Résumés
Résumé
Cet article analyse les tensions manifestes entre les deux grandes missions qui ont structuré l’activité de l’Organisation internationale du Travail (oit) depuis les années 1920 : l’objectif de justice sociale d’une part, et celui de développement économique de l’autre. Il s’interroge sur les difficultés de l’organisation à imposer le respect des normes sociales qu’elle promeut quand l’objectif de croissance et de développement économique imposés par d’autres acteurs internationaux entre en tension avec elles. Il examine dans quelle mesure les divers programmes de développement mis en oeuvre par l’organisation depuis les années 1930 ont tenté d’apporter une réponse à cette contradiction. Ces questions sont discutées à travers des études de cas dans les contextes changeants d’un siècle d’histoire de l’oit.
Mots-clés :
- OIT,
- justice sociale,
- développement,
- productivisme,
- responsabilité sociale des entreprises
Abstract
This article analyzes the tensions that exist between the two major missions that have structured the activity of the International Labour Organization (ilo) since the 1920s : the objective of social justice on the one hand and economic development on the other. It examines the difficulties of the organization in enforcing the social standards it promotes when the objective of growth and economic development imposed by other international actors come into tension with them. It studies the extent to which the various development programs implemented by the organization since the 1930s have attempted to address this contradiction. These issues are discussed through case studies in the changing contexts of a century of ilo history.
Keywords:
- ILO,
- social justice,
- development,
- productivism,
- corporate social responsability
Corps de l’article
Cet article analyse les tensions manifestes entre les deux grandes missions qui ont structuré l’activité de l’Organisation internationale du Travail (oit) depuis les années 1920 : l’objectif de justice sociale d’une part, et celui de développement économique de l’autre. Bien que pensés comme complémentaires par l’organisation, ces deux aspects sont généralement abordés séparément dans la très riche littérature récente sur l’oit (Maul 2019). Mettre en lumière et analyser les tensions à l’oeuvre entre ces deux pôles de l’action de l’oit est pourtant essentiel pour comprendre la nature de l’organisation, le cadre au sein duquel elle agit et les limites imposées à son action. Plus largement, ces limites illustrent certains mécanismes de désencastrement de la sphère de l’économie, depuis la « grande transformation » induite par le développement du capitalisme global au 19e siècle (Polanyi 1944, 1983). L’oit n’a pas reçu la mission de réencastrer l’économie dans le social, comme le signale Polanyi, en se fondant sur la constitution même de l’organisation ; elle est une agence sociale du capitalisme global. Elle poursuit toutefois l’objectif de réguler socialement l’économie. Dans ce qui suit, nous nous interrogerons sur certaines des stratégies que l’organisation a déployées et sur les marges de manoeuvre limitées dont elle dispose pour mener à bien cette mission.
En 1919, l’Organisation internationale du Travail (oit) est créée en réponse aux revendications des ouvriers mobilisés dans l’Union sacrée durant la Première Guerre mondiale et comme un contre- modèle réformiste à la menace révolutionnaire bolchévique. Sa mission est de promouvoir la justice sociale par des réformes et d’éviter les déséquilibres sociaux et politiques engendrés par des régimes sociaux trop inégalitaires au sein de chaque espace national, ainsi qu’entre les pays dans le contexte d’une économie de libre-échange.
Pour répondre à cet objectif, l’organisation élabore des conventions et recommandations qui constituent une sorte de code international du travail et de la sécurité sociale. Pour être effectives, ces conventions doivent être ratifiées par les gouvernements nationaux (Bonvin 1998). L’organisation ne dispose d’aucun pouvoir contraignant pour les faire appliquer mais, dans les différents pays, elle peut s’appuyer sur les syndicats de travailleurs qui sont d’ailleurs représentés dans l’organisation au même titre que les employeurs et les gouvernements. Ce tripartisme est une spécificité de l’oit au sein du système onusien (Louis 2016).
La « justice sociale » est l’objectif affirmé et la raison d’être de l’organisation, tandis que les notions de croissance économique et de développement ne sont pas explicitement mentionnées dans la constitution de 1919, texte fondateur de l’oit. Néanmoins, la prospérité étant posée comme une condition du progrès social, Albert Thomas, premier directeur du Bureau international du Travail (bit), qui est le secrétariat permanent de l’organisation, considère que pour mener à bien sa mission, c’est l’oit, et non la Section économique et financière de la Société des Nations (sdn), qui doit prendre en charge les questions économiques au sein du système international (Feiertag 2008 ; Maupain 2012 : 77-78). Durant la crise des années 1930, il promeut l’idée d’un grand programme de travaux publics pour résorber le chômage, en particulier dans les marges européennes considérées comme sous-développées (Liebeskind Sauthier 2005 ; Schirmann 2011 : 252-268). En 1942, l’oit reçoit le mandat d’organiser la reconstruction économique (Kott 2015) et, à la sortie de la guerre, elle a l’ambition de participer activement à la régulation économique mondiale. Ceci constitue un objectif explicite de la déclaration de Philadelphie de 1944, souvent interprétée comme la seconde naissance de l’organisation (Constitution de l’oit s.d.). Toutefois, à l’Organisation des Nations Unies (onu), c’est au Conseil économique et social des Nations Unies (ecosoc) que revient la tâche de discuter les questions économiques, tandis que le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (gatt) puis l’Organisation mondiale du commerce (omc), en 1995, deviennent les véritables acteurs de la gouvernance économique mondiale (Helleiner 2014). La mission de justice sociale de l’oit est donc clairement limitée par le fait qu’elle n’exerce aucun contrôle sur la gouvernance économique mondiale.
