Comptes rendusÉconomie internationale

Géopolitique des ressources minières en Asie du Sud-Est. Trajectoires plurielles et incertaines : Indonésie, Laos et Viêt Nam, Éric Mottet, Frédéric Lasserre et Barthélémy Courmont, 2015, Québec, Presses de l’Université du Québec, 250 p.[Notice]

  • Jano Bourgeois

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  • Jano Bourgeois
    Département de science politique, Université du Québec à Montréal, Montréal, Canada

À l’heure où la Chine manifeste un appétit apparemment insatiable pour les matières premières, l’extraction minière demeure une activité économiquement et politiquement importante pour nombre de sociétés dans le monde. Économiquement, parce que le secteur minier est encore vu comme un élément majeur du processus de développement ; politiquement, parce que les ressources sont liées au territoire, et à son contrôle, mais aussi parce que la Chine n’est pas seule à désirer les minerais et les hydrocarbures. Dès lors, il serait simplificateur de considérer une tendance mondiale uniforme dans l’exploitation des ressources minières, de croire que les différents États la suivent sans se poser de questions et que les codes miniers se suivent et se ressemblent. L’ouvrage Géopolitique des ressources minières en Asie du Sud-Est s’inscrit dans cette reconnaissance de la pluralité des modes d’exploitation de ces ressources en fonction de différentes variables géopolitiques. Les auteurs, Éric Mottet, du Département de géographie de l’Université du Québec à Montréal, Frédéric Lasserre, du Département de géographie de l’Université Laval, et Barthélémy Courmont, directeur de recherche à l’Institut des relations internationales et stratégiques, se donnent pour objectif de comprendre les dynamiques de la mise en exploitation croissante des ressources minières en Asie du Sud-Est. Il s’agit de voir comment ces territoires nouvellement mis à contribution s’imbriquent dans une régionalisation et une mondialisation accélérées. Ce livre s’intéresse à la question des retombées économiques mais aussi sanitaires, politiques et environnementales de ce nouvel état de fait. Ce faisant, ils inscrivent leur démarche dans une optique géopolitique. En effet, l’inégalité géographique dans la répartition des ressources minières pourrait mener, en raison de l’avidité qu’elles suscitent, à des conflits tant internes qu’externes, entraînant des conséquences politiques majeures. De plus, la ressource minière, a contrario du mouvement vers la déterritorialisation de l’économie, est ancrée dans un territoire, ce qui requiert une analyse géopolitique plutôt que strictement politique ou économique. Tout au long de l’ouvrage, les chercheurs font ressortir la façon dont les États voient la ressource minière comme un moyen d’accès à la puissance internationale, par la croissance économique et le levier politique qu’elle procure, et au contrôle de leur propre territoire, surtout des zones périphériques et marginales. Plutôt que de tenter de couvrir l’ensemble disparate des pays d’Asie du Sud-Est, le pari de l’ouvrage est d’explorer de manière approfondie trois États qui représentent des dynamiques territoriales propres : l’Indonésie, archipel minier, le Laos, petit État enclavé, et le Viêt Nam, État côtier avec un arrière-pays montagneux. Cependant, ils présentent trois caractéristiques communes : un territoire richement doté en ressources minières, une exploitation minière par des acteurs internes ainsi que des investisseurs étrangers et la présence de tensions sociales autour de l’exploitation minière. L’objectif avoué, dans les mots des auteurs, est de « réduire le biais intrinsèque à la singularité empirique et de donner une portée générale à une interprétation croisée » (page 3). Le chapitre sur l’Indonésie s’impose par son ampleur et la richesse de ses données. En effet, les dynamiques géopolitiques indonésiennes y sont traitées à travers l’exploration de projets et de zones minières très diversifiés, et l’on y scrute des dynamiques très différentes : la gigantesque mine de Grasberg en Papouasie, l’exploitation chaotique du charbon par de multiples acteurs à Kalimantan, ainsi que le projet de Weda Bay dans les Moluques. Cet exposé très varié fait ressortir la façon dont le gouvernement indonésien entend utiliser l’industrie minière pour favoriser son développement économique global. Il explique son utilité pour désenclaver des régions périphériques, les développer et surtout, mieux les contrôler. Les auteurs explicitent clairement l’influence de la politique de transmigrasi (migration interne des Indonésiens des îles …