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L’Union européenne ne manque jamais de proclamer son engagement pour des solutions multilatérales ainsi que pour une amélioration de la gouvernance mondiale. On possède cependant peu d’informations sur son impact effectif. Et peu d’études existent pour examiner systématiquement l’interaction de l’ue avec les régimes politiques globaux. C’est précisément à quoi s’emploie ce livre.

Cet ouvrage recense l’importance relative des politiques de l’ue dans le système de gouvernance mondiale multiniveau, en comparaison avec les activités nationales et mondiales. Il offre aussi une analyse comparative de la capacité de l’ue à projeter ses politiques vers l’extérieur.

En mettant l’accent sur la politique commerciale, l’agriculture, la sécurité alimentaire, la concurrence, les droits sociaux, la politique environnementale, le transport, la migration, la non-prolifération nucléaire ou la régulation financière, chaque chapitre du livre contribue à une meilleure compréhension du rôle de l’ue dans l’élaboration de politiques mondiales, les mécanismes qu’elle utilise et les conditions menant à la réussite ou à l’échec.

C’est particulièrement le cas du domaine du commerce, où le formidable pouvoir de négociation de l’ue – attribuable à la taille de son marché intérieur – est un terrain privilégié pour l’exportation des politiques de l’Union. Cela remonte au traité de Rome qui avait déjà mentionné l’abolition progressive des restrictions au commerce international et l’abaissement des barrières douanières parmi ses objectifs et qui avait transféré à la Commission européenne des compétences exclusives en la matière. L’ue a effectivement joué un rôle central aux côtés des États-Unis pour écrire les règles du régime du commerce mondial jusqu’au milieu des années 1990.

C’est en effet un accord bilatéral entre l’ue et les États-Unis sur une réduction des droits de douane qui avait façonné les résultats des négociations commerciales du Kennedy Round en multilatéralisant le principe de la « nation la plus favorisée » au régime du gatt (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) (puis de l’omc [Organisation mondiale du commerce]). Au cours de cycles de négociation commerciaux ultérieurs, l’ue a travaillé en tandem avec les États-Unis, en élaborant les règles du régime du commerce mondial concernant des questions comme les politiques antidumping et la discipline des guerres de subventions, ainsi que par rapport à une série de codes réglementaires plurilatéraux conclus lors des négociations de l’Uruguay Round.

Le grand marché intérieur de l’ue a également facilité l’exportation des politiques dans un certain nombre de domaines liés au marché, comme diverses normes pour les produits et les services, en particulier dans le domaine des transports et de la politique de l’environnement.

Dans les autres domaines que le commerce, le bilan de l’ue dans la spécification et la diffusion de normes est plus ambigu. Le chapitre de Florian Trauner sur la politique migratoire et la protection des réfugiés internationaux illustre bien la démarche du livre. Après avoir enquêté sur la portée et la nature de la politique migratoire de l’ue et de ses régimes internationaux correspondants, son analyse porte sur les interactions de l’ue avec le régime mondial de protection des réfugiés, le régime le plus institutionnalisé de la migration internationale.

En s’appuyant sur la perspective en trois couches développée dans l’ouvrage, Trauner montre que les États membres ont d’abord utilisé la coopération au niveau de l’ue pour mieux imposer une interprétation plutôt restrictive des normes internationales de protection des réfugiés internationaux.

En ce qui concerne les négociations et les marchandages internationaux dans le cadre du Haut Commissariat aux réfugiés, il constate que l’ue a été un faible exportateur de politiques.

Cela ne signifie pas, cependant, que l’Union européenne n’a pas exercé la moindre influence sur le régime de protection globale. L’ue est en effet devenue un exportateur influent de ses règles et de ses pratiques en matière d’asile dans la région européenne au sens large et a contribué à la définition de nouvelles approches politiques sur la façon de traiter les problèmes de réfugiés d’aujourd’hui.

D’une manière générale, cet ouvrage qui voulait démontrer que l’ue exerce une grande influence sur la gouvernance mondiale tempère plutôt ses résultats. Les analyses empiriques des différents auteurs révèlent ainsi que les exportations de politiques de la part de l’Union européenne sont plus rares qu’on ne le pense généralement et que l’ue apparaît rarement comme une puissance hégémonique qui peut facilement imposer ses standards à des régimes internationaux.

Dans un monde de plus en plus multipolaire, l’ue est amenée à constater qu’il est difficile de dominer des négociations dans les institutions mondiales à un degré où elle peut tout simplement exporter ses arrangements internes.

En conséquence, l’exportation de politiques de l’ue est souvent limitée à des aspects techniques et peu politisés d’une politique, où l’influence de l’Union européenne sur d’autres acteurs s’appuie sur des ressources « douces » comme l’autorité normative, l’expertise technique et la compétence réglementaire. Souvent, ces questions complexes sont abordées dans des comités techniques et des réseaux transgouvernementaux au niveau mondial, dans lesquels une logique de « résolution de problèmes » prévaut.

Enfin, ce livre révèle que l’interaction de l’ue avec son environnement porte souvent moins sur sa capacité à exporter ses politiques que sur son interaction générale avec son environnement mondial dans un certain nombre de façons différentes, y compris dans l’importation de politiques pour se protéger des pressions internationales.

Il s’agit d’un ouvrage collectif honnête et qui fait bien le tour de la question. Il n’offre cependant pas de perspectives vraiment nouvelles et nous laisse encore sur notre faim quant à l’impact réel des politiques de l’Union européenne sur la gouvernance internationale.