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Introduction

Cet article cherche à répondre à la question suivante : dans quelle mesure la sensibilité éthique peut-elle être développée par l’entraînement à la présence attentive? De manière générale, la sensibilité éthique est définie comme la capacité à reconnaître la dimension éthique d’une situation, ce qui constitue le point de départ d’une réflexion éthique ou d’une démarche de prise de décision (Lacroix et al., 2017). La littérature accorde de plus en plus d’importance au concept de sensibilité éthique, notamment dans la définition de la compétence éthique. Toutefois, ce concept gagnerait à être approfondi de sorte qu’on en comprenne mieux la complexité, les mécanismes et la portée, mais surtout, qu’on soit davantage en mesure de développer cette capacité, voire d’en provoquer l’émergence et l’amélioration dans un contexte d’enseignement de l’éthique dans la formation universitaire de futurs professionnels. Le coeur de cet article nous conduit à considérer la notion d’attention comme l’élément essentiel d’une conceptualisation enrichie de la sensibilité éthique.

Plusieurs chercheurs ont d’abord démontré des liens importants entre l’inattention et la propension des individus à ignorer le fait qu’ils sont influencés par des biais cognitifs inconscients, ce qui les conduit à adopter des comportements discutables ou répréhensibles dans certaines circonstances (Bazerman et Tenbrunsel, 2002; Ie et al., 2014; Maymin et Langer, 2021). D’autres chercheurs ont établi un lien clair entre la présence attentive et la prise de décision éthique, faisant ressortir que le fait d’avoir un niveau d’attention élevé aux enjeux éthiques d’une situation conduit à adopter des comportements appropriés, dits éthiques (Ruedy et Schweitzer, 2011).

Ainsi, la méditation basée sur la présence attentive, une pratique visant à cultiver une attention soutenue et délibérée à ce qui est dans l’instant présent, semble naturellement indiquée pour contribuer à l’expérience éthique. À l’origine, cette forme de méditation issue de la tradition millénaire bouddhiste était considérée comme un entraînement de l’esprit permettant de développer l’attention et de susciter le calme intérieur, la compassion et la bienveillance (Goldstein, 2013; Lenoir, 2018), des éléments généralement identifiés comme des prémisses à la moralité. Passant de l’Orient vers l’Occident, la méditation basée sur la présence attentive est devenue une pratique séculière fondée scientifiquement et dont on ne cesse de vanter les bienfaits sur le cerveau et sur la santé (Laureys, 2019). Ses avantages sont tels que cette pratique connait aujourd’hui un engouement considérable. La présence attentive se définit le plus souvent par le fait d’être délibérément et attentivement présent à l’expérience que l’on vit dans l’instant présent, et ce, sans jugement (Kabat-Zinn, 2003). Il existe différentes formes de méditation qui visent différents états de conscience. Toutefois, la méditation basée sur la présence attentive est une technique qui conduit à s’entraîner à être attentif à tout ce que l’on perçoit, à l’intérieur comme à l’extérieur de soi (Laureys, 2019).

Or, même si la présence attentive est une pratique porteuse en éthique, l’identifier comme stratégie ou comme moyen pour susciter la sensibilité éthique soulève certains problèmes. D’une part, la conceptualisation de la notion de sensibilité éthique est insuffisante dans la littérature, notamment parce qu’elle laisse peu de place au traitement des sentiments et de l’émotion par rapport à l’aspect cognitif, dont l’importance est surreprésentée. D’autre part, le fait de vanter les effets de la pratique méditative sur la santé et sur le bien-être ne signifie pas pour autant que l’on saisit de quelle manière l’attention contribue concrètement au fait d’être sensible aux questions d’éthique. L’amélioration des capacités attentives sert-elle seulement des intentions nobles? En effet, qu’est-ce qui empêche une personne de se servir de ses capacités attentives affinées à des fins de performance, sans égard à l’éthique, voire à commettre des gestes immoraux?

S’il est vrai que la présence attentive est plutôt associée au bouddhisme, la notion a été conceptualisée de manière très riche par plusieurs philosophes occidentaux. C’est précisément ce qui nous intéresse ici. Le concept d’attention en philosophie contemporaine est effectivement très proche de celui de la présence attentive tel que défini en psychologie et en neurosciences et fondé sur l’héritage de la tradition bouddhiste. Les philosophes qui se sont intéressés à l’attention l’ont fait d’abord en redéfinissant ce qu’est l’éthique et en attribuant une place importante à la perception et au souci d’autrui dans l’expérience éthique. C’est le cas notamment de chercheuses et de chercheurs en éthique du care, dont Tronto (2009), Giligan (1982) et Noddings (2012), ainsi qu’en phénoménologie, dont Ricoeur (1939) et Depraz (2014).