Le rôle de l’oit se complique encore avec l’entrée en scène des pays nouvellement décolonisés. La question du développement économique devient alors une priorité au sein du système onusien. La diffusion, par le biais des conventions de l’oit, de politiques de redistribution et de protection sociale largement élaborées pour des pays européens, se heurte par ailleurs aux caractéristiques propres des économies des pays du tiers-monde et aux ressources limitées dont ils disposent, tandis qu’en retour, l’inégalité économique globale et les formes de concurrence sociale qu’elles favorisent font courir progressivement un risque au progrès social dans les nations les plus riches. La réalité des inégalités de développement entre alors clairement en tension avec l’objectif de justice sociale universelle promu par l’oit.
Dans la suite de ce texte, nous nous demanderons comment l’Organisation a tenté de faire face à cette contradiction. Quels sont les moyens dont dispose l’oit pour imposer le respect des normes sociales qu’elle promeut quand l’objectif de croissance et de développement économique imposé par d’autres acteurs internationaux entre en tension avec elles ? Dans quelle mesure les diverses politiques de développement mises en oeuvre par l’organisation depuis les années 1930 ont-elles tenté d’apporter une réponse à cette contradiction ? L’oit a-t-elle voulu et su faire des programmes et objectifs de développement économique un instrument de la justice sociale ? Ou bien, au contraire, le développement est-il devenu un objectif qui s’est progressivement substitué à sa mission de justice sociale ? Pour répondre à ces questions, je procéderai par études de cas sur un siècle d’histoire de l’organisation. Ces études ciblées permettent de montrer combien les marges d’action de l’organisation et son activité sont étroitement dépendantes des contextes internationaux. Je m’interrogerai d’abord sur le rôle et l’efficacité des missions d’assistance technique pour aider les gouvernements des pays moins développés à mettre en oeuvre et à respecter les normes sociales promues par l’oit dans les années 1930. Puis je me pencherai sur la manière dont, à partir des années 1950, l’oit a vu dans la diffusion du modèle modernisateur et productiviste un préalable, voire une solution efficace à la redistribution sociale. Je discuterai ensuite des réflexions et solutions élaborées au sein de l’organisation pour réencastrer le social dans l’économie dans le contexte favorable des années 1960 et de la première moitié des années 1970. Enfin je m’interrogerai sur les marges de manoeuvre dont dispose l’oit dans le contexte défavorable aux régulations sociales depuis la fin des années 1970.
I – L’assistance technique comme politique sociale dans les années 1930
L’oit est d’abord une agence productrice de normes. Les recommandations discutées et adoptées lors de la Conférence internationale du travail n’ont qu’une portée indicative, tandis que les conventions doivent être soumises aux parlements nationaux des États membres pour être ratifiées. L’universalité de normes élaborées par une organisation pensée et dirigée par les Européens (Guérin 1996) est une difficulté originelle pour l’oit qui compte parmi ses membres fondateurs des pays qui n’appartiennent pas au monde occidental. Lors d’un de ses voyages en Asie, Albert Thomas esquisse d’ailleurs une réflexion sur la nécessité de respecter les différences culturelles : « Dans son artisanat, avec ses vieilles méthodes de travail, dans sa civilisation séculaire, le Chinois, au fond, n’était-il pas plus heureux ? Est-ce pour une civilisation matérielle vraiment supérieure que nous venons le troubler ? » Mais, surmontant ce court moment de doute, il conclut finalement : « Peut-être ! Mais la réflexion philosophique ne doit pas nous voiler que le mal de l’industrie moderne est fatal. Notre tâche n’en doit pas moins être accomplie » (Thomas 1959 : 40). Cette conclusion est celle de l’organisation dans son ensemble qui, sur la base de la modernisation « inéluctable » des économies, se fixe pour « tâche » d’étendre à tous les pays les normes élaborées d’abord pour les sociétés européennes.
Néanmoins, dans les principes généraux de la constitution de 1919, les parties contractantes reconnaissent que « les différences de climat, de moeurs et d’usage, d’opportunité économique et de tradition industrielle rendent difficile d’atteindre d’une manière immédiate l’uniformité absolue dans les conditions de travail » (Constitution de l’oit s.d.). Dès 1919, les gouvernements de l’Inde et du Japon parviennent ainsi à négocier des ajustements spécifiques pour les conventions sur l’âge minimum et le travail de nuit des enfants. Depuis 1946, ces dispositions dérogatoires sont inscrites dans les conventions sous la forme de « clauses de souplesse » dont la Convention 102 de 1952 sur la sécurité sociale constitue une bonne illustration (Guinand 2003 : 197-225). À long terme, il n’en demeure pas moins que les normes sociales devraient s’appliquer partout, y compris en aidant les pays à élaborer des législations sociales compatibles avec les conventions de l’oit.
Les fonctionnaires du bit déploient dès la fin des années 1920 une grande énergie pour diffuser le savoir-faire social accumulé durant la première décennie et tenter d’adapter les législations nationales aux normes internationales. Le Bureau organise des sessions de formation pour les représentants des administrations nationales à Genève et, à la demande des gouvernements, les fonctionnaires se rendent en missions techniques dans divers pays. On en recense 60 avant le lancement, en 1949, du programme étendu d’assistance technique (Plata-Stenger 2020)[1]. Ces missions permettent de diffuser les modèles sociaux élaborés par l’oit et d’assurer la compatibilité des législations de ces pays avec les conventions internationales (Stack 1941 ; Blelloch 1941)[2]. Véronique Plata-Stenger a bien documenté le décalage entre les objectifs poursuivis par les fonctionnaires et experts du bit et la réalité du terrain à laquelle ils sont généralement mal préparés. Les cas de réussite, comme en Grèce ou au Venezuela, furent rares, et même là les succès furent fragiles et toujours à la merci d’un changement de régime. Néanmoins, cette politique d’assistance technique occupe jusqu’à aujourd’hui une place importante dans l’action de l’oit dont la légitimité repose sur sa capacité à faire ratifier et appliquer les normes internationales du travail qu’elle élabore. Durant les années 1950 et 1960, l’organisation vient ainsi en aide aux gouvernements des pays qui en font la demande pour mettre en place de véritables administrations du travail. En participant à la formation d’agences étatiques susceptibles d’établir un meilleur contrôle sur le marché du travail, ces missions relèvent d’ailleurs des programmes de « state building » développés par l’onu à partir des années 1950 (Muschik 2022). À cet effort participe le centre de Turin qui, depuis 1965, poursuit systématiquement l’objectif de former les fonctionnaires gouvernementaux et les syndicalistes des pays sous-développés aux politiques sociales élaborées au sein de l’oit.
