Éditorial

Entre deux mondes : la recherche et les associations en éducation à l’environnement[Notice]

  • Jean-Étienne Bidou

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  • Jean-Étienne Bidou
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Cette dernière décennie a vu un accroissement considérable de la capacité des associations à produire de la connaissance. En témoigne leur présence de plus en plus grande dans le domaine de l'expertise, de la consultation, de l'animation des conférences de citoyens. Déjà, le terme de Tiers secteur de la connaissance et de l'innovation a été forgé pour rendre compte de l'émergence d'une recherche coopérative, démocratique dans une démarche d'appropriation sociale des connaissances. Dans ce régime d'expérimentation collective, l'action des associations a toute sa place. Il s’agit là d’une altération importante au modèle occidental classique fondé sur une séparation entre la connaissance et l'action, le domaine du savant et celui de l'homme du commun, y compris le citoyen participant à la vie de la Cité. Ce cloisonnement est de plus en plus contesté depuis un demi-siècle, en fait, depuis que notre société est conçue comme une société du risque. Pour la science post-normale (Funtowicz et Ravetz, 1991), dès lors que l'incertitude est grande et/ou les enjeux sont importants, la résolution des problèmes doit s'adresser à une "communauté étendue de pairs" qui apportent leurs savoirs, qu'ils soient scientifiques ou profanes. Ces pairs sont ceux qui vont être affectés par la décision et qui sont préparés à entrer dans la discussion. Les faits étendus (extended facts), qui incluent les savoirs locaux, peuvent être utilisés dans la discussion. La question de l'incertitude est aussi au centre de la réflexion de Callon, Lascoumes et Barthes (2001) qui estiment que la double délégation, celle du citoyen au profit des élus dans la sphère politique et celle du profane en direction des chercheurs professionnels dans le domaine de la production des connaissances et des innovations techniques, ne suffit plus pour appréhender les enjeux contemporains. Nous sommes dans une situation où le citoyen en tant que dépositaire d'une partie de la souveraineté collective générale et le profane en tant qu'utilisateur possible d'innovations ou de services doivent s’approprier cette capacité de produire des connaissances ; ils doivent pouvoir infléchir le cours de leur production et participer à des choix concernant l'organisation de la vie collective. Supprimer ces cloisonnements suppose la mise en œuvre de ce que Callon et coll. (2001) appellent des forums hybrides. De fait, depuis quelques décennies, la société civile s’est dotée de capacités d’expertise dans le champ des grands risques ou encore de la médecine, qui lui permettent d’intervenir dans les démarches de recherche et d’influencer le débat public. Cela est vrai aussi en Éducation à l'environnement qui revendique depuis l'origine un dialogue entre chercheurs et praticiens de l'éducation formelle et non formelle. Ces changements épistémologiques confortent la position que l'Éducation populaire avait prise bien antérieurement, mais pour des raisons philosophiques. Pour Richez (2006), si l’éducation populaire bénéficie aujourd'hui d’un regain d’intérêt, celui-ci est lié à des causes conjoncturelles telles les crises de l'école, de l'action culturelle, de la politique de la ville et des institutions du temps libre, mais aussi à un changement structurel qui est justement celui de « nouveaux rapports au savoir à travers le développement de la société de la connaissance et de l’information et de nouvelles formes de lien social qui s’expriment tant à travers de nouvelles modalités d’engagement que de l’explosion du phénomène associatif ». Cependant, à travers les projets de recherche, colloques et séminaires qui se succèdent, l'expérience montre que les échanges peinent à se mettre en place. Du point de vue des associations, des questions fondamentales restent grande ouvertes : quels buts assigne-t-on à la recherche ? Comment dans un milieu associatif peut-on tenter de mettre en synergie formation et recherche, avec ses espérances et ses limites …

Parties annexes