L’objectif de cet article est double. Il vise dans un premier temps à faire ressortir la manière dont la notion d’attention a été définie dans la littérature philosophique contemporaine, plus spécifiquement dans l’éthique du care, ce qui en fait un concept phare pouvant enrichir celui de sensibilité éthique. Puis, il vise à démontrer de quelle manière la présence attentive constitue une avenue intéressante pour améliorer les qualités de l’attention et, ce faisant, contribuer au développement de la sensibilité éthique.

En résumé, les prochaines lignes seront consacrées à mieux définir la sensibilité éthique en analysant l’importance de la perception morale dans la nature même de l’expérience éthique. Ensuite, cet article présentera les caractéristiques de l’attention dans une conception philosophique contemporaine. Finalement, après avoir précisé ce qu’est la présence attentive et de quelle manière la cultiver, nous établirons en quoi elle peut contribuer à l’éthique, dans la mesure où elle est exécutée dans le respect de principes fondamentaux qui constituent l’arrière-fond de la présence attentive. L’ensemble de cette réflexion pourrait permettre d’enrichir la formation à l’éthique professionnelle en milieu universitaire. De manière générale, cette dernière présente une approche pédagogique qui s’inscrit dans une perspective déontologique qui sous-estime l’importance de la sensibilité, de l’attention et de la perception morale dans les questions éthiques (Léger et Rugira, 2015; Lacroix et al., 2017).

1. Qu’est-ce que la sensibilité éthique?

1.1. Un construit cognitif et affectif

Suivant les travaux de Kolhberg sur le développement du jugement moral (1984), James Rest publie en 1986 sa théorie de l’action morale selon laquelle cette dernière dépasse largement le jugement moral et possède au moins quatre dimensions : la sensibilité éthique, le jugement, l’intention et le comportement moral. La sensibilité éthique combine ainsi la capacité à reconnaître les enjeux moraux et la manière de réagir face à ces enjeux et de les traiter, selon une perspective affective dans un contexte social (Rest, 1986, cité dans Jordan, 2007). Soulignant que pour lui l’affect et la cognition sont des éléments indissociables, il affirme : « Je suis d’avis qu’il n’existe pas de cognitions morales complètement dépourvues d’affect » [Traduction libre] (Rest, 1986). Il enrichit sa définition quelques années plus tard pour y ajouter quatre autres dimensions : la capacité d’interpréter les réactions et les émotions des autres; l’empathie, soit la faculté de prendre la position de l’autre et de comprendre sa réalité; la décentration de soi, soit le fait de comprendre l’impact de nos actions sur le bien-être des autres ainsi que la capacité d’inférer des conclusions à partir des actions des autres et d’y répondre de manière appropriée (Jordan, 2007; Rest et al, 1999).

En plus d’être associée à la capacité de percevoir les enjeux éthiques d’une situation, la sensibilité éthique est aussi associée à la capacité de prendre conscience du fait d’être en situation éthique (Lacroix et al., 2017). On retient également l’importance de se sentir concerné et touché par les faits et les événements problématiques (Langlois, 2014). C’est parce qu’ils éprouvent une forme de malaise que les individus reconnaissent qu’ils sont plongés dans une situation qui ne les laisse pas indifférents (Fortin et al., 2011). En ce sens, la perception des éléments problématiques est ressentie physiquement et n’est pas uniquement une expérience cognitive.

Il ressort ici que différents sens de la notion de sensibilité éthique s’entremêlent : celui de la conscience de quelque chose et du sens qu’on lui donne, d’une part, et celui de la sensation et du ressenti émotionnel et sentimental, d’autre part. S’il est clair que le premier sens réfère à la cognition et le second, à l’affect, telles deux dimensions de l’être, il n’est pas pour autant facile de les réunir sous un même concept et d’en expliquer le fonctionnement, surtout dans une perspective éthique et philosophique. En effet, l’histoire de la philosophie morale a presque toujours opposé le sentiment à la raison, ou le sensible (la perception par les sens du corps) à l’intelligible (qui peut être formé). C’est la pensée de Kant, qui, depuis le XVIIIe siècle, a dominé et influencé des générations de théories morales rationalistes (Hoffman, 2008; Rondeau, 2015). Les sentiments, disait-il, sont inconstants, variables selon l’humeur, biaisés, partiaux et ils éclairent rarement ce qui est bien ou juste de faire (Rondeau, 2015). Dans cette perspective, ce qui est de l’ordre du sensible a longtemps été exclu de toute forme de connaissance légitime conduisant à des jugements moraux, impartiaux et universalisables.

