie et Roussel 2014 : 688). Autrement dit, les idées dominantes amènent les décideurs, peu importe les allégeances politiques, à considérer un ensemble d’actions selon une conception de ce que doit être et devrait faire le Canada sur la scène internationale. La notion d’idées dominantes rejoint celle de culture stratégique (Massie et Roussel 2014 : 689). Ces deux notions constructivistes s’imbriquent de manière cohérente. Les idées dominantes sont reflétées dans la culture stratégique. Celles-ci permettent de donner un sens aux préférences, aux discours et aux actions des différents gouvernements au Canada à travers le temps.

Cependant, la notion d’idée dominante a une logique qui lui est propre. Elle ne peut exister sans un penchant opposé, ce qui explique le dynamisme du processus politique (Nossal et al. 2007 : 232). C’est le cas, par exemple, de l’internationalisme et du continentalisme, qui s’imposent après la Deuxième Guerre mondiale. L’internationalisme, caractérisé par la volonté d’exporter les valeurs libérales sur la scène internationale, est le courant dominant (Nossal 2013 : 21), qui pousse le Canada à prôner le multilatéralisme et les institutions internationales. Influencée par l’élite politique, la société se voit elle-même comme un médiateur et un gardien de la paix dans la conduite des relations internationales. À l’opposé, le continentalisme prône un alignement avec la politique étrangère des États-Unis pour favoriser le commerce avec ce pays. S’apparentant le plus au concept de realpolitik (Roussel 2012 : 141), les actions sont néanmoins justifiées selon une géographie commune et des valeurs partagées par les deux pays. À partir du gouvernement Martin, on postule l’apparition d’un autre courant d’idées dominantes au Canada qui influence la conduite de la pec, le néocontinentalisme. Saurette, Gunster et Trevenen (2009 : 15) avancent que le contexte actuel est favorable à l’étude de la mouvance conservatrice au Canada. Plus particulièrement, les transformations socioéconomiques amenant un déplacement vers la droite de la société canadienne et les changements politiques entourant le 11 septembre 2001 sont les grandes tendances qui permettraient d’expliquer comment ce courant d’idées dominantes s’est installé (Massie et Roussel 2013 : 49).

Une autre définition théorique a également été avancée pour déterminer les fondements de cette mouvance : le néoconservatisme canadien (objet de ce numéro spécial). Nous suggérons que ces fondements recoupent ceux du néocontinentalisme que nous allons utiliser dans notre analyse de la politique iranienne du Canada. Essentiellement, ces deux définitions se penchent sur le même ensemble d’individus regroupés sous la bannière de l’école de Calgary. De plus, le tableau à la page suivante montre que les différents éléments de définition se recoupent d’une manière ou d’une autre. Par exemple, le premier élément du néocontinentalisme découle du traditionalisme, du libéralisme et du populisme, éléments constitutifs de la définition du néoconservatisme canadien proposée par Dorion-Soulié et Sanschagrin (2015).

La définition de néocontinentalisme est conservée pour des raisons pratiques. Les catégories d’analyse du néocontinentalisme ont été avant tout créées pour analyser la politique étrangère canadienne, alors que la définition du néoconservatisme canadien permet de comprendre les assisses idéologiques de cette mouvance tout en la distinguant de la mouvance américaine. Autrement dit, le néocontinentalisme serait l’expression du néoconservatisme canadien sur le plan international. Le néocontinentalisme répond spécifiquement à des problématiques de la pec : le financement des dépenses militaires devrait être augmenté, la sécurité et la prospérité du Canada dépendraient du renforcement des liens avec les États-Unis depuis le 11 septembre 2001, la moralité serait à même de guider la pec et, enfin, une remise en question de l’appui indéfectible du Canada aux institutions internationales s’imposerait (Lagassé, Massie et Roussel 2014 : 64-67). Nous utiliserons donc les catégories d’analyse du néocontinentalisme présentées dans notre tableau.