Néanmoins, dès les années 1930, les représentants des gouvernements des pays d’Amérique latine signalent les difficultés d’adapter des normes sociales élaborées pour l’Europe industrielle et développée dans les pays d’Amérique latine sous-développés (Plata-Stenger 2020 : 61-90). Ils soulignent la nécessité de mettre en oeuvre des politiques de développement économique qui, seules, pourraient leur permettre d’améliorer substantiellement les conditions sociales des travailleurs. Cette revendication est largement partagée par les pays nouvellement sortis de la décolonisation après la Seconde Guerre mondiale.
II – Le développement économique comme condition du progrès social
A – Le tournant productiviste et le développement durant les années 1950-196
En 1948, à l’initiative des États nouvellement indépendants, dont la Birmanie, le Chili, l’Égypte et Haïti, l’Assemblée générale des Nations Unies lance un nouveau programme d’assistance technique. Le développement est progressivement formulé comme un droit par les élites des pays colonisés (Cooper 1997 ; Jensen 2019).
Dans la foulée du discours de Harry Truman du 20 janvier 1949, l’aide au développement prend une nouvelle dimension (Rist 2015 : 131-150). Les sommes importantes votées par le Congrès des États-Unis en novembre 1950 viennent alimenter le Programme élargi d’assistance technique mis en place dès novembre 1949 au sein du Conseil économique et social des Nations Unies (ecosoc). Il devient un instrument essentiel de la politique économique des organisations onusiennes comme de celles de Bretton Woods en direction de ce que, depuis 1952, on appelle le tiers-monde. Le Comité permanent de l’assistance technique distribue les ressources entre les différentes agences des Nations Unies. Il met en place un système de bourses et envoie sur le terrain des missions d’experts qui diffusent un savoir-faire technique et contribuent à la formation des cadres et élites locales. Progressivement, avec l’accélération de la décolonisation, le développement devient une priorité des organisations internationales (Stokke 2009 ; Frey, Kunkel et Unger 2014). En 1965, le Programme des Nations Unies pour le développement (pnud) unifie et remplace le Programme étendu et le Fonds spécial ; il est placé sous la direction d’un Conseil d’administration élu par l’ecosoc au sein duquel les représentants des pays en développement sont majoritaires.
Les économistes étatsuniens ont joué un rôle essentiel dans la diffusion internationale de l’idéologie du développement grâce au succès que connaît alors la théorie de la modernisation (Gilman 2003). David Morse, issu de l’administration du président Roosevelt et directeur général du bit entre 1948 et 1970, fait du développement la priorité de l’organisation (Maul 2010). L’Organisation lui consacre 80 % de ses ressources en 1958 contre 20 % seulement en 1948 (Alcock 1971 : 210-252 ; Maul 2012 : 125-151). Dans le cadre des programmes onusiens, l’oit est en charge des « ressources humaines », soit de la formation et du management. Selon David Morse, la majeure partie des crédits attribués à l’oit dans le cadre des programmes de développement onusiens (environ 20 millions de dollars par année) est consacrée à la formation professionnelle et à d’autres activités qui contribuent à augmenter le volume de l’emploi » (Morse 1968). L’objectif poursuivi est tout à la fois de développer l’emploi (qu’il faut distinguer du travail) et d’accroître la productivité du travail[3].
L’oit a promu une « politique de productivité » (Maier 1977, 2010) à travers l’organisation scientifique du travail dès les années 1920 avec la création à Genève en 1927 de l’Institut international d’organisation scientifique du travail, dirigé par le Britannique Lyndall Urwick. La logique qui présidait à cette activité était inspirée du modèle fordiste du welfare capitalism : l’accroissement de la productivité dans la création des richesses devait permettre d’augmenter le pouvoir d’achat des travailleurs. Mais cette politique était alors combattue par une partie du patronat peu désireuse d’augmenter les salaires, comme par les syndicats qui redoutaient un accroissement du chômage (Cayet 2010). C’est après la Seconde Guerre mondiale que la solution fordiste s’impose, au terme d’un compromis entre les employeurs soucieux de préserver la paix sociale tout en accroissant la productivité et les syndicats qui y voient un moyen d’accroître le pouvoir d’achat de leurs membres (Trentin 2012). C’est dans ce contexte que l’oit fait de l’accroissement de la productivité une condition du progrès social. Elle lance sa première mission de productivité en 1952[4], un an avant l’agence de productivité européenne (European Productivity Agency) mise en place dans le cadre du plan Marshall (Boel 2003). La première mission de l’oit est envoyée en Israël en février 1952 ; d’autres lui succèdent en Inde, en Égypte, au Pakistan, en Yougoslavie, au Brésil, en Bolivie, en Grèce, à Hong Kong et à Ceylan (Sri Lanka)[5]. Plus de 2 000 experts recrutés à l’extérieur de l’organisation, essentiellement des économistes, sont envoyés dans différents pays entre 1950 et 1959 pour favoriser l’accroissement de la productivité. Partout où les gouvernements le demandent, l’oit met en place des centres de productivité au sein desquels des experts qu’elle recrute forment le personnel du pays en question (International Labour Office 1957). Ces missions de productivité s’accompagnent généralement de la mise sur pied d’un programme de management pour former les cadres de ces pays. Le Bureau du management voit le jour en 1960 : il emploie rapidement plus de dix personnes (International Labour Organization 1965 : 6). À cela s’ajoute à partir de 1965 un programme de bourses puis des cours de formation au centre de Turin pour le personnel d’encadrement des pays en développement.
