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Résolution 1325 et gouvernance globaleL’agenda Femmes, Paix et Sécurité (fps) en tant que norme internationaleResolution 1325 and Global Governance: The Women, Peace and Security (wps) Agenda as an International Norm[Notice]

  • Bénédicte Santoire

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  • Bénédicte Santoire
    École d’études politiques, Faculté des sciences sociales, Université d’Ottawa, Ottawa, Canada
    benedicte.santoire@uottawa.ca

Basu Soumita, Paul Kirby et Laura J. Shepherd (dir.), 2020, New Directions in Women, Peace and Security, Bristol, Bristol University Press.

De Jonge Oudraat Chantal et Michael E. Brown (dir.), 2020, The Gender and Security Agenda. Strategies for the 21st Century, New York, Routledge.

Engberg-Pedersen Lars, Adam Fejerskov et Signe Marie Cold-Ravnkilde (dir.), 2019, Rethinking Gender Equality in Global Governance. The Delusion of Norm Diffusion, Cham, Palgrave MacMillan.

La Résolution 1325, votée par le Conseil de Sécurité des Nations Unies le 31 octobre 2000, est considérée comme un évènement historique. Ce tournant marquant reconnaissait, pour la première fois, l’impact différencié, disproportionné et unique qu’ont la guerre et les conflits sur les femmes. La Résolution 1325 reconnaissait également le besoin essentiel d’inclure celles-ci dans tous les efforts de paix et sécurité, tant au niveau de la prévention de la violence qu’en matière de participation dans les opérations de maintien de la paix, par exemple, et de la résolution de conflits. Finalement, la Résolution 1325 soulignait le besoin urgent de mettre en place des mesures de protection contre les violences basées sur le genre. Neuf autres résolutions (s/res/1820, 1888, 1889, 1960, 2106, 2122, 2242, 2467, 2493) ont suivi, constituant désormais l’agenda Femmes, Paix et Sécurité (fps). Ses piliers fondateurs sont les trois « p » – participation, protection, prévention – auxquels s’ajouteront ensuite le secours et le rétablissement (relief and recovery) (Coomaraswamy 2015). Vingt ans après son adoption, de multiples barrières à son implantation – notamment institutionnelles – demeurent. Les ouvrages de Basu, Kirby et Shepherd (2020), de De Jonge Oudraat et Brown (2020) et de Engberg-Pedersen, Fejerskov et Cold-Ravnkilde (2020) traitent non seulement de ces barrières, mais également des contours de l’agenda, son agrandissement et son rétrécissement. De plus, les ouvrages discutent son contenu normatif et fondamentalement politique où divers acteurs et divers niveaux de gouvernance se rencontrent et mènent des luttes sociales et géopolitiques. Le présent essai s’ouvre par une évaluation des forces et faiblesses des trois ouvrages et de leurs contributions à la littérature en Relations internationales (ri) féministes, en études féministes de sécurité et en gouvernance globale. Il se penche ensuite sur l’applicabilité de l’agenda fps : comment ces différentes résolutions sont implantées, par qui, pour qui, et à quels niveaux de gouvernance. Adoptant un point de vue constructiviste et féministe critique, l’essai cherche ensuite à montrer comment cet agenda est interprété, perçu, internalisé, contesté à l’échelle internationale et comment il (re)produit certaines hiérarchies de pouvoir, notamment raciales et de genre. Comme plusieurs chercheuses l’ont mentionné, l’agenda fps est généralement considéré comme une norme internationale (True 2016 ; Krook et True 2012) telle que la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (cedaw). Or, contrairement au cedaw qui contient un mécanisme de plainte, l’agenda fps représente plutôt une forme de soft law, c’est-à-dire qu’il repose entièrement sur la bonne volonté des États membres et ne contient pas de réels mécanismes d’imputabilité à part la volonté politique de ceux-ci. De ce fait, au fil du temps, l’agenda fps s’est vu instrumentalisé à d’autres fins, transformé et militarisé, l’éloignant ainsi de ses objectifs initiaux de paix féministe. En coexistence avec d’autres vastes cadres normatifs en matière d’égalité de genre, l’agenda fps représente aujourd’hui un terrain d’étude fertile pour comprendre les enjeux de genre liés à la paix et à la sécurité. Enfin, l’essai mettra en lumière les critiques et les défis à venir pour la prochaine décennie et comment ces trois ouvrages tentent d’y répondre. Le livre édité par Basu, Kirby et Shepherd s’adresse précisément à la communauté des spécialistes de l’agenda fps. Marquant le vingtième anniversaire de la Résolution 1325, il traite de l’agenda comme objet de recherche, comme entité normative, mais aussi de « l’idée » de l’agenda, ses transformations, son évolution historique, son instrumentalisation et ses défis futurs. Une multitude de méthodes qualitatives originales sont employées, allant de l’analyse discursive à l’analyse visuelle, l’ethnographie et l’auto-ethnographie, les entrevues, …

Parties annexes