1.2. La perception comme source d’enrichissement de la connaissance morale

Définir la sensibilité éthique exige donc de s’appuyer sur une conception de l’éthique plus ouverte que celle que proposent les approches rationalistes. La philosophie morale gagne à dépasser l’idéal d’une rationalité éthique sous-tendue par des arguments moraux et à considérer les notions de perception, de vision et de point de vue. En effet, bien juger moralement, c’est d’abord bien voir. Par ailleurs, les désaccords moraux ne s’expliquent pas uniquement par un différend sur les principes ou sur les arguments, mais plutôt comme des différences de visions (Chavel, 2011). Il s’agit d’une position que partagent les autrices et auteurs Murdoch (1994), Blum (1994) et Laugier (2008), dont la filiation philosophique remonte à Weil et Wittgenstein. La perception morale et l’attention occupent une place importante dans leurs travaux et représentent un ancrage important pour conceptualiser la sensibilité éthique.

En effet, la perception morale tout comme l’empathie, la sympathie et la compassion occupent une place centrale dans l’éthique du care. Selon Gibert (2014), la perception sensible est une forme de connaissance morale et est enrichie par l’imagination, par la décentration de soi et par la prise de perspective. Cette idée est partagée également par Laugier : « La réalité est […] enchevêtrée et demande un travail plus approfondi de l’imagination, de la perception, une éducation du sensible » (2008, p. 90). Notre rapport aux situations complexes n’est pas uniquement cognitif, il est également affectif. Ainsi, l’information tirée de notre expérience perceptive, qui est intimement liée aux sensations, à l’émotion, à la vision ainsi qu’à la capacité de ressentir et de s’émouvoir, influence et fait inévitablement évoluer notre raisonnement moral.

Imaginons une histoire qui illustre de quelle manière la perception enrichit le raisonnement moral : une femme engage un jardinier pour s’occuper de l’entretien paysagé du terrain sur lequel se trouve sa résidence. Elle s’approche tranquillement du jardinier alors qu’il s’affaire à tailler une haie d’arbustes qui définit le pourtour du terrain. Elle remarque que son travail est inégal et qu’une branche dépasse de la haie qui, normalement, devrait avoir été taillée de manière lisse et impeccable. Insatisfaite du travail de l’homme, elle prend rapidement la décision de ne plus avoir recours à ses services à l’avenir et décide d’entreprendre la finition du travail sur-le-champ et de couper la branche elle-même. Alors qu’elle empoigne un sécateur déposé sur le gazon, son fils, qui regardait la branche depuis un moment, crie à sa mère : « Regarde les petits oiseaux dans leur nid sur la branche, maman! » La femme comprend alors que le jardinier a aussi vu le nid et que c’est pour le protéger qu’il a évité de couper les branches. L’homme et le garçon ont été attentifs à ce qui était là, sous leurs yeux. La femme, quant à elle, n’a pas été attentive à l’ensemble des éléments et sa perception de la situation et du professionnalisme de l’homme en a été affectée. Ce n’est pas prioritairement le raisonnement de la femme qui a évolué lorsqu’elle a aperçu le nid d’oiseau. C’est plutôt sa perception du contexte qui s’est enrichie, alors qu’elle a porté attention à d’autres caractéristiques importantes de la même situation.

2. Le concept d’attention selon une perspective philosophique

L’attention est un concept complexe à définir quoiqu’intuitivement facile à saisir. Effectivement, nous avons tous besoin d’être minimalement attentifs pour réaliser une tâche ou pour poser une action. À l’inverse, nous avons tous déjà commis une erreur d’inattention. Définie à la fois comme état d'être et activité, faculté de l’esprit, capacité ou disposition, nom ou qualificatif (attention vs être attentif), ressource abondante, mais précieuse et épuisable, l’attention est un concept fascinant à étudier qui se révèle, comme discuté précédemment, indissociable de l’expérience éthique et morale. Qu’est-ce exactement que l’attention et en quoi contribue-t-elle à la philosophie et à l’éthique?

Dans le Larousse, l’attention est décrite comme la capacité de concentrer volontairement son esprit sur un objet déterminé. Bien que cette brève définition permette de capter globalement de quoi il s’agit, elle demeure partielle et insuffisante pour véritablement comprendre le sens et la portée de l’attention. Une analyse de la littérature issue de la philosophie et de la psychologie montre que l’attention est un concept en apparence simple, mais en vérité complexe qui a été traité différemment et inégalement dans ces deux champs disciplinaires. En psychologie cognitive et expérimentale, l’attention s’inscrit parmi les facultés qui ont été les plus étudiées (Maquestiaux, 2017). On ne peut en dire autant en philosophie, l’idée de la conscience semblant avoir occupé une place plus centrale que celle de l’attention dans les projets philosophiques des autrices et des auteurs (Mole et al., 2011). En philosophie ancienne, le concept ne se trouve pas toujours nommément dans la littérature mais, dans l’histoire des idées, les philosophes s’y sont progressivement intéressés jusqu’à ce que l’attention soit considérée comme une faculté fondamentale de l’esprit (Depraz, 2014, Maquestiaux, 2017).

C’est dans la littérature philosophique plus récente que se trouvent les conceptions de l’attention les plus concentrées et les plus fécondes. Il importe de reconnaitre qu’il n’existe pas de définition consensuelle de l’attention. Dans la littérature contemporaine, deux grandes approches se démarquent : l’éthique du care et la phénoménologie. Cet article se concentre sur les éléments fondamentaux de la première approche.