Tableau

Tableau de comparaison des définitions[1]

Tableau de comparaison des définitions1

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II – Méthodologie et données

Ce courant d’idées dominantes prescrit une logique qui devrait en théorie se refléter dans la formulation et la mise en oeuvre de la pec. Comment peut-on observer et évaluer l’influence de ces six éléments composant le néocontinentalisme sur la politique du Canada à l’égard de l’Iran ? Afin de relever la présence de cette logique « néocontinentaliste » dans la formulation et la mise en oeuvre de la pic, des conditions doivent être fixées. Il nous faut discuter de l’inclusion ou de l’exclusion des hypothèses alternatives et intermédiaires à notre analyse. Les propositions produites sur la pec au Moyen-Orient sont sensiblement les mêmes que celles qu’on avance généralement pour expliquer la pec (Hassan-Yari 1997 ; Jacoby et Kilic 2007). Le calcul électoraliste, les alliés (États-Unis, Royaume-Uni et France)[2] et les capacités limitées du Canada seront les autres explications considérées dans l’analyse.

Il faudra également indiquer la présence des idées dominantes au sein des différents gouvernements Harper, de même que chez les conservateurs et les libéraux, et les comparer entres elles. On doit ainsi mettre en contexte les actions du Canada pour assurer la cohérence de cette comparaison entre les gouvernements. Selon Gustavsson, les explications sur ce qui apparaît comme un changement de la politique étrangère doivent tenir compte du contexte international (1999 : 91). Le fait de concentrer notre analyse sur la période après-11 septembre respecte ce raisonnement pour discuter des hypothèses alternatives par rapport à la proposition que nous souhaitons démontrer.

Cette démonstration analysera la politique dite d’engagements contrôlés. Établie par le ministre Axworthy en 1996, cette politique a été reconduite et revisitée en 2003, 2005 et 2007, soit à travers les gouvernements Chrétien, Martin et Harper (Cabinet du ministre des Affaires étrangères 2011). Elle consiste à entretenir un dialogue public entre Ottawa et Téhéran sur la situation des droits humains en Iran, le programme nucléaire iranien et la conduite des relations diplomatiques[3]. Ces éléments de la politique iranienne du Canada seront analysés selon les conditions décrites pour vérifier la présence du néocontinentalisme.

Une documentation variée sera utilisée. Nous ferons une analyse de contenu des déclarations officielles du Canada sur l’Iran de 2003 jusqu’à aujourd’hui. À cette fin, nous avons considéré une quarantaine de communications émises par le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement du Canada (maecd). Nous avons incorporé certains témoignages ou allocutions du premier ministre et de ses ministres. Enfin, nous avons consulté certains documents obtenus en vertu de la Loi sur l’accès à l’information ainsi que le contenu du site du maecd.

III – Le combat pour les droits humains en Iran : un symbole canadien ?

Les violations de droits humains dont est accusé Téhéran préoccupent le Canada. Par exemple, le ministre Baird s’est dit troublé par les conclusions du rapporteur spécial de l’onu sur l’Iran formulées en mars 2014 (maecd 2014c). En fait, ce type de déclaration est systématique et remonte à l’époque Chrétien.

Datant de 2003, l’élément déclencheur est l’affaire Kazemi, qui a entraîné un changement dans la pic. Rappelons qu’une journaliste canado-iranienne a été arrêtée par les autorités iraniennes, détenue, puis hospitalisée dans des circonstances nébuleuses avant d’être déclarée morte de coups et blessures durant son incarcération (maecd 2005a). Cette mort a entraîné la réaction de l’ambassadeur canadien à Téhéran, du ministère des Affaires étrangères, puis du premier ministre Chrétien désireux de faire progresser l’enquête (maecd 2005a). Les impasses de cette affaire ont contribué à ce que le Canada entreprenne « des démarches auprès de partenaires internationaux [principalement les différentes instances de l’onu relatives aux droits de la personne] en vue de la présentation et de l’adoption d’une résolution sur les droits de la personne en Iran à l’Assemblée générale des Nations Unies » en novembre 2003 (maecd 2005a).