Ce productivisme suppose toutefois une marchandisation accrue du travail qui entre en tension avec la déclaration de Philadelphie selon laquelle « le travail n’est pas une marchandise » (Supiot 2010). C’est sans doute dans les colonies que cette tension est la plus nette.
B – Développer d’abord : difficiles politiques sociales dans les colonies
À partir de 1943, alors que l’Organisation est progressivement marginalisée dans les plans de reconstruction européens, le bit développe une réflexion sur l’amélioration économique et sociale des populations des pays sous-développés et des « territoires dépendants » (Maul 2012 : 59-101). Dans un article paru dans la Revue internationale du travail en février 1943, Wilfrid Benson, responsable des questions coloniales, expose un plan de réformes qui souligne prudemment la nécessité de mettre en oeuvre une politique de développement économique et social. Une série de conventions et recommandations discutées et adoptées entre 1944 et 1947 lors des conférences internationales de Philadelphie en 1944, Paris en 1945 et Genève en 1947 se fixent pour objectif de mettre en oeuvre les politiques sociales dans les territoires dépendants. Selon l’article 421 de la constitution de 1919 de l’organisation, les membres s’engagent à appliquer dans leurs colonies les conventions qu’ils avaient ratifiées, mais diverses dispositions permettent aux gouvernements des puissances coloniales de ne pas étendre aux travailleurs des territoires dépendants les bienfaits de ces conventions (Hidalgo-Weber 2017 : 193-235). C’est seulement après 1947, au titre des Conventions 83 à 86, que les pays s’engagent à étendre aux populations colonisées les droits sociaux en vigueur dans les métropoles. Ces régulations constituent un progrès, mais de nombreux travailleurs des colonies, employés dans des secteurs comme les plantations, continuent d’échapper aux régulations du travail de l’oit.
En 1950, le Comité d’experts sur les politiques sociales dans les colonies est mis sur pied dans le but d’élaborer une stratégie de mise en oeuvre de ces politiques et de leur financement. Cette question fait également l’objet de discussions dans le cadre de la Conférence du Travail interafricaine, organisée par la Commission de coopération technique en Afrique mise en place à l’initiative des puissances coloniales. En 1953, le Comité de l’oit reprend largement les conclusions de la troisième de ces Conférences, très inspirées par les administrateurs coloniaux. Pour financer les politiques sociales, la solution envisagée est de développer le travail « productif » et, à cette fin, le Comité recommande d’introduire le travail à la pièce (International Labour Organization 1953 : 7). Dans l’ensemble, la politique productiviste encouragée pour financer la protection sociale dans les colonies repose donc sur une marchandisation accrue du travail, en contradiction avec la promesse faite à Philadelphie.
C – Le Programme andin (1953-1963)
Le Programme andin constitue une autre expression de cette tension entre la mission sociale de l’organisation et les objectifs de développement économique (Maul 2019 : 167-171 ; Guthrie 2013). Le programme se saisit de la « question indigène », soit de la marginalisation des populations amérindiennes, legs de la colonisation espagnole en Amérique latine[6]. Officiellement lancé en 1953, le programme est l’aboutissement d’une série de consultations et de conférences avec les pays d’Amérique latine depuis 1930 à l’issue desquelles le Bureau élabore une série de recommandations en faveur de l’intégration des populations indigènes (Rodríguez-Piñero 2005). Pour faire suite à la demande d’assistance technique des pays andins, le bit met en place une mission d’enquête sous la direction d’Ernest Beaglehole, ethnologue néo-zélandais, spécialiste des questions indigènes et tout particulièrement de l’intégration des Maoris.
Le principal objectif du programme est bien en effet l’intégration des Indiens des Andes dans les communautés nationales des différents pays concernés : Pérou, Bolivie, Équateur, auxquels s’ajoutent ensuite la Colombie et l’Argentine. Le programme implique l’Organisation mondiale de la Santé (oms), l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (unesco), l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (fao) puis le Fonds des Nations unies pour l’enfance (unicef) à partir de 1960, mais c’est l’oit qui en assure la direction et la coordination. Il se déploie au moyen d’actions locales prises en charge par des « bases d’action » établies au plus près des populations indigènes dans les zones andines. Ces bases sont constituées d’équipes d’experts internationaux et nationaux au sein desquelles on trouve des agronomes, des vétérinaires, des éducateurs et une équipe médicale composée d’un médecin, d’une infirmière et d’une sage-femme. Outre les locaux administratifs, chaque base comprend un centre médical, une école et/ou un centre de formation, et parfois de petits ateliers industriels dont l’objectif est de fournir aux populations des savoir-faire qui doivent leur permettre de s’installer comme artisans ou de se former aux métiers de l’industrie. En formant les Amérindiens à des techniques agricoles plus productives, les experts internationaux espèrent en effet libérer une main-d’oeuvre qu’ils jugent sous-employée et qui pourra alimenter les centres industriels en constitution. Dans la description qu’en fait Jeff Rens, directeur général adjoint du bit, ces bases constituent des centres de modernisation et de développement économique qui contrastent avec l’état misérable des villages autochtones : « Les écoles et les ateliers de formation frappent non seulement par leur nombre, mais aussi par leur aspect extérieur, qui produit une impression de propreté, voire de beauté. Souvent, les maisons des Indiens, construites en adobe et qui, partout ailleurs, ne se distinguent guère dans le paysage, sont badigeonnées de couleurs claires ; de-ci, de-là, on aperçoit une clinique, un four à briques, des puits et canalisations d’eau, ainsi que des barrages témoignant de la présence du Programme andin » (Rens 1961 : 486).