2.1 L’attention comme concept central de l’éthique du care

Les réflexions de Murdoch sur l’attention sont riches, s’inscrivent dans l’héritage philosophique de Simone Weil et se déploient notamment dans son oeuvre la plus lue, La souveraineté du bien (1994). Pour elle, la morale est essentiellement une question d’attention, c’est-à-dire « un regard juste et aimant sur le monde et les humains dirigé sur une réalité individuelle. » [Traduction libre] (Murdoch, 1994, p. 33). Pour cette autrice, seuls l’attention et l’amour rendent possible un regard véridique dans le champ de la morale. Ce qui est au coeur de cette idée, c’est la recherche de la vérité qui se trouve non pas dans la science ou dans l’intelligence, mais plutôt chez les autres, car, dirait-elle, il n’y a que ça de vrai. Ainsi, « l’attention, c’est l’effort de bien voir, c’est-à-dire avoir une connaissance (morale) de ce avec quoi, et de ceux avec qui nous vivons. » (Murdoch, 1994, p. 27). Il ressort de ses réflexions l’idée de qualité de l’attention aux singularités, par opposition aux abstractions qui, classiquement, ont défini notre expérience morale (Blum, 1994). L’attention aux petites choses, aux détails qui ont une pertinence morale aurait donc une fonction plus importante et plus significative que des principes généraux dans notre vie morale. Laugier, comme Murdoch et Wittgenstein, déplace ainsi le centre d’intérêt des concepts généraux vers l’examen des visions particulières, des configurations de pensée des individus, ce qu’elle exprime par l’expression « texture d’être » : « Ces choses, qui peuvent être montrées ouvertement et de façon intelligible, ou élaborées intimement et devinées, constituent ce qu’on peut appeler la texture d’être d’un homme, ou la nature de sa vision personnelle » (Laugier, 2014, p. 258).

Un autre élément caractéristique de la pensée de Murdoch sur l’attention, encore repris de Weil, est le thème du « détachement du moi », qu’elle désigne par l’expression unselfing (Murdoch, 1994). L’autrice met en évidence cette tendance de nos esprits à se laisser envahir par nos ruminations et par nos préoccupations individuelles qui font écran au réel, d’où l’importance de travailler activement à se détacher des affaires du moi et des illusions qu’elles créent. Dans une conférence portant sur Murdoch, Layla (2020) fait ressortir la métaphore du voile utilisée par la philosophe :

Notre esprit est continuellement actif, fabriquant un voile anxieux, généralement préoccupé, souvent falsificateur, qui dissimule partiellement le monde. Nos états de conscience diffèrent en qualité, nos fantasmes et nos rêveries ne sont pas insignifiants et sans importance, ils sont profondément liés à nos énergies et à notre capacité de choisir et d'agir. Et si la qualité de la conscience est importante, alors tout ce qui modifie la conscience dans le sens de l'altruisme, de l'objectivité et du réalisme est à mettre en relation avec la vertu. [Traduction libre]

Murdoch 1994, citée par Layla, 2020, p. 7

Ainsi, pour Murdoch comme pour Weil, lorsque notre esprit est libre de toute préoccupation, nous sommes disposés à être touchés par le réel et, autrement dit, disposés à être attentifs. L’attention devient une forme de consentement au réel (Layla, 2020). Il ressort clairement ici que l’attention n’est pas comprise comme la concentration volontaire de l’esprit sur un objet, mais comme une disposition ou une capacité à laisser l’esprit être pénétré par ces petites choses qui nous révèlent une vérité, précisément comme l’exprime Weil : « L’attention consiste à suspendre sa pensée, à la laisser disponible, vide et pénétrable à l’objet […] la pensée doit être vide, en attente, ne rien chercher, mais être prête à recevoir dans sa vérité nue l’objet qui va y pénétrer » (Weil, 2018. p. 107).

Selon Laugier (2014), l’éthique est essentiellement l’attention à ce qui compte, la capacité à percevoir le détail de la vie ordinaire. L’attention devient ainsi indissociable de la volonté de voir et de faire attention, ce qui définit ce que représente pour elle la perception morale. Selon cette philosophe, « c’est cette définition de la perception morale qui permet de reconcevoir l’éthique comme exploration perceptive, et donc comme attention, inséparablement sensible et conceptuelle, aux détails et expressions morales » (2014, p. 252). Elle insiste par ailleurs sur ce moment de la pensée où, avant de déterminer ce qui compte, il faut déterminer ce qui mérite d’être compté, mettant ainsi en évidence le fait que l’attention est aussi valorisation (Laugier, 2014, p. 257).