Cette démarche s’est consolidée sous Martin (maecd 2005a, 2005c) et s’est poursuivie jusqu’à aujourd’hui[4]. Le Canada parraine toujours une résolution sur les droits de la personne en Iran à l’assemblée générale de l’onu. De plus, le Canada n’hésite pas à condamner les tentatives de motion de l’Iran lors des votes[5]. L’ampleur de cette action n’a pas changé entre les gouvernements Chrétien, Martin et Harper, ce qui montre les limites de l’action internationale du Canada. Ainsi, les déclarations sur la mort de la journaliste continuent sous les différents mandats des conservateurs (maecd 2006c). Peter MacKay condamne la présence du procureur en chef de Téhéran au Conseil des droits de l’homme de l’onu en 2006 et évoque son implication dans l’affaire Kazemi (maecd 2006b). De même, le ministre Cannon demande une nouvelle enquête sur les ondes de la cbc en 2010 (Bookmiller, 2011 : p. 28). Enfin, Baird fait une « [d]éclaration [lors du] 10e anniversaire du meurtre » (maecd 2013f).

Cet événement permet qu’un sentiment d’identification à la situation des droits humains en Iran soit cultivé. Celui-ci est évoqué lorsque le gouvernement canadien dénonce la fermeture d’une organisation de défense des droits humains par les autorités iraniennes en août 2006 (maecd) ou qu’il condamne les exactions du régime en matière de droits humains depuis les années 1980 (maecd 2013d). Le rappel de l’affaire Kazemi dans d’autres circonstances porte à croire que celle-ci est instrumentalisée à d’autres fins. En plus d’être une source de justification de l’action canadienne, cet événement devient, sous les gouvernements conservateurs, un autre symbole. On peut relever trois éléments du néocontinentalisme justifiant l’action du Canada à partir du deuxième mandat conservateur. Lors de la résolution de 2008 (élément 2 du néocontinentalisme), Cannon propose que son adoption « démontre le nouveau leadership du Canada dans le monde » (maecd 2008b). Le Canada est toujours cet « ardent défenseur de la liberté, de la démocratie, des droits de la personne et de la primauté du droit partout dans le monde » (maeci 2012c). Cependant, ce sont les conservateurs qui associent cette entreprise aux « valeurs canadiennes » (maecd 2008b) et non aux obligations internationales du Canada, comme l’a fait le gouvernement Martin (élément 4). « Ces violations injustifiées des droits de la personne continueront d’être un élément crucial de la politique étrangère du Canada à l’égard de l’Iran », affirme Cannon lors d’une intervention au Parlement (maecd février 2011c). On peut donc observer cette différence, parfois subtile, entre l’internationalisme et le néocontinentalisme.

Depuis l’élection de 2011 reconduisant le Parti conservateur au pouvoir, des changements plus apparents sont observés, que pourrait expliquer l’obtention d’une majorité au Parlement. L’engagement à l’égard de la démocratie et de la défense des droits humains est reformulé et mis en oeuvre distinctement (élément 1). D’abord, on crée le poste d’ambassadeur pour la liberté de religion. Ce dernier joint ses efforts à ceux des autres ministres conservateurs en multipliant les déclarations sur les violations de la liberté de religion en Iran (maecd 2013b 2013g, 2013h, 2014e, 2014f, 2014g). Le ministre Baird dénonce spécifiquement le fonctionnement démocratique du régime avant et après les élections de 2013 (maecd 2013c, 2013e, 2013i). Cette pression publique des conservateurs sur l’Iran s’étend aussi à des instances peu propices à la dénonciation. Par exemple, l’intervention de Baird à l’assemblée de l’Union interparlementaire en 2012 à Québec provoque un imbroglio diplomatique (Bergeron 2012).

Dans la dénonciation des violations des droits humains en Iran, l’action du Canada précède celle de ses alliés. Les États-Unis, le Royaume-Uni et la France ont également exercé une pression diplomatique sur Téhéran avec l’appui du Canada. Le Canada participe à différents moments à une déclaration avec les États-Unis (maecd 2009a), avec la France (maecd 2010b) ainsi qu’avec le Royaume-Uni et les États-Unis (maecd 2011a). Cette action commune est en accord avec notre hypothèse centrale. En fait, le Canada utilise maintenant un cadre bilatéral tout en poursuivant son action multilatérale. La finalité peut être la même sans que les référents avancés soient les mêmes pour le Canada et ses alliés.