À partir de 1960, le nombre des experts nationaux s’accroît et les programmes sont pris en charge par les gouvernements des pays concernés. Dans un article conclusif dans lequel il en résume « l’essence », Jeff Rens affirme en 1963 que « le Programme andin tend à transformer ces agriculteurs primitifs que sont les campesinos indiens en agriculteurs et ouvriers efficients, possédant des connaissances pratiques et solides de leur métier, capables de contribuer par leur travail à faire de leurs pays des États modernes et à créer pour eux-mêmes des conditions de vie faites de bien-être et de dignité » (Rens 1963 : 628). Ainsi, le respect de la culture des populations qui avait pourtant été retenu comme essentiel dans le rapport préalable au lancement du programme semble avoir été oublié au profit de l’objectif de développement vu comme une condition de l’amélioration de la situation sociale des populations (Breuer 2018).
Dans les deux cas analysés ici, croissance et productivisme encouragés par l’idéologie modernisatrice sont donc pensés comme les conditions du progrès social. Sous la plume des dirigeants du Bureau, la justice sociale demeure toutefois l’objectif ultime des activités de développement mises en oeuvre par l’organisation, mais pour cela, à défaut d’encastrer l’économique dans le social, l’objectif est de faire travailler ensemble développement économique et progrès sociaux.
III – « Encastrer » le social dans l’économique : le programme mondial pour l’emploi
En 1949, David Morse s’efforce de montrer que la politique productiviste qu’il promeut n’est pas en contradiction avec la mission normative de l’oit et ses objectifs de justice sociale (Bureau international du Travail 1950 : 54). En 1953, devant ecosoc, il rappelle que les gains de productivité doivent être obtenus avec le consentement des travailleurs, ce qui exige de satisfaire trois conditions préalables : les bénéfices d’un accroissement de la productivité doivent être distribués de manière juste, les gains de productivité ne doivent s’accompagner d’aucune suppression de postes de travail, enfin et surtout, toute mesure pour accroître la productivité doit être négociée entre travailleurs et employeurs (ecosoc 1953). Dans les années 1960 et au début des années 1970, l’oit déploie plusieurs stratégies pour tenter d’imposer que la justice sociale constitue un objectif des politiques de développement économique. Tel fut tout particulièrement le cas du Programme mondial pour l’emploi.
En 1969, dans un contexte international favorable à la promotion de la justice sociale, l’oit reçoit le prix Nobel de la paix. Auréolée de ce succès, l’Organisation lance le Programme mondial pour l’emploi (pme) qui est sa contribution spécifique à la seconde décennie du développement. La question de l’emploi a fait l’objet de nombreuses discussions au sein de l’organisation durant les années 1960. Elles ont débouché sur l’élaboration d’une convention et d’une recommandation en 1964 (Organisation internationale du Travail, 1964a, 1964b), dans lesquelles les gouvernements signataires s’engagent à encourager des politiques de plein emploi et tout particulièrement les emplois qualifiés et bien rémunérés. La convention et la recommandation sont adoptées par la Conférence internationale du Travail grâce au soutien du groupe des travailleurs et des représentants des gouvernements des pays du Sud – une alliance qui signale la relation étroite qui s’établit alors entre politique de l’emploi et développement. La recommandation propose d’ailleurs de protéger l’économie de ces pays sortis de la décolonisation par des mesures protectionnistes afin de multiplier les emplois « productifs » dans les secteurs industriels d’abord, agricoles ensuite. Parce qu’il fonde le développement sur la promotion de l’emploi et non l’inverse, le Programme mondial pour l’emploi se présente comme une réponse « humaine » ou sociale à la question du sous-développement (Morse 1968 : 562).
À la différence du Programme andin, le pme est largement soutenu par des contributions volontaires de différents pays européens qui financent une activité de recherche fondamentale et des projets- pilotes nationaux. Il devient rapidement le canal par lequel se diffuse la pensée d’un groupe d’économistes du développement très influencés par les théories de la dépendance élaborées dans les années 1950 par les deux économistes de l’onu, Hans Singer et Raúl Prebisch. Ce dernier dirige entre 1950 et 1963 la Commission économique pour l’Amérique latine (Dosman 2010). Nombre de ces économistes sont issus du nouvel Institut d’études du développement de l’Université du Sussex, placé depuis 1966 sous la direction de Dudley Seers. Celui-ci organise d’ailleurs la première équipe d’experts en Colombie en 1970 ainsi que la seconde au Sri Lanka en 1971. La troisième étude est menée en 1972 au Kenya par Hans Singer et Richard Jolly, également enseignants à l’Université du Sussex. Les histoires internes produites sur le pme insistent toutes sur la qualité de la recherche produite par ces experts. Les différents rapports soumis aux gouvernements auraient contribué de manière décisive à repenser le développement en proposant des solutions nouvelles centrées sur le monde rural et une industrialisation nationale à l’abri de barrières douanières. L’éducation, la santé, et en général tout ce qu’on a ensuite appelé le « développement humain » constituent des recommandations centrales (Ghai 1999 ; Lee 2009). La Conférence mondiale pour l’emploi organisée en 1976 pour diffuser les résultats du pme place d’ailleurs au centre de sa réflexion l’importance de la redistribution liée à la croissance et souligne que « l’on devrait se concentrer davantage sur le fait de répondre aux besoins de première nécessité des masses »[7]. Pas plus que celle de secteur informel dans le rapport de 1972, la notion de « besoins de première nécessité » (basic needs)[8] n’a été inventée par l’oit, mais le programme pour l’emploi constitue une rampe de lancement pour ces approches qui circulent ensuite internationalement et qui redonnent toute leur place aux besoins humains et aux politiques sociales dans les politiques de développement. L’oit a donc rempli sa mission de recherche en impulsant la diffusion de rapports qui sont « des sources d’idées et de nouvelles manières de penser », tandis que le programme peut bénéficier de « la participation d’économistes issus d’institutions phares » (Lee 2009 : 192). Tous vont faire leur chemin dans les institutions internationales et contribuer à diffuser la réputation du pme.