Laugier met également de l’avant l’idée, également centrale dans l’oeuvre de Nussbaum, selon laquelle l’attention est une compétence éthique définie comme étant une perception affinée et agissante qui s’ajoute à la capacité à juger, à argumenter et à choisir, et qui est susceptible d’être développée. Laugier soutient qu’au-delà de la connaissance et de l’émotion, la compétence éthique est une affaire d’apprentissage de l’expression adéquate et d’éducation à la sensibilité (Laugier, 2014).

La notion d’attention est finalement fondamentale dans les travaux de Noddings (1984). C’est ce qui rend possible la réceptivité, laquelle constitue le « socle de la sensibilité éthique » selon la chercheure (Gendron, 2010, p. 102). Par ailleurs, la condition nécessaire à l’expression de la réceptivité est la décentration de soi ou, autrement dit, le déplacement de l’intérêt que je porte à ma réalité vers celle de l’autre. Cette manière d’appréhender l’attention n’est pas sans rappeler le « détachement de soi », porté par Weil et par Murdoch. Elle nous amène également à réunir sous un même concept le fait d’être attentif, entendu comme ouverture à voir la réalité de l’autre, et celui d’être attentionné, au sens de se soucier, de vouloir prendre soin de l’autre. La relationalité (relatedness) ou le souci de l’autre dans les relations humaines est par ailleurs une préoccupation centrale pour Noddings (Brugère, 2021). L’importance de cette préoccupation dans son oeuvre est révélée dans cette affirmation : « toute vie humaine commence par une relation, et c’est par les relations qu’émerge un l’individu » (Noddings, 2012, p. 771).

Dans le même esprit que Murdoch et Blum qui ont redéfini la morale, Noddings, soutient que l’attention prend toute sa pertinence par le déplacement d’un mode de conscience analytique ou rationnel vers un mode de conscience affectif et réceptif. Ainsi, la résolution d’une problématique éthique comporterait deux dimensions : l’une, réceptive/affective, et l’autre, réceptive/réflexive, de sorte que la personne attentive se laisse d’abord toucher par l’autre et reçoit le sentiment qu’il éprouve avant de chercher à analyser et de réfléchir de manière rationnelle et objective comment résoudre une situation problématique (Gendron, 2010).

La contribution de Noddings a mis en évidence le fait que l’attention interpersonnelle, tout comme l’empathie ancrée dans une perspective tournée vers l’autre, dépend d’une connaissance, voire d’une conscience, approfondie de soi qui permet l’identification de notre propre ressenti de sorte qu’il n’interfère pas avec la réceptivité de la personne dont on se soucie. En résumant l’esprit de Noddings, Gendron affirme que

si l’attention interpersonnelle s’exerce par le partage du sentiment vécu par l’autre, elle s’enracine aussi dans une réceptivité intérieure tournée vers l’identification de ce qui est personnellement éprouvé et une capacité à se départir d’émotions entravant la réceptivité à la personne dont on se soucie

Gendron, 2010, p. 105

Autrement dit, par notre connaissance de nous-mêmes, nous parvenons à suspendre nos propres jugements et nos émotions qui viennent interférer avec notre ouverture à l’autre. L’idée n’étant pas de les supprimer, si tant est qu’il en soit possible, mais bien de les observer de façon détachée.

Dans cet esprit, Noddings a largement contribué à la notion de dialogue, aspect fondamental de l’éthique du care. Pour elle, le dialogue moral n’est autre qu’une rencontre entre personnes qui sont préoccupées l’une par l’autre : tout au long du dialogue, les participants sont conscients l’un de l’autre, ils sont tour à tour carer et cared-for et, en dépit de la présence de différences idéologiques, ils tendent le bras au-dessus de la brèche idéologique pour se relier l’un à l’autre » (Noddings, 1995, traduit par Gendron, 2010, p. 141).

Bref, les concepts d’attention et de sensibilité éthiques sont indissociables dans l’éthique du care, ce qui rend logique et attrayante l’idée de cultiver la première au profit de la seconde.

3. La présence attentive et la sensibilité éthique

Parce qu’elle améliore la capacité à voir et à percevoir les éléments qui sont pertinents dans une situation problématique, l’attention peut être conçue comme une dimension fondamentale de la compétence éthique ou morale, dans la mesure où elle prend la forme d’une disposition par laquelle l’esprit est ouvert et réceptif à faire entrer les objets dans le champ perceptif et ainsi, à les faire apparaître à la conscience. L’attention telle que définie en philosophie est conceptuellement très proche de la présence attentive, étudiée depuis plusieurs années en psychologie et issue de la tradition bouddhiste. Voyons maintenant la définition de la notion de présence attentive et de quelle manière il est possible de croiser ses composantes opérationnelles à des éléments de la sensibilité éthique dont on souhaite susciter le développement.