En résumé, il semble que la stratégie canadienne change à partir de 2011, mais sans rupture définitive avec l’approche amorcée sous Chrétien à l’intérieur du cadre onusien (élément 5). Cela révèle l’effet de persistance de la culture stratégique par la transmission des options choisies à travers le temps. De plus, on ne peut pas proposer l’amitié indéfectible entre le Canada et les États-Unis (élément 6) ni une vision manichéenne (élément 3) comme facteurs d’explication. On peut toutefois attester la présence des valeurs conservatrices, l’importance du statut de puissance du Canada et de ses engagements à réaliser l’intérêt national propre au néocontinentalisme dans la formulation de la politique iranienne du Canada (éléments 1, 2 et 4). Enfin, nous considérons que l’hypothèse de l’émergence du néocontinentalisme ne contredit pas l’hypothèse électoraliste dans ce dossier. Les partis de l’opposition tiennent une position relative similaire à celle du gouvernement, mais sans les référents au néocontinentalisme pour la justifier[6]. Toutefois, en l’absence de sondages basés sur la question, on ne peut postuler que cette action des conservateurs influence les intentions de vote.

IV – Les « différentes » réponses au programme nucléaire iranien

À trois reprises, Stephen Harper a pris position sur le régime iranien, faisant montre d’une vision pessimiste et manichéenne du monde (élément 3). Il a notamment déclaré que le régime iranien était une menace inacceptable en raison de son idéologie diabolique et de son désir d’acquérir la technologie nucléaire (O’Grady 2009). Harper a aussi affirmé que l’Iran était la plus grande menace à la sécurité internationale dans la foulée d’exercices navals menés par l’Iran dans le détroit d’Ormuz (Fekete 2012). Puis, dans une entrevue accordée à la cbc (2012), le premier ministre s’est dit convaincu de l’existence d’un volet militaire, ajoutant que sa compréhension du régime lui donnait l’assurance que ce dernier n’hésiterait pas à utiliser l’arme nucléaire. L’ambition de l’Iran de militariser son programme nucléaire n’a toujours pas été formellement démontrée. Pourtant, la population canadienne semble, selon les sondages effectués en 2012, en accord avec le premier ministre : 81 % des Canadiens ont une opinion défavorable à l’égard de l’Iran (Angus Reid 2012b : 1) et autour de 75 % croient que l’Iran développerait l’arme nucléaire (Angus Reid 2012a : 4 ; Abacus Data 2012 : 3). Ces chiffres laissent à penser que le gouvernement Harper a toute latitude d’agir sans s’aliéner l’électorat canadien, même si les partis d’opposition dénoncent le manque d’ouverture du gouvernement Harper relativement à l’accord sur le nucléaire conclu en 2013 par l’Iran avec les États-Unis et cinq autres puissances, surtout européennes. Cette position est d’ailleurs un autre signe d’une vision néocontinentaliste. Le gouvernement demeure sceptique devant la tournure des négociations et doute de la bonne volonté de Téhéran (maecd 2014J). Sa perception reste l’unique justification pour maintenir les sanctions économiques à l’égard de l’Iran après cet accord (maecd 2013j).

Ni Chrétien ni Martin n’ont eu l’approche de Stephen Harper vis-à-vis du programme nucléaire iranien. Le cadre stratégique « Protéger une société ouverte » du gouvernement Chrétien indiquait que le Canada continuerait « de jouer un rôle important dans les efforts déployés pour stopper la prolifération des armes de destruction massive […] et faire émerger un consensus international en réaction aux dangereuses activités nucléaires de l’Iran et de la Corée du Nord » (Gouvernement du Canada, 2004 : 57). L’énoncé de politique « Fierté et influence » du gouvernement Martin souligne aussi le fait que le Canada contribuera encore au renforcement du « contrôle international des transferts de technologie nucléaire sensible, à l’amélioration des traités en place et à la formation de coalitions entre des États clés sur des dossiers comme ceux de l’Iran et de la Corée du Nord » (Gouvernement du Canada, 2005 : 17). En fait, Martin a souhaité mettre en oeuvre une stratégie basée à la fois sur les institutions internationales et sur une coalition d’États. À titre illustratif, ce gouvernement a exprimé son inquiétude quant à la crédibilité du dispositif multilatéral mis en place (maecd 2005b).