Mais celui-ci a-t-il réellement contribué à faire avancer l’agenda social au coeur de la mission de l’oit ? Le cas de la Colombie constitue un exemple des limites de ce programme. Le rapport Seers fut rédigé au terme d’une mission de cinq semaines entreprise par un groupe homogène de 27 économistes largement issus de l’école du Sussex[9]. Les mesures envisagées par le rapport s’accordaient parfaitement avec les orientations politiques du gouvernement libéral de Llera qui avait fait appel à l’oit pour soutenir ses ambitions réformatrices. Partant du constat que la croissance soutenue de l’économie colombienne des dix dernières années n’avait pas résorbé la pauvreté, le rapport proposait une politique économique adossée à un programme social qui devait permettre de multiplier les emplois de qualité. Les recommandations étaient fondées sur le travail d’enquête et inspirées par la théorie de la dépendance ; elles promouvaient un protectionnisme industriel sélectif, une vaste politique de redistribution par l’impôt, une réforme agraire, l’amélioration des systèmes de santé et d’éducation et la mise en place d’assurances sociales. Mais bien que bénéficiant de soutiens puissants à l’international et en Colombie même, les solutions proposées par le rapport furent toutefois abandonnées à la suite d’un renversement du rapport de force sur le terrain.
Dans la seconde moitié des années 1970, les perspectives « humanistes » ou sociales déployées par les économistes du pme sont d’ailleurs progressivement délaissées au profit des programmes d’ajustement structurels de la Banque mondiale dans lesquels les mesures sociales sont souvent traitées comme des coûts supplémentaires inutiles. Avec le déclin du keynésianisme et le triomphe progressif de l’agenda néolibéral au sein des institutions internationales, l’oit perd son influence régulatrice, ce dont atteste le rôle croissant joué par l’ocde et la Banque mondiale dans la diffusion des modèles de retraite privée par capitalisation dans les pays du Sud (Leimgruber 2013 ; Orenstein 2013). La fin du communisme lui ôte par ailleurs un ennemi utile et fragilise encore sa position dans le système international (Kott 2018). Dans un contexte international qui devient défavorable, l’oit tente de déployer de nouvelles stratégies pour continuer d’arrimer le progrès social au développement économique (Maupain 2018).
IV – Comment sauver la justice sociale ?
A – Clauses sociales et codes de conduite
Le Bureau déploie, depuis la fin des années 1970, des efforts pour convaincre les acteurs économiques internationaux de prendre en compte volontairement des régulations sociales inspirées des normes élaborées par l’organisation. Des discussions ont lieu pour attacher des clauses sociales aux traités de commerce (Régnier 2007 ; Bezou 2008 ; Maupin 2011 : 153-198). On espère ainsi apporter un correctif aux effets sociaux négatifs de la globalisation économique pour les travailleurs des pays du Sud en bout de chaîne de la sous-traitance, mais également pour ceux du Nord exposés à une concurrence sociale déloyale. Lors de la conférence de Marrakech de 1994 qui débouche sur l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (omc) en 1995, la négociation sur les clauses sociales échoue toutefois devant la résistance d’une coalition de gouvernements de pays asiatiques, soutenue par les syndicats de ces mêmes pays qui y voient des mesures protectionnistes servant exclusivement les intérêts économiques des pays développés. Il est vrai que plutôt que de mettre en avant la nécessité de protéger la main-d’oeuvre des pays du tiers-monde, les acteurs du Nord insistent sur la distorsion de concurrence induite par le faible coût de cette main-d’oeuvre. En 1996, les ministres du commerce réunis à Singapour réaffirment la primauté des objectifs de développement économique sur ceux de justice sociale, mais établissent un net partage des tâches et des compétences. Ils déclarent : « Nous renouvelons notre engagement d’observer les normes fondamentales du travail internationalement reconnues. L’oit est l’organe compétent pour établir ces normes et s’en occuper… Nous estimons que la croissance économique et le développement favorisé par une augmentation des échanges commerciaux et une libéralisation poussée du commerce contribuent à la promotion de ces normes » (Organisation mondiale du commerce 1996). À cette affirmation, l’oit répond par la « Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail » de 1998 qui rappelle que « la croissance économique est essentielle, mais n’est pas suffisante pour assurer l’équité, le progrès social et l’éradication de la pauvreté » (Organisation internationale du Travail 1998). Elle identifie des droits fondamentaux, valeurs de base de l’organisation, qui doivent être respectés par tous les pays membres, même s’ils n’ont pas ratifié les conventions correspondantes : élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire ; abolition effective du travail des enfants ; élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession ; et surtout liberté d’association et reconnaissance effective du droit de négociation collective. Ces derniers droits « habilitants » poursuivent l’objectif de renforcer le pouvoir des travailleurs afin qu’ils puissent faire respecter les droits sociaux qui ne seraient pas garantis par le gouvernement de leur pays. Le caractère faiblement exigeant et peu contraignant de la Déclaration lui permet d’être intégrée volontairement à des traités de commerce internationaux comme à des codes de conduite adoptés par de grandes sociétés multinationales (Diller 1999).