3.1. Qu’est-ce que la présence attentive?

La littérature scientifique portant sur la présence attentive et sur les techniques méditatives visant à la cultiver est très abondante depuis quelques années. Cet enthousiasme repose en partie sur le fait que les scientifiques occidentaux ont su adapter une pratique spirituelle présente dans les enseignements bouddhistes depuis plus de 2 500 ans à un contexte thérapeutique, séculier et pragmatique (Grégoire et al. 2016). Désormais investie par la science, et plus spécifiquement par le domaine de la psychologie, la signification de la présence attentive s’est élargie pour être mesurée objectivement.

Dans sa conception générale, la présence attentive a été décrite comme une attention non élaborative et sans jugement, axée sur le moment présent, par laquelle chaque pensée, chaque sentiment ou chaque sensation qui surgit dans le champ attentionnel est reconnu et accepté tel quel (Kabat-Zinn, 1990 cité dans Bishop et al. 2004, p. 232). Bien qu’il en existe plusieurs, la définition opératoire à deux composantes de Bishop et de ses collègues fait consensus :

la présence attentive est un processus d’autorégulation de l’attention de sorte qu’elle puisse être maintenue et délibérément dirigée vers l’expérience du moment présent. La présence attentive implique une disposition à vivre le moment présent avec une attitude caractérisée par la curiosité, l’ouverture et l’acceptation [Traduction libre]

Bishop et al. 2004

La présence attentive exige une forme d’attention soutenue et de qualité, ce qui représente un défi pour tout esprit humain qui s’encombre facilement de pensées multiples et envahissantes. C’est pourquoi l’attention est une faculté de l’esprit qui doit être cultivée et entraînée de manière répétée par l’exercice, comme on le fait pour développer des aptitudes physiques ou musicales. L’objectif n’est pas de vider l’esprit de toutes ses pensées, mais de l’entraîner à être attentif à ce qui est, y compris au fait que nous sommes en train de penser (Laureys, 2019; Siegel et al., 2009). L’esprit entraîné ne s’accroche pas aux pensées et aux sentiments, mais les observe avec acceptation et les laisse passer. Ainsi, ce n’est pas tant l’objet de l’attention qui compte, mais l’exploration du changement dans l’expérience, dont celui de s’observer penser, d’en être conscient et de ramener l’esprit à l’instant présent (Siegel et al. 2009).

3.2. Comment la présence attentive peut-elle contribuer à la sensibilité éthique?

Nous avons précédemment retenu que la sensibilité éthique était conçue entre autres comme le fait de :

  1. Reconnaître la dimension éthique d’une situation problématique, parfois difficile à discerner, parce qu’elle est diluée dans une foule d’informations qui composent le contexte complexe dans lequel on est plongé.

  2. Voir et percevoir les éléments particuliers d’une situation qui se trouvent en dehors du champ de la connaissance, ceux qui sont de l’ordre des événements mentaux, des sentiments, de l’émotion, du ressenti. L’attention aux choses qui sont appréhendées par la dimension sensible de notre être (de manière complémentaire à sa dimension intelligible) constitue un socle pour la sensibilité éthique, conçue comme la porte d’entrée de la réflexion éthique, parce qu’elle enrichit la connaissance dite morale ou éthique.

  3. Se sentir concerné et touché par une situation, éprouver un malaise, ce qui interpelle notre compassion et notre désir de résoudre une situation humaine, complexe et problématique.

La première composante de la présence attentive selon Bishop et ses collègues (2004), celle qui consiste en l’autorégulation de l’attention sous une forme soutenue, délibérée et dirigée vers l’instant présent, vise à augmenter l’accès à l’information issue de l’expérience. C’est une caractéristique recherchée pour faire émerger ou pour affiner la sensibilité éthique. En effet, l’attention qui se libère de la pensée réfléchie permet l’accès à plus de ressources attentionnelles pour traiter l’information liée à l’expérience vécue : « Une attention élevée dirigée vers l’expérience augmente l’accès à l’information qui autrement resterait en dehors du champ de la conscience, en conséquence de quoi, cet état nous dispose à une perspective plus large sur ce que l’on vit. » [Traduction libre] (Bishop et al. 2004 p. 233)

La deuxième composante est une attitude d’acceptation (Bishop et al. 2004) qui peut être souhaitable de cultiver au bénéfice de la sensibilité éthique, notamment en ce qui a trait à l’appréhension des éléments de contexte, par la dimension sensible de l’être et au fait de se sentir concerné par une situation problématique. Elle rappelle d’ailleurs les propos de Murdoch (1994) qui fait ressortir combien l’attention nous permet d’être disposé à être touché par le réel. Accepter ce qui est, c’est inclure dans le champ attentionnel toutes pensées, tous sentiments, toutes émotions sans tenter de les nier, de les combattre ou de les supprimer. Au contraire, il s’agit d’être ouvert à les vivre, à les observer et à découvrir le sens qu’ils donnent à l’expérience de notre monde vécu. On peut par ailleurs envisager que, parce que la présence attentive permet de percevoir et d’observer les sentiments et les émotions et qu’ainsi il devient possible d’en faire la régulation consciente (Chambers et al. 2009), elle peut constituer une stratégie intéressante pour légitimer la prise en compte du sensible en philosophie et en éthique, encore conçues comme exclusivement rationnelles.