La coopération internationale est aussi importante sous les deux premiers gouvernements conservateurs. Malgré l’adoption en 2006 des résolutions 1696 et 1737 (onu 2006 : 6), le nucléaire iranien ne devient véritablement un enjeu international qu’en 2010, année où les sanctions sont utilisées et l’intervention militaire est mise sur la table. « [L]e Canada accueill[e] favorablement la participation du Conseil de sécurité à ce dossier sérieux […] » (maecd 2006a). Le gouvernement conservateur appuiera tour à tour les autres résolutions (maecd 2006d, 2006e). Le Canada met aussi en oeuvre la résolution 1737, imposant un embargo à l’Iran sur les technologies nucléaires (maecd 2007a). Le Canada fait de même avec les résolutions subséquentes (maecd 2007b, 2008a). De plus, « le Canada se [sert] de son passage à la présidence du G8 pour continuer d’attirer l’attention de la communauté internationale sur ce dossier et l’inciter à prendre les mesures qui s’imposent à l’encontre du régime iranien » (maecd 2010a). De même, « [l]e Canada préside le Conseil des gouverneurs de l’aeia pendant un an, à partir de septembre 2012, et en profite pour s’assurer que ce dossier demeure prioritaire » (Sénat du Canada 2011-2012 : 48).

Toutefois, le discours et l’action du gouvernement conservateur se sont transformés peu à peu au cours des dernières années. En 2010, le Canada va plus loin que ne l’a fait la dernière résolution onusienne en ratifiant la loi sur les mesures économiques spéciales (Harper 2010). Cette loi permet de modifier et d’augmenter les sanctions à cinq reprises entre 2011 et 2013 (maecd 2014b). On peut se questionner sur l’utilité de ces sanctions étant donné le peu d’échanges commerciaux existant entre le Canada et l’Iran. Le discours de Baird prononcé à l’assemblée générale de l’onu en octobre 2012 est aussi un marqueur témoignant d’un tournant dans le troisième mandat conservateur. Ce discours met l’accent sur l’importance des « principes » et des « convictions » face à l’enjeu du nucléaire iranien. Ce dernier deviendrait par le fait même un enjeu moral (élément 1). Baird avance que, si l’Iran devient nucléaire, cela « ne ferait qu’enhardir un régime déjà irrationnel et [ferait] perdurer un facteur de déstabilisation non seulement pour cette région déjà fragile, mais pour la planète entière » (maecd octobre 2012b). Cette affirmation témoigne d’une vision néocontinentaliste (élément 3). De plus, Baird dénonce l’inaction de l’onu et « son incapacité à atteindre des résultats concrets, notamment en matière de sécurité », malgré le paradoxe que le Canada reste toujours le septième donateur en importance de l’organisation (Massie 2012). Malgré ses vives critiques à l’égard de l’onu, le Canada ne semble remettre que partiellement en question sa crédibilité et sa capacité à résoudre les enjeux de sécurité internationale (élément 5).

On se doit d’évaluer l’hypothèse voulant que les alliés du Canada aient une influence sur son action. Selon un fonctionnaire du maecd :

Il est évident qu’à elles seules les sanctions imposées par le Canada ne peuvent guère influer sur l’attitude de l’Iran, et c’est pour cela qu’il faut que nous agissions de façon concertée avec nos alliés et que nous les encouragions à renforcer leurs sanctions contre l’Iran, car c’est de cette façon qu’elles auront de l’effet.