B – Les sociétés multinationales et la promotion de la responsabilité sociale des entreprises depuis 1977
La même logique avait prévalu dans la Déclaration tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale de 1977. Les multinationales y sont décrites positivement comme des agents de développement économique et c’est à ce titre qu’elles doivent honorer leurs responsabilités économiques et sociales à l’égard de leur main-d’oeuvre et « respecter les droits souverains des États ». La déclaration de 1977 s’inscrit dans une réflexion qui a pris naissance dès les années 1960 à l’initiative des fédérations syndicales internationales, mais elle est également une réponse à la revendication de Nouvel ordre économique international formulé par certains gouvernements des pays du tiers-monde auxquels les multinationales apparaissent comme une menace pour la souveraineté économique et politique de leur pays (Kott 2021 : 145-169). Privée de tout moyen d’action directe, et dans un contexte international qui devient défavorable aux régulations contraignantes, la Déclaration débouche finalement sur un encouragement à la « Responsabilité sociale des entreprises » (Louis 2018). Depuis 2010, le « helpdesk » du Bureau offre d’ailleurs aux multinationales un service d’assistance pour les aider à respecter volontairement les normes internationales du travail, y compris quand les gouvernements des pays dans lesquels elles se sont implantées ne les ont pas ratifiées (Louis et Maertens 2021 ; International Labour Organization s.d.).
Le programme Better Work mis en oeuvre en 2007 en collaboration avec la Banque mondiale illustre cette évolution. Il s’appuie sur les entreprises – et non plus sur les gouvernements – pour diffuser des standards sociaux dans les pays du Sud global. Il est vrai que pour de nombreux gouvernements de ces pays, le développement n’est plus même pensé comme une condition du progrès social : ce sont précisément le bas coût de la main-d’oeuvre et l’absence de protection sociale qui deviennent la condition du développement et d’une prospérité qui ne profite qu’à quelques-uns. Ce programme limité au secteur textile dans sept pays ateliers du monde offre aux entreprises et à leurs clients, par l’intermédiaire des conseillers locaux formés par le bit, une expertise en matière de sécurité au travail et de protection sociale. Le programme promet des gains de productivité et garantit des certifications aux entreprises qui s’y conforment (Organisation internationale du Travail-Multi s.d.).
Toutefois, ni les promesses faites par les multinationales de développer leur responsabilité sociale, ni le programme Better Work n’ont permis d’éviter des catastrophes humaines majeures, notamment l’effondrement de l’immeuble Rana Plaza au Bangladesh en novembre 2013, qui a coûté la vie à 1136 personnes, principalement des femmes. Au sein du Bureau, un programme de sécurité et de santé au travail dans l’industrie de la confection, incluant une réforme de l’inspection du travail, est mis en oeuvre dès 2014 en coopération avec le gouvernement du Bangladesh (Organisation internationale du Travail-Bangladesh s.d.). À la différence de Better Work, ce programme d’assistance technique s’appuie donc sur l’État, mais aussi sur les syndicats pour faire avancer la protection sociale dans les pays du Sud.
L’exemple récent de la réforme du Code du travail du Qatar souligne toutefois que ces programmes d’assistance technique ne sont pas sans ambiguïtés (International Labour Organization-Qatar s.d.).
C – L’assistance technique pour quoi faire ? L’exemple du Qatar (2014-2022)
À la suite d’une large campagne d’opinion révélant les conditions misérables réservées aux travailleurs des chantiers de construction de la Coupe du monde de football de 2022, douze délégués syndicaux de la Conférence internationale du Travail déposent en juin 2014 une plainte concernant le non-respect par le Qatar des conventions sur le travail forcé de 1930 et de l’inspection du travail de 1947 que l’émirat a ratifiées[10]. Des missions diligentées sur place en février 2015 et en mars 2016 confirment largement les accusations figurant dans la plainte (Cortebeeck 2020 : 109-126). La commission des normes de l’oit donne alors au Qatar un an pour réformer son droit du travail et tout particulièrement le système de la kafala (parrainage) qui place le salarié sous l’autorité directe et unique de son employeur, ouvrant a voie à des formes d’esclavage moderne. À la fin de cette année, le Conseil d’administration de l’oit aurait pu prendre la décision de lancer une commission d’enquête officielle, le plus haut niveau de sanction dont dispose l’organisation. Mais le 8 novembre 2017, l’oit classe sans suite la plainte contre le Qatar après que le gouvernement du royaume a promis de nouvelles réformes et accepté un accord pour mettre en oeuvre « un programme de coopération technique destiné à favoriser une approche intégrée de la suppression du système de parrainage, à améliorer les systèmes d’inspection du travail et de la sécurité et santé au travail et à donner aux travailleurs les moyens de se faire entendre ». Ce programme, d’une durée de trois ans, est généreusement financé à hauteur de 25 millions de dollars us par le gouvernement du Qatar lui-même (Bureau international du Travail 2017). Les rapports réguliers fondés sur des chiffres fournis par les autorités du pays donnent l’assurance de progrès constants : la kafala est supprimée, un salaire minimum est introduit, une inspection du travail est mise en place, les salariés peuvent désormais déposer des plaintes officiellement, mais le syndicalisme n’est toujours pas légalement protégé. Les enquêtes indépendantes, celles du journal britannique TheGuardian en particulier (Pattisson 2021), soulignent toutefois que ces mesures demeurent partielles et qu’elles tardent à faire réellement leur effet sur le terrain. Différents articles de presse ont par ailleurs laissé penser que l’organisation a été utilisée par le gouvernement du Qatar avec la complicité des dirigeants de la Confédération syndicale internationale (New York Times 2023). Néanmoins, comme Albert Thomas un siècle plus tôt, la plupart des fonctionnaires de l’organisation veulent croire que l’expertise technique déployée par l’oit a pu permettre de diffuser des standards sociaux qui, à terme, ouvrent la voie à une amélioration des conditions de travail (Jakovleski, Jerbi et Biersteker 2019 : 108).