3.3. Le besoin d’une pratique morale de la présence attentive

L’engouement pour la présence attentive, attribué au succès du programme d’intervention basé sur la méditation de présence attentive (le Mindfulness-Based Stress Reduction – MBSR) développé par Kabat-Zinn au début des années 1980, est immense. Parmi ses bienfaits, on compte la réduction du stress, de l’anxiété et des symptômes de dépression, en plus de l’amélioration des fonctions cognitives, dont l’attention et la mémoire. Cultiver la présence attentive se montre même efficace comme outil de gestion de la douleur (Kabat-Zinn, 2009). Les avantages de la pratique de la présence attentive sont tels qu’elle a intégré les domaines de la santé, de l’éducation, du droit et des affaires, notamment.

Toutefois, certains écueils et certaines contreparties liés au phénomène ont été occultés, ce que Van Dam et ses collègues (2018), entre autres, tentent aujourd’hui d’exprimer et de corriger. D’une part, la difficulté à bien définir le concept, les lacunes méthodologiques qui empêchent de mesurer rigoureusement les mécanismes et les effets de la présence attentive sur la santé, sur le bien-être et sur le cerveau ainsi que la désinformation concernant les conséquences positives qui ne font qu’éluder les effets négatifs de la pratique sont autant de problématiques qui ont récemment été soulevées (Van Dam et al., 2018). Peu d’ouvrages ont été publiés en ce sens, mais un regard critique posé sur les études empiriques ne peut qu’être bénéfique pour augmenter la crédibilité de la pratique et protéger les méditants.

D’autre part, il faut reconnaître que la pratique de la présence attentive a gagné en popularité parce qu’elle répond parfaitement aux besoins des pays occidentaux (Grégoire et al., 2016; Van Dam et al., 2018), ce qui est également problématique. Parce qu’elle permet d’améliorer les capacités attentives de manière efficace, la présence attentive a été propulsée au rang d’instrument de performance cognitive et émotionnelle inégalable. C’est ce que Purser (2019) appelle le McMindfulness dans un ouvrage qui porte le même nom. Il y dénonce, entre autres, le fait que la présence attentive est devenue une forme banale de spiritualité capitaliste qui, parce qu’elle est souvent pratiquée dans une perspective dépourvue de morale, empêche les transformations sociales et politiques et, au contraire, s’inscrit comme une simple technique utilitaire d’amélioration des capacités attentionnelles qui vise le contrôle des personnes (Purser, 2019). Par exemple, l’armée américaine offre des programmes de développement de la présence attentive pour que les soldats qui vont au front gèrent mieux leur stress et pour qu’ils sachent apaiser leur détresse morale et leur stress post-traumatique. L’idée est intéressante mais, comme l’indique Purser, ce même entraînement de l’esprit permet la création d’une armure mentale qui fait de ces soldats de meilleurs tireurs d’élite (Purser, 2019). Voilà un exemple certes extrême, mais le phénomène se reproduit dans tous les domaines, qui cultivent la présence attentive non pas pour ce qu’elle est en soi mais plutôt pour générer des avantages qui seront exploités dans une optique de productivité.

Dans cette perspective, le fait de suggérer que la pratique de la présence attentive puisse mener à l’émergence et au développement de la sensibilité éthique, comme nous tentons de le faire, exige prudence et nuance. En effet, d’une part, une pratique sans arrière-fond moral pourrait conduire à une forme d’insensibilité éthique et, d’autre part, l’utilisation de la pratique comme outil ou comme stratégie pourrait dériver vers une instrumentalisation de la pratique à d’autres fins que celles pour lesquelles elle a été pensée.

Il devient alors fondamental de se replonger dans les enseignements bouddhistes pour se rappeler que la présence attentive doit être cultivée sans attente, sans désir avide de changer quoi que ce soit à ce qui est vécu (Siegel et al. 2009). Ce n’est pas un instrument, c’est une philosophie de vie qui demande une forme de discernement en plus de reposer sur des principes d’acceptation et de compassion pour soi-même et pour les autres. Il est opportun de rappeler la manière dont Murdoch (1994) définissait l’attention : un regard juste et aimant sur le monde des humains. Voilà qui fait écho aux enseignements du bouddha. Citant Simone Weil, elle exprime bien de quelle manière l’attention et l’éthique peuvent être co-développées : seuls l’attention et l’amour rendent possible un « regard véridique dans le champ de la morale » (1994, p. 27).