Sénat du Canada 2011-2012 : 60

Concrètement, le Canada s’est « entendu avec la Grande-Bretagne et les États-Unis pour annoncer des sanctions supplémentaires le même jour (Sénat du Canada 2011-2012 : 56). En fait, le Canada sous Harper s’est joint à une coalition qui rejoint ses intérêts et qui n’entraîne que peu de conséquences financières pour le Canada. Par exemple, les pays de l’Union européenne (ue) se sont mis d’accord pour placer un embargo à la fois pétrolier et financier contre la République islamique d’Iran dont l’objectif est de forcer ce régime à retourner aux tables de négociations en ce qui a trait à son programme nucléaire (Radio-Canada 2012). L’action du Canada viendrait avant tout légitimer l’action des États-Unis et des alliés européens plutôt que de porter un véritable coup à l’économie iranienne, ne représentant qu’une perte possible de quelques millions (Gouvernement du Canada 2014), comparativement à la fermeture complète du marché européen au pétrole iranien et à près de 13 milliards en échanges commerciaux (Harmer 2012 : 3). Cependant, l’hypothèse de l’influence des alliés explique mal pourquoi le gouvernement Harper adopte une position si agressive, alors que ses alliés ont une position d’ouverture et négocient avec l’Iran. En fait, la question demeure si la position du Canada ne s’aligne pas davantage sur la position d’Israël dans ce dossier, comme le démontre le texte de Boily (dans le présent numéro) sur les causes du soutien du Canada à Israël. Cette position concorde néanmoins avec la vision manichéenne du monde dans la lecture du gouvernement Harper des relations entre Téhéran et Tel-Aviv (élément 3).

Quant à l’hypothèse du calcul électoral des conservateurs dans l’élaboration de leur réponse à l’enjeu nucléaire, il ne fait pas de doute que les sanctions économiques visent avant tout la population canadienne. L’ajout de nouvelles sanctions en 2012 sans raison apparente (Chouinard 2012) est pour démontrer aux Canadiens que le gouvernement conservateur agit même si aucun résultat ne prouve l’efficacité des sanctions canadiennes. De même, l’octroi d’un million de dollars pour soutenir les efforts de vérification du programme nucléaire iranien (maecd 2014a) est aussi une mesure symbolique et non un engagement important auprès de cette institution internationale.

La réponse du Canada à l’égard de l’enjeu du programme nucléaire iranien n’est que partiellement motivée par la volonté de faire de nouveaux gains électoraux ou de plaire aux alliés internationaux. L’hypothèse du néocontinentalisme expliquerait la perception et les prises de position à l’égard de la menace que fait peser l’Iran, s’appuyant sur plusieurs de ses référents (éléments 1, 3, 4 et 5). Le mandat majoritaire et le fait que c’est en 2010 que cet enjeu a véritablement été au centre des affaires internationales seraient à l’origine du changement tardif de la pec. L’hypothèse néocontinentaliste permettrait essentiellement de comprendre la formulation et l’adoption de sanctions qui n’ont finalement guère d’effets réels, puisque le Canada n’entretient pas de relations commerciales importantes avec l’Iran.

V – Le nouveau jeu diplomatique : #Iran #Espoir #Dignité

Septembre 2012. Le ministre Baird annonce la fermeture de la mission canadienne à Téhéran et déclare les diplomates iraniens personae non gratae (maecd 2012a). Il n’y a jamais d’explications simples pour comprendre le jeu diplomatique (Siddiqui et Alam 2010 : 7). Bien que la rupture des liens diplomatiques ait eu différentes significations à travers l’histoire (Feltham 1993 : 9), cette action du Canada reste un signe de protestation. Lorsque l’on jette un regard d’ensemble sur les relations diplomatiques canado-iraniennes, la rupture de 2012 a des précédents. On peut d’abord évoquer le rôle du Canada durant la crise des otages à l’ambassade américaine au cours de la révolution de 1979 qui amena le Canada à fermer son ambassade. Les relations diplomatiques n’ont repris qu’en 1996 (Gouvernement du Canada 2014). L’affaire Kazemi a aussi engendré des aléas diplomatiques (maecd juin 2005a). Ce n’est donc pas la première fois que le Canada procède au retrait de son ambassadeur en Iran.

La décision de septembre 2012 est néanmoins en rupture avec la politique dite d’engagements contrôlés qui avait cours depuis 1996. Au-delà des allégeances politiques, les gouvernements canadiens entretenaient jusque-là une forme de dialogue afin d’essayer d’influencer les dirigeants iraniens. La rupture des liens diplomatiques s’est accompagnée d’une mesure symbolique : l’Iran a été inscrit sur la liste des États qui soutiennent le terrorisme (maecd 2012a). Cette action apparaît donc en rupture avec les quinze dernières années de la politique mise en oeuvre. Le gouvernement conservateur avait pourtant manifesté le souhait de maintenir des liens diplomatiques avec Téhéran. Il avait souhaité garder une représentation après l’expulsion de son ambassadeur (maecd 2007d). Une révision de la politique dite d’engagements contrôlés a été mise en place par la suite (Sénat du Canada 2011-2012 : 55). Selon les informations obtenues, le maecd était peu enclin à reprendre les relations après les élections iraniennes de 2009 (Bookmiller 2011 : 28), même si le Canada était toujours engagé militairement en Afghanistan.

