Comptes rendusÉtudes stratégiques et sécurité

Guerres et conflits récents, Catherine Dalipagic (dir.), 2015 Édition du conseil scientifique de l’Université Charles-de-Gaulle-Lille 3 Lille, 532 p.[Notice]

  • André Dumoulin

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  • André Dumoulin
    Attaché de recherche, Institut Royal Supérieur de Défense, Bruxelles, Belgique

Ouvrage sous-titré « la représentation de la guerre dans les conflits récents : enjeux politiques, éthiques et esthétiques », cette somme reprend une grande partie des communications de trois jours de colloque. L’ouvrage tente d’analyser les différents moyens de représentations des guerres et des conflits à travers l’examen des médias, de la littérature, du cinéma, des bandes dessinées et de l’art. Assurément, les domaines sont larges et les contributions de niveaux très variables. La structuration en quatre grandes parties permet néanmoins de ne pas s’y perdre : guerre et idéologie, guerre et technologie, guerre, éthique et affects et enfin, guerre et esthétique. Nous sommes bien dans l’approche pluridisciplinaire qui mobilise dans un même ouvrage sciences sociales, psychanalyse, philosophies et domaines de l’art sans nécessairement que les travaux soient rédigés de manière collective. Nonobstant cela, des ponts peuvent s’imaginer et donnent à penser que les thématiques ouvrent la voie à d’autres travaux. L’originalité de l’ouvrage collectif et ses 31 contributions réside aussi dans l’intégration, en introduction à chaque article, d’un résumé ainsi que d’un petit développement précisant le cadre historique, culturel et conflictuel. Certaines contributions sont également illustrées de photos, dessins et reproduction de peintures et de bd. Parmi les contributions très éclectiques, nous sommes entraînés dans des réflexions sur la diversité des concepts de sécurité et des langages associés (Duray) ou sur la distinction entre guerre et crime en faisant appel à la notion de culture de la peur pouvant être le moyen le plus approprié pour contrecarrer la dégénérescence de la guerre en crime (Sokolovic). Il est aussi question de la comparaison des oeuvres d’écrivains russes par l’analyse narrative autour de la guerre en Tchétchénie aux contenus idéologiques opposés (Dalipagic), mais aussi de l’analyse du rôle identitaire et guerrier des chansons patriotiques dans les guerres yougoslaves (Ilic). Vantapour aborde, quant à elle, le corps (devenant lieu de conflit et enjeux) et ses représentations dans les films sur la guerre en Irak alors que Louet analyse les codes de mise en scène sur la guerre avec l’image devenant sujet à caution ; la place du reporter devenant particulièrement délicate. Nous retiendrons la contribution de François-Bernard Huyghe sur l’utilisation de l’image comme arme d’humiliation, de propagande et de diabolisation de l’ennemi. Elle devient en quelque sorte pièce à conviction, qu’elle soit exaltante ou repoussante. Elle fait naître de nouvelles relations d’hostilité, mais crée aussi le terreau pour des argumentaires complotistes. Et l’auteur de dénoncer notre « lâche consentement aux images qui nous confortent dans nos croyances ». Que de plus riche aussi que l’analyse pénétrante de Mak Ditmack sur une lecture historique et idéologique des jeux vidéos, réceptacles des discours idéologiques de ceux qui les fabriquent. L’occidentalisme et les visions stéréotypées y sont légion, avec pour effet miroir, une contre-culture entre l’Occident et les pays arabes. Jeux qui peuvent être à la fois le passage « obligé » pour s’engager au sein des forces armées américaines autant qu’instrument de contre-culture dans les centres universitaires ou par l’intermédiaire des concepteurs isolés, pouvant ici montrer les effets des dégâts collatéraux, les enjeux politiques ou mettre en doute la légitimité des interventions. Il s’agit bien de se réapproprier les clichés visuels occidentaux par le détournement de leur contenu. Les dessins d’enfants traumatisés récoltés dans la collection Brauner feront également l’objet de développements (Milkovitch-Rioux). D’autres contributions abordent des études de cas comme l’usage critique des images de guerre dans le film « Erkonnen und Verfolgen » de Farocki démontrant la manipulation, y compris la complicité ou la victime potentielle que serait, finalement, le spectateur ! Quant à Cyrulnik, il aborde la réflexion éthique au …