Comptes rendusÉtudes stratégiques et sécurité

The Rise of the Far Right in Europe: Populist Shifts and ‘Othering’, Gabriella Lazaridis, Giovanna Campani et Annie Benveniste (dir.), 2016, Londres Palgrave Macmillan, 289 p.[Notice]

  • Marie-Soleil Normandin

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  • Marie-Soleil Normandin
    Université Laval Québec, Canada

Depuis 1980, le phénomène dit de l’extrême droite a suscité l’attention des intellectuels, mais aussi celle du grand public. Son émergence, son succès électoral et l’établissement de partis politiques de cette branche idéologique ont réussi à imposer ce mouvement comme un joueur de taille face aux « vieux » partis européens. À cet égard, l’ouvrage dirigé par Gabriella Lazaridis, Giovanna Campani et Annie Benveniste s’annonce comme une lecture engageante pour les nouveaux chercheurs qui étudient la grande famille de l’extrémisme. S’appuyant sur une variété de méthodes principalement qualitatives, le livre explore les stratégies dont use le populisme pour se rapprocher des compréhensions exclusivistes de l’extrême droite. Plus encore, en utilisant une approche intersectionnelle axée sur le genre, la race, l’ethnicité, et sur l’orientation sexuelle, les auteures illustrent un nationalisme d’extrême droite, soulignant ainsi son éventail de possibilités d’application sur le territoire européen. Le populisme non seulement marginalise ceux qui n’appartiennent pas au groupe majoritaire, mais écarte aussi le pluralisme communautaire. L’atout majeur de l’ouvrage réside en sa capacité à fournir une compréhension critique des tendances européennes actuelles et à lier le populisme au sexisme et au racisme, de manière substantielle et théorique, en étudiant les discours, parfois contradictoires, tenus par l’élite politique, tout en démontrant la complexité du phénomène de l’extrême droite. En examinant la littérature spécialisée sur le sujet, les auteurs identifient le populisme comme une boîte noire s’appropriant différentes formes de protestation contre l’élite politique européenne. Définie de manière large et multiforme, la notion de populisme est donc utilisée pour englober les termes associés aux systèmes de valeurs et aux idéologies de droite. Conscients des risques liés à l’utilisation d’un concept aussi large, les auteurs ont pour objectifs : (a) de clarifier le concept, (b) de différencier les traits du populisme de l’Europe de l’Est et de l’Ouest, (c) d’identifier les continuités et les discontinuités temporelles de la mouvance, (d) d’explorer les liens entre populisme et démocratie, (e) de lier le populisme au sexisme et au racisme, (f) d’analyser les effets de la rhétorique populiste, examinant l’impact des partis populistes sur la lutte contre la discrimination et l’égalité des sexes, et, enfin, (g) de fournir des outils aux décideurs afin de promouvoir la tolérance. Finalement, cet ouvrage se distingue des études « classiques » portant sur le populisme d’au moins trois façons. Tout d’abord, il propose une conceptualisation originale, abordant le nativisme d’extrême droite à l’intersection entre le genre, la race, l’origine ethnique et l’orientation sexuelle. Il s’agit d’un pas en avant étant donné que les études empiriques sur la définition des exogroupes de l’extrême droite se concentrent majoritairement sur un type d’individu, à savoir l’immigrant. Ensuite, le livre innove concernant la sélection des individus ; au-delà de la séparation classique entre les organisations d’extrême droite parlementaires et extra-parlementaires, l’ouvrage fournit un cadre commun pour aborder la politique identitaire dans les partis politiques et les mouvements de rue populistes, radicaux et extrêmes. Enfin, le livre est innovateur sur le plan des sources de données, puisqu’au-delà de l’analyse comparative transnationale de contenu de propagande, l’étude s’appuie sur de nouvelles données tirées d’entretiens semi-structurés avec des membres des partis, organisations et groupes de droite pertinents, ainsi qu’avec des représentants d’ong engagées dans la lutte contre le racisme et la discrimination. Cette méthode favorisera la recherche, et ce, sur les plans discursif, attitudinal et comportemental. En dépit de ces forces indéniables, l’ouvrage laisse voir certains aspects négatifs affectant la clarté de son argumentation. Premièrement, si l’aperçu historique des groupes populistes parlementaires et extra-parlementaires offre des informations …