Il reste encore difficile de savoir quelles ont été les motivations ou l’information menant à cette décision, les rapports obtenus en vertu de la Loi sur l’accès à l’information (demande A-2011-01971) ayant été en partie caviardés. Toutefois, l’évaluation de la menace lisible relate l’incident à l’ambassade britannique (itac 2011 : 1). On peut donc supposer que cet incident aurait eu un effet sur la décision de fermer la mission canadienne. Dans la foulée des événements, le ministre de l’Immigration a déclaré que la sécurité des diplomates canadiens était menacée depuis que les Britanniques et les Américains avaient quitté Téhéran (Payton 2012). Ces éléments ramènent à l’hypothèse que les alliés du Canada auraient une influence sur cette décision. De fait, les Britanniques ont fermé leur ambassade à la suite de son saccage par des manifestants, mais sa réouverture a été annoncée. L’ambassade française a également été fermée temporairement à la suite d’une manifestation (Le Monde). Quant aux États-Unis, ils ne sont plus présents à Téhéran depuis 1979. Ces fermetures ne semblent cependant guère plus qu’un concours de circonstances, car aucune déclaration ni aucun document n’attestent un lien entre la rupture unilatérale des liens diplomatiques par le Canada et l’influence de ses alliés.

Après la rupture des liens diplomatiques, le Canada a entrepris une politique de diplomatie directe. On ne peut que constater la capacité limitée du Canada à s’engager dans une politique d’envergure. Selon l’information obtenue par les médias, trois fonctionnaires seulement mettraient en oeuvre la diplomatie directe avec le peuple iranien (Zabihiyan : 2014). Cette politique n’est visible que par les comptes sur les réseaux Facebook et Twitter en français, en anglais et en farsi que le gouvernement a ouverts. Cette double plateforme est un fil de presse relatant quotidiennement les nouvelles ou des articles sur le Web critiquant les abus du régime iranien. Le Canada soutient aussi financièrement l’initiative Global Dialogue on the Future of Iran (gdfi) de la Munk School of Global Affairs de l’Université de Toronto (maecd 2013a), qui consiste à établir un rapprochement avec la population iranienne et les activistes iraniens par le truchement d’une plateforme virtuelle. Une série de conférences en ligne est organisée, permettant des débats avec des individus vivant en Iran dans la foulée des élections de 2013. À la suite de ces élections, le site gdfi propose le Rouhani Meter, qui évalue l’ensemble des promesses faites par le nouveau président depuis son investiture. D’ailleurs, le Canada semble commenter la politique iranienne à partir des données obtenues sur le site (maecd 2013d). Si les résultats de cette initiative restent difficiles à évaluer, l’ensemble de l’oeuvre aura coûté, jusqu’à présent, environ 3,2 millions de dollars. « Ottawa estime que l’initiative lui aura permis d’établir un réseau d’opposants iraniens », selon un mémoire de juin 2013 (Zabihiyan 2014).

En mars 2014, Baird prononce un discours devant le personnel de son ministère où il vante les mérites de cette nouvelle pratique diplomatique (maecd 2014d). Certains des éléments du néocontinentalisme sont évoqués à l’intérieur de cette allocution : l’importance du libre-échange économique et des relations canado-américaines pour le Canada, l’importance d’être du « bon » côté face au mal et l’importance de la défense des valeurs canadiennes (éléments 1, 3 et 6). Selon John Baird, « [l]e Canada [serait] plus ambitieux et ouvert sur le monde que jamais » (maecd 2014d). On peut donc lier la formulation de cette nouvelle diplomatie aux idées néocontinentalistes.

