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L’Europe, une grande puissance désarmée, Maurice de Langlois, 2015, Paris, Économica, 169 p.[Notice]

  • André Dumoulin

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  • André Dumoulin
    Chercheur, Institut Royal Supérieur de Défense, Université de Liège, Liège, Belgique

D’une lecture plaisante, cet ouvrage repose sur une vision réaliste de ce qu’est devenue l’Europe de la défense, entre succès et échecs, tout en proposant quelques pistes pour tenter d’avancer vers une plus grande crédibilité et autonomie de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense (psdc), avec pour horizon une défense commune encore hypothétique. L’auteur, général de division (2S), a structuré son ouvrage en cinq grands chapitres : Qu’est-ce que l’Europe ? ; La sécurité de l’Europe ; L’approche globale ; La réalisation de la PSDC ; L’investissement européen de la France. Pour Maurice de Langlois, l’Europe est une aventure collective, celle d’une civilisation aux héritages culturels, religieux et humanistes dont les différents peuples qui la composent partagent des valeurs communes malgré la polémique sur ses frontières physiques. S’essayant à défricher les formes de puissance, l’auteur examine successivement les notions d’influence, de hard et de softpower, puis de smart power ; tout en mettant en avant la difficulté de l’Europe à penser la puissance, vu son histoire et l’origine de la démarche des Européens, mais aussi suite à des postures nationales divergentes. Pour l’expliquer, il prend en exemple l’Allemagne et le Royaume-Uni, la première dans une culture de la retenue, le second pris entre réduction budgétaire et un Brexit annoncé. Relevons l’analyse plus détaillée de l’article 44 du Traité sur l’Union Européenne (tue) sur la mise en oeuvre d’une opération par un groupe d’États membres qui le souhaitent et disposent des capacités nécessaires pour un tel engagement confié par le Conseil de l’ue. De plus, la question d’un livre blanc européen sur la sécurité-défense, véritable monstre du Loch Ness, est traitée en reprenant une étude de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire de Paris (irsem), dont l’auteur fut un des directeurs de recherche. Cependant, il omet de citer les travaux du Centre d’études de défense (irsd, Bruxelles) bien en amont autant que l’édition d’un modèle de livre blanc européen réalisé dans les années 1990 par l’Institut d’Études de Sécurité de l’Union Européenne (Issue), sous la direction de Nicole Gnessoto. Au sujet de l’approche globale, il s’agira de chercher à déterminer si c’est un concept ou une philosophie en comparant les approches onusienne, otanienne et européenne ; avec toute la complexité que les États membres n’ont pas, en général, la même analyse sur sa mise en oeuvre. Si l’ue détient en elle-même la quasi-totalité des instruments qui répondent aux besoins de l’approche globale en mobilisant tous ses leviers, le problème principal est que certains considèrent le concept comme un fourre-tout, diluant alors les responsabilités et les expertises. Et de relever en parallèle la distinction à faire entre la spécificité de l’action militaire et le différentiel des approches nationales à propos de l’utilisation des forces armées et de l’usage de la force, en comparant schématiquement quelques États à ce sujet. Les troupes sont d’abord nationales et le contrôle opère toujours et encore au moyen des règles de restriction d’emploi de la force (caveats) en opérations multinationales. Et de développer par la suite une étude autour de la géopolitique somalienne, illustrant l’approche globale européenne vue comme méthode d’intervention pluridimensionnelle. À l’autre bout du champ, l’auteur examine plus en détail la problématique capacitaire européenne et le poids de l’Agence européenne de défense. Surfant sur ses origines françaises, de Langlois termine son tour d’horizon en analysant la politique de sécurité et de défense de la France associée à l’Otan et à l’Union européenne, y examinant aussi l’influence des Français à l’Union européenne et le rôle …