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Fig. 1

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Cet ouvrage concis et bien vulgarisé relate l'histoire de l'engagement de citoyens concernant une problématique de santé environnementale. En 2012, une poussière rouge dont on ne connait ni l'origine ni la source recouvre l'arrondissement de La Cité-Limoilou de la ville de Québec. Pour les autorités, cette poussière est exceptionnelle et ne présente aucun danger pour les résidents. Quelques citoyens s'inquiètent et obtiennent une analyse indépendante qui montre au contraire que cette poussière contient des métaux lourds pouvant nuire à santé. Des visions contradictoires s'affrontent. Les controverses scientifiques et publiques s'expriment alors par une situation d'incertitude en matière de santé environnementale et opposent les relations entre les divers acteurs concernés : les autorités et les citoyens. Ces derniers poursuivent leurs recherches en effectuant différents échantillonnages dans le temps et en comparant les résultats obtenus en fonction de la présence des vents, en documentant leurs résultats avec une recherche dans la littérature, en recueillant les données concernant la qualité de l'air pour l'ensemble du territoire de la ville de Québec. L'initiative citoyenne va ainsi créer de l'information scientifique qui jusqu'alors était lacunaire, incertaine ou controversée. À la lecture de cet ouvrage, on constate que le travail entrepris par quelques citoyens est énorme et rigoureux : constats, observations, collectes de données, analyses, bibliographie, synthèse, communications, recommandations. Cette démarche, proche de la méthode scientifique classique, a permis aussi de développer l’habileté à travailler ensemble. Cet engagement fait passer la controverse d’un épisode de poussière rouge, aux questions des impacts de l'activité industrielle de transbordement de minerais sur la santé des personnes et sur la qualité de leur environnement de vie. La « poussière rouge » s’inscrit alors dans un contexte politique, économique, technique et socio-sanitaire attachée à des pratiques industrielles, des contraintes, des valeurs, des effets physiologiques, des enjeux sociaux.

Quand tu agis, quand tu refuses de vivre dans un environnement qui menace ta santé et celle des autres, quelque chose de toi change [...] j'ai ressenti un sentiment de reprise de contrôle très puisant. [...] Je ne suis plus un témoin passif.

Il est intéressant de constater l’intensité de la participation dans ce mouvement citoyen où chacun s’engage dans l’action et où se mettent en place de divers comités à l’échelle de l’arrondissement, mais aussi à une échelle régionale (Comité de vigilance des activités portuaire). Dans cette situation concernant la poussière métallique à Limoilou, la population est directement impliquée dans la formulation d’une recherche collective et dans l’interprétation des résultats. Un tel engagement citoyen dans un espace géographique relativement restreint comme celui de l'arrondissement de La Cité-Limoilou de la ville de Québec permet de recréer ou de dynamiser le « vivre ensemble » par une réappropriation de son lieu de vie, par la reconstruction de liens sociaux de voisinage, par le partage d’expertises et d’idées pouvant faire émerger d’autres projets citoyens.

Cet ouvrage pourrait certes donner lieu à une modélisation de la démarche et à des questions critiques transversales concernant cette controverse en santé environnementale. Il semble que l’engagement citoyen soit ici largement porté ou accompagné par des personnes issues du monde universitaire et de la recherche, de sorte que cela a sans doute facilité la démarche d’investigation scientifique. D’ailleurs, l’auteure Chantal Pouillot est convaincue de la nécessité de l’engagement des productrices et producteurs de savoirs académiques dans l’espace public, surtout lorsque les outils théoriques qu’ils maitrisent peuvent être mis à contribution pour élaboration d’un monde plus juste, plus sain.

Une belle aventure qui mérite d'être lue !