En résumé, la diplomatie iranienne du Canada a récemment pris une tournure particulière. Au-delà de l’évaluation ciblant de possibles menaces, c’est la réaction du gouvernement canadien qui a suscité notre attention. Celle-ci était empreinte d’une relative stabilité jusqu’au dernier mandat des conservateurs. Toutefois, ces derniers ont adopté non seulement un discours qui leur est propre, mais également une diplomatie qui serait davantage en concordance avec leur vision du monde manichéenne et leur défense des idées néoconservatrices à l’échelle internationale. Bien que le lien entre un possible gain électoral et cette nouvelle diplomatie soit nébuleux, des sondages menés quelques jours après cette décision indiquent qu’entre 64 % (Abacus Data 2012 : 3) et 72 % (Angus Reid 2012b : 1) des Canadiens appuient la décision du gouvernement de rompre ses liens diplomatiques avec l’Iran. Si les États-Unis ont également mis en oeuvre un programme de diplomatie directe, ils sont aussi en négociation avec l’Iran à propos de leur programme nucléaire. Au lieu de se comporter en médiateur, le Canada a opté pour une stratégie qui isole politiquement l’Iran et, par le fait même, le Canada.

Conclusion

Après cette analyse, peut-on affirmer que le Canada a maintenant une politique iranienne basée sur le néocontinentalisme ? Bien qu’il soit encore tôt pour affirmer la persistance d’une nouvelle idée dominante (Nossal et al. 2007 : 232), les trois pans de la politique iranienne analysés ont été, à un moment ou à un autre, reformulés et motivés selon des postulats du néocontinentalisme. Il y a donc eu rupture rhétorique sous le gouvernement Harper. Les autres hypothèses permettant d’expliquer la politique étrangère canadienne n’ont pas contredit la proposition de l’émergence du néocontinentalisme, mais elles ont permis de produire des explications complémentaires. L’explication néocontinentaliste pointe le troisième mandat conservateur, où la formulation et la mise en oeuvre de la politique iranienne du Canada se transforment véritablement. Qui plus est, il nous semble d’abord difficile de comprendre la pic sans les référents aux idées dominantes néocontinentalistes. Comment peut-on expliquer l’acharnement du gouvernement Harper dans cette politique, alors que les intérêts économiques sont minces, que les gains d’influence auprès de ses alliés sont limités, qu’il y avait une possibilité de nuire à son engagement en Afghanistan et qu’au bout du compte ses capacités d’exercer une pression sur Iran sont réduites à zéro par la rupture unilatérale des liens diplomatiques ?

Dans l’optique de la culture stratégique, deux des trois dossiers analysés nous ont démontré une continuité et une stabilité dans les options considérées afin que le Canada maximise ses intérêts. L’affaire Kazemi a créé une onde de choc qui fait en sorte que le Canada est aujourd’hui interpellé par la situation des droits humains en Iran, peu importe le parti au pouvoir. La stratégie de s’engager dans la coopération internationale vis-à-vis du programme nucléaire iranien a pris diverses formes, mais perdure à travers les gouvernements. Toutefois, le nouveau style diplomatique serait une pratique en rupture avec les précédents gouvernements et résulterait selon nous du néocontinentalisme. Il est difficile d’expliquer la formulation de cette contre-diplomatie sans considérer la vision de l’Iran et les valeurs prônées par le premier ministre ou le ministre des Affaires étrangères. En fait, Baird nous apparaît comme l’« avatar » du néocontinentalisme.

Pour conclure, notons une limite à notre analyse qui doit être discutée. Lors de notre analyse des déclarations, plusieurs de celles-ci faisaient référence à Israël. Par ailleurs, Frédéric Boily (voir son article dans le présent numéro) a exposé les liens entre l’électorat canadien, l’idéologie conservatrice et néoconservatrice au Canada et la position du gouvernement Harper face à Israël. Il existe donc un lien entre la politique iranienne et la politique du Canada à l’égard d’Israël. Cela nous amène à nous poser la question suivante : pourrait-on considérer cette position à l’égard de l’Iran comme un élément d’un calcul politique plus grand pour plaire à l’électorat canadien par une politique de redéfinition identitaire du parti conservateur suivant les principes du néoconservatisme ? La contribution de Boily ainsi que cette dernière question sont les prémisses de nos recherches futures.