Dans cet esprit, pratiquer la présence attentive à des fins éthiques peut sembler contradictoire. En effet, la délibération éthique implique d’anticiper quelle pourrait être la meilleure décision à prendre dans les circonstances et donc, de vouloir transformer une situation qui comporte des enjeux problématiques, ce qui peut sembler paradoxal par rapport aux fondements de la présence attentive. Il importe de la concevoir non pas comme un instrument efficace au service d’une finalité que l’on veut bonne ou meilleure, mais comme une manière de vivre et de faire l’expérience pleine et entière de situations. Cela nous permet de percevoir sans filtre et sans attente le plus d’éléments possible qui nourriront ensuite notre réflexivité éthique. Cultiver la présence attentive, c’est créer l’habitude de voir plus clairement le monde vécu.

3.4. Former à la sensibilité éthique en s’entraînant à la présence attentive

La sensibilité éthique est une aptitude qui s’acquiert et se développe (Langlois et Lapointe, 2010). D’ailleurs, le but de cet article était principalement de démontrer que la pratique de la présence attentive peut y contribuer concrètement. Nous avons effectivement établi le fait que l’attention est une dimension fondamentale de la sensibilité éthique et que s’entraîner à la présence attentive peut contribuer à l’amélioration des capacités attentionnelles et, ce faisant, de la perception des éléments contextuels d’une situation.

N'est-il pas alors incontournable de mettre l’accent sur l’entraînement à la présence attentive dans la formation à l’éthique professionnelle en milieu organisationnel et universitaire? Cette idée n’a de sens et n’est prometteuse que dans la mesure où elle est déployée selon une approche pédagogique ouverte aux questions de présence, d’expérience, de sensibilité et de considération des éléments situationnels dans la formation à l’éthique. Or, cette approche semble toujours marginale dans les établissements universitaires. L’éthique est encore principalement enseignée dans une perspective normative et prescriptive, voire moralisatrice (Lacroix et al., 2017). De manière générale, la formation à l’éthique se concentre sur l’enseignement des valeurs professionnelles, des règles déontologiques et des outils de délibération procéduraux. Dans cet esprit, le développement de la sensibilité éthique qui résulte d’une telle approche se mesure par la conformité des professionnels aux principes et aux exigences qui balisent leur profession et non par une conscience accrue et par une meilleure prise en compte des enjeux éthiques nécessaires à l’agir éthique.

Léger et Rugira (2015) s’intéressent à la formation à la sensibilité éthique des professionnels, notamment des professionnels de l’enseignement et de l’accompagnement, et soulignent également la représentation importante de la dimension déontologique dans les manières de considérer les questions éthiques dans la formation professionnelle en milieu universitaire. Elles soulèvent d’ailleurs que « le projet de former à la sensibilité éthique nous place dans l’impératif d’envisager l’être humain dans sa globalité, ce qui suppose de prendre en considération non seulement ses dimensions cognitives, mais également ses dimensions corporelles, psychoaffectives et spirituelles » (Léger et Rugira, 2015, p. 70).

La formation à l’éthique professionnelle conçue selon une approche situationnelle et sensible rend à la fois propice et nécessaire le développement des qualités perceptives au bénéfice d’un agir éthique. C’est dans ce contexte que la présence attentive prend tout son sens. Mais encore faut-il, comme enseignant, savoir comment susciter le désir de s’y entraîner. Pour Siegel et ses collègues, il s’agit d’abord de s’engager soi-même dans la pratique de la présence attentive (Siegel et al., 2009). En ayant soi-même appris à être attentif à soi, aux autres et à notre environnement, nous parvenons à inspirer les autres à développer la volonté de l’être. Il s’agit également de conduire les professionnels à prendre conscience de l’impact négatif que peut avoir un état d’insouciance ou d’inattention sur notre manière d’agir (Ie et al., 2014). Le fait de cultiver la présence attentive nous permet de développer l’habitude d’être attentif au fait que nous sommes piégés dans des automatismes qui nous empêchent de voir clairement. Il ne s’agit pas ici d’énumérer de manière exhaustive les façons de susciter le développement de la sensibilité éthique par l’enseignement de la présence attentive, mais plutôt de mettre en lumière une avenue prometteuse qui gagnerait à être approfondie, non seulement pour la formation à l’éthique professionnelle mais pour la formation à l’éthique en général.

Conclusion

Cet article aura démontré de quelle manière la présence attentive peut contribuer au développement des qualités attentives nécessaires à l’exercice de la sensibilité éthique. Pour ce faire, il s’est appuyé sur une conception plus ouverte de l’éthique que celle qui est proposée dans les approches rationalistes et qui admet l’importance de la perception dans l’expérience éthique. Il a ensuite exploré la richesse des conceptions philosophiques de l’attention dans l’éthique du care. Puis, après avoir défini la présence attentive comme concept et comme pratique méditative, il a établi de quelle manière le fait de cultiver une attention portée délibérément au moment présent dans une posture d’acceptation sera bénéfique pour le développement de la sensibilité éthique, dans la mesure où cette perspective est abordée sur un arrière-fond moral.