Comptes rendusThéorie, méthode et idées

Feminist Strategies in International Governance, Gülay Caglar, Elisabeth Prügl et Suzanne Zwingel (dir.), 2013 New York, Routledge, 314 p.[Notice]

  • Nathalène Reynolds

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  • Nathalène Reynolds
    Chercheuse associée, Pakistan Security Research Unit, Durham University, Durham, Royaume-Uni

Les études de genre constituent la discipline que les profanes affectionnent. C’est à qui ira d’un raisonnement original qui emportera l’argument de manière définitive. Il est vrai que l’Occident, à la suite des attentats du 11 septembre 2001 et des choix politico-bellicistes qu’il adopta, réveilla une querelle qui avait opposé colonisateurs européens et colonisés de confession musulmane. Du statut qu’avait progressivement acquis la gent féminine découlait la supériorité dont la civilisation occidentale tentait une nouvelle fois de se prévaloir, tandis que les membres de la communauté musulmane qui appartenaient, selon un tel schéma, à un groupe unique, de surcroît homogène, perpétuaient une condition féminine uniforme que l’on proclamait inacceptable, voire scandaleuse. Les courants conservateurs islamiques, voire islamistes, ne cherchèrent guère à dénoncer une instrumentalisation politique, peu en accord avec l’esprit des Lumières dont l’Europe occidentale et l’Amérique du Nord se déclaraient les gardiennes. Ils saisirent, au contraire, l’occasion qu’offrait, au lendemain de la chute de l’Union soviétique, cette nouvelle approche manichéenne du monde pour rappeler à l’ordre les quelques égarés qui refusaient une lecture littérale du texte sacré. Et pour convaincre ils usèrent de sanctions qui étouffèrent un courant modéré, voire laïc, qui commençait à peine à oser s’exprimer publiquement. L’émergence d’un terrorisme se réclamant de l’islam, la proclamation d’un État dit islamique aux ambitions internationalistes, les vocations que ces courants suscitent aujourd’hui en Occident parmi une jeunesse « déboussolée » (généralement d’origine musulmane) ont comme éclipsé une importante problématique : celle de difficiles conquêtes juridiques, politiques, économiques et sociales dont la gent féminine, à travers le monde, attend souvent encore des dividendes. Aussi le recueil que publient Gülay Caglar (Research Fellow au Département Genre et Globalisation de l’Université Humboldt de Berlin), Elisabeth Prügl (professeure de Relations Internationales au Graduate Institute of International and Development Studies de Genève) et Suzanne Zwingel (professeure associée à l’Université d’État de New York à Postdam) est-il le bienvenu. En effet, Feminist Strategies in International Governance nous rappelle que les études de genre sont une discipline sérieuse qui s’attache à répondre à un monde en évolution constante aux conditions féminines extrêmement diverses. Les trois directrices d’une publication qui rassemble, en fait, des actes d’un colloque soulignent, dans la préface et l’introduction, l’aboutissement d’un étonnant combat qui en vint à atteindre la très grande majorité des sociétés de la planète. Au mois de janvier 2011, l’un Women, agence onusienne, fut en définitive fondée, démontrant l’importance du rôle que les organisations internationales – de la Déclaration et Programme d’action de Pékin (15 septembre 1995) à nos jours – avaient joué. L’action engagée par de telles instances fut, faut-il s’empresser d’ajouter, appuyée par l’élaboration de stratégies féministes qui visaient à pousser sur la scène internationale une problématique qui reste, aujourd’hui encore, l’objet d’une vive polémique : l’indispensable égalité des genres. Prenant acte de la création de l’un Women, les trois auteures soulignent qu’elles estimèrent dès lors nécessaire une approche en deux volets. La première procédait d’une réflexion critique de l’état du féminisme aujourd’hui. La seconde entendait proposer un précis permettant d’appréhender les enjeux d’importance qui figuraient au programme international. Ainsi le prestigieux Institut des hautes études internationales et du développement (à Genève) accueillit-il, au mois d’octobre 2010, une conférence internationale réunissant universitaires et activistes ; la langue anglaise, plus souple, désigne un troisième groupe que le français ne parvient pas à rendre : celui de femocrats, lesquelles évoluaient au sein des organisations internationales. Le recueil, dense, comprend quatre parties. La première traite de divers outils et de leur utilité dans la transformation des donnes mondiales et nationales : la législation, l’intégration de la dimension des …