Conclusion
L’oit est une organisation de régulation sociale du capitalisme mondial, et c’est dans ces limites étroites qu’elle accomplit sa mission de « justice sociale ». Ses capacités d’action sont d’autant plus contraintes que, contrairement aux ambitions des premiers directeurs de son Bureau, elle n’exerce aucun pouvoir, ni sur les régulations économiques mondiales, ni sur les orientations fondamentales des politiques de développement. Par ailleurs, elle n’a pas les moyens de faire respecter le corpus normatif qu’elle élabore ; elle ne peut pas l’imposer aux gouvernements nationaux et encore moins aux grandes entreprises multinationales qui ne sont pas représentées en tant que telles dans l’organisation. Cette double impuissance a suscité des contradictions insolubles à mesure que, pour tenir compte de la diversité de ses membres, l’organisation a mis en oeuvre ses propres programmes d’assistance technique puis de développement.
Dans des contextes variés qui sont plus clairement défavorables depuis la fin des régimes communistes à l’Est, elle a déployé plusieurs stratégies qui toutes mettent en lumière les tensions qui existent entre l’aide au développement et la promotion de la justice sociale qui est au coeur de sa mission. Dès les années 1930, les rapports des missions d’assistance technique ont révélé les difficultés qu’il y avait à faire appliquer sur des terrains hétérogènes des normes sociales universelles élaborées essentiellement sur le modèle des politiques sociales européennes. Dans les deux décennies d’après-guerre, l’optimisme de la croissance a conduit à encourager une politique de développement productiviste vue comme un moyen de financer des politiques sociales généreuses. Celles-ci reposent toutefois sur une marchandisation accrue du travail en contradiction avec les objectifs affirmés lors de la conférence de Philadelphie qui proclamait que « le travail n’est pas une marchandise ».
Si l’organisation n’a ni le mandat ni la possibilité d’encastrer l’économie dans le social, elle déploie toutefois des efforts pour réguler socialement l’économie. À cet égard, elle a été capable de produire des savoirs utiles pour les économistes du développement, en particulier durant les années 1960 et le début des années 1970. Toutefois, sur le terrain, elle est confrontée à des difficultés qui l’amènent à faire des choix qui sont en tension avec sa mission normative originelle. Ces tensions s’accroissent à partir de la seconde moitié des années 1970 dans un contexte très défavorable aux régulations sociales. La promotion des programmes de responsabilité sociale des entreprises depuis la déclaration de 1977 constitue un signe de ces tensions. Celles-ci traversent l’organisation elle-même, avec la constitution de secteurs dédiés au suivi des programmes en direction des entreprises, tandis que d’autres divisions continuent de privilégier les normes et les régulations gouvernementales.
Les difficultés rencontrées par l’oit pour imposer la « justice sociale » et les contradictions qui la traversent quand il s’agit de concilier développement et politique sociale ne lui sont pas spécifiques. Elles illustrent d’abord les limites étroites dans lesquelles travaillent les organisations internationales du système onusien. Elles exercent certes des fonctions de recherche et d’expertise, promeuvent des savoirs et des épistémès, mais leur pouvoir est limité par les rapports de force mondiaux dont elles sont les miroirs et les arènes. La réussite de l’activité de l’oit dépend par ailleurs des capacités de mobilisation des travailleurs. Or, dans les dernières décennies – et tout particulièrement depuis la fin de la guerre froide –, le rapport de force n’est pas favorable au travail. Dans ce contexte, en dépit de la permanence d’un discours social, les efforts de développement courent le risque d’être limités à leur dimension économique tandis que le volet social est pris en charge par la « responsabilité » des acteurs économiques. En dépit des campagnes de consommateurs – non représentés au sein de l’oit – et des dispositifs de certification, cette « responsabilité » n’est toutefois parvenue à protéger ni les travailleurs au bout des chaînes de sous-traitance ni ceux qui sont maintenant dépendants des algorithmes des plateformes.
Parties annexes
Note biographique
Sandrine Kott est professeure d’histoire contemporaine de l’Europe à l’Université de Genève et professeure invitée à la New York University (NYU).
Notes
-
[1]
Voir à titre d’exemple les missions d’assurance sociale dans Archives du Bureau international du Travail, SI 2/26/3.
-
[2]
« L’assurance sociale fournit peut-être l’exemple le plus net et le plus convaincant de l’influence de la réglementation internationale du travail sur les mesures adoptées dans les pays d’Amérique latine » (Blelloch 1941 : 387).
-
[3]
Selon Francis Blanchard responsable de ces programmes, 75 % des ressources de développement du bit sont alloués aux ressources humaines (Blanchard 1969 : 39).
-
[4]
Archives du Bureau international du Travail, Z 11/1/2, ilo Activities in the Field of Productivity, 1952-1956.
-
[5]
Archives du Bureau international du Travail, Z 11/1/2, ilo Activities in the Field of Productivity, 1952-1956.
-
[6]
Jeff Rens, directeur adjoint du bit, le présente de cette manière en 1961 : « Il ressort que la doctrine de l’intégration se base sur le concept humaniste, emprunté à la Déclaration de Philadelphie, qui veut faire de la réalisation de conditions dans lesquelles tous les hommes pourront participer pleinement aux avantages du progrès le but central de toute politique nationale et internationale. Cette doctrine comporte la reconnaissance des valeurs culturelles qui sont propres aux populations indigènes… » (Rens 1961 : 472).
-
[7]
« the focus should be shifted towards meeting the basic needs of the masses » (International Labour Organization 1976).
-
[8]
Voir une approche critique dans Rist (2015 : 290-297).
-
[9]
Archives du Bureau international du Travail, WEP 7-14-1 ; voir aussi le rapport final sur la Colombie (International Labour Office 1970).
-
[10]
Voir le résumé de l’ensemble de la procédure ainsi que le texte très argumenté de la plainte dans le compte rendu du Conseil d’administration, 323e session (Organisation internationale du Travail 2015).
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