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Cet ouvrage s’adresse autant à un public général qu’à un public spécialiste intéressé par la culture et les sociétés. Publié dans le cadre de la collection « Regards sur la jeunesse du monde» aux Presses de l’Université Laval, en coédition avec l’Institut québécois de recherche sur la culture (IQRC), ce collectif rassemble neuf textes qui tracent le portrait de la jeunesse au Québec. Sous la direction de Madeleine Gauthier, professeure et responsable de l’Observatoire Jeunes et Société de l’Institut national de la recherche scientifique Urbanisation, les treize auteurs qui contribuent à cet ouvrage sont des professionnels, des professeurs, des agents de recherche ou de liaison, ou des étudiants qui travaillent dans le vaste champ des sciences sociales. À travers les neuf textes présentés, nous explorons les différentes sphères qui permettent d’appréhender les réalités qui encadrent la jeunesse au Québec.

Dans le premier chapitre, Serge Côté dresse un bilan démographique de la jeunesse québécoise, laquelle, sur le strict plan du nombre, est en diminution. Il explore le poids géographique des régions administratives du Québec au fil des trente dernières années. Il aborde les déplacements interrégionaux et la migration interne à la lumière des aspects de définition, d’espace et de temps propres à ces phénomènes. Il clôt sa présentation par l’exposition des résultats de sondage ayant comme thème principal les particularités de ces mouvements démographiques à travers le caractère variable des phénomènes migratoires. Il ouvre finalement la discussion sur des propositions concrètes pour penser la migration en regard des réalités observées dans les différentes régions du Québec.

Le deuxième chapitre, écrit par Claude Trottier et Claire Turcotte, se penche sur la scolarisation des jeunes Québécois. Pour aborder ce thème, les auteurs posent les bases du système scolaire québécois. Ils enchaînent avec des éléments statistiques relatifs au taux d’accès aux différents ordres d’enseignement et d’obtention d’un diplôme. Ils présentent ensuite une analyse des progrès reliés à cette accessibilité ainsi que les objectifs cibles pour l’avenir. Suivant cette même thématique, ils comparent la scolarisation des jeunes Québécois avec celle des pays de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) et soulignent les variations observées suivant le sexe, le groupe linguistique, le statut socioéconomique de la famille d’origine et les régions. La dernière section concerne l’accessibilité financière aux études en lien avec le Programme des prêts et bourses et le travail pendant les études. Ce chapitre, qui met l’accent sur les questions d’accessibilité à l’éducation, se termine par des conclusions au sujet du classement général de la jeunesse québécoise au sein de l’OCDE.

Suivant l’ordre logique des différentes étapes qui marquent le passage des jeunes à l’âge adulte, le chapitre trois, rédigé par Mircea Vultur, explore l’insertion sociale et professionnelle des jeunes à la lumière des transformations actuelles de l’univers du travail au Québec. Il aborde cette question en deux temps : tout d’abord, il présente le marché du travail suivant la situation des jeunes Québécois de 15 à 24 ans ; ensuite, il analyse le rapport entre les jeunes, le travail et les différentes variables en jeu lors de l’entrée dans la vie adulte. En conclusion, il expose quelques réflexions relativement à l’évolution du marché du travail à travers la situation des jeunes Québécois.

Intégrer l’univers des adultes signifie aussi renégocier l’ensemble des rapports sociaux signifiants au sein de ses différentes sphères relationnelles. Dans ce quatrième chapitre, Marc Molgat et Johanne Charbonneau survolent les relations entre les jeunes, leurs parents, leurs pairs, leurs conjoints et leurs enfants. Pour chacun des types de relations, ils présentent les variables qui caractérisent la jeunesse québécoise. Cet exercice est aussi effectué dans le cinquième chapitre, où Madeleine Gauthier et Pierre-Luc Gravel se penchent sur la participation des jeunes à l’espace public québécois, à travers l’associationnisme et la mobilisation. En se fondant sur une enquête réalisée par le Groupe de recherche sur la migration des jeunes, les auteurs se basent sur certains regroupements répertoriés dans cette recherche pour présenter les lieux de participation à l’espace public des jeunes Québécois. Ainsi, ils présentent une typologie des organisations selon le degré d’implication, ainsi que les enjeux des lieux d’engagement et des moments de la vie où les jeunes s’engagent en regard d’une société où l’individualisme prend une place considérable.

Le chapitre six, écrit par Claire Boily, aborde un autre champ de la jeunesse québécoise : l’occupation du temps libre. Comme les changements de l’univers du travail sont significatifs, la gestion des temps libres a aussi subi des transformations. Basée sur des données statistiques recueillies dans le cadre de l’Enquête sur les pratiques culturelles des Québécois, elle explore les relations entre la reconfiguration des emplois du temps et le choix des activités en fonction du temps libre des jeunes Québécois. Ainsi, elle aborde des aspects tels que les sorties, les pratiques sportives, l’écoute de musique et l’attrait marqué de la jeunesse pour la culture, les arts et la science.

Dans le chapitre sept, Antoine-Lutumba Ntetu propose un portrait-synthèse des jeunes en établissant une comparaison entre les sexes. D’après le constat d’une amélioration de l’état de santé des Québécois et Québécoises en général, l’auteur se questionne sur l’état de santé des jeunes Québécois de 15 à 24 ans. Il propose de répondre à ce questionnement à travers trois aspects de la santé : la santé mentale et l’état psychologique, la santé physique et les causes de mortalité.

Les deux derniers chapitres se penchent sur un univers plus sociologique de la jeunesse québécoise, à savoir la quête d’un véritable lien social et les valeurs qui sont partagées par les jeunes Québécois. Le chapitre huit, écrit par Michel Parazelli, explore les formes de marginalité juvénile selon des catégories sociales mouvantes mises en place en réaction aux bouleversements de la société contemporaine. Avant de passer en revue des types particuliers de marginalité, il présente brièvement le contexte québécois de marginalisation des jeunes. Devant l’impossibilité d’aborder l’ensemble des formes de marginalité juvénile, Parazelli a choisi de présenter quatre types particuliers : les jeunes de la rue, les gangs de rue, les vidéastes « jackass » et les « bukos », « … de jeunes Montréalais qui se présentent comme des émules de Charles Bukowski, écrivain américain, auteur de livres traitant des bas-fonds urbains (dont le Journal d’un vieux dégeulasse) » (141). Le neuvième et dernier chapitre, qui se veut une réflexion sur les valeurs des jeunes, est écrit par Gilles Pronovost et Chantal Royer, avec la collaboration de Sarah Charbonneau. Suivant une présentation de l’importante tradition internationale d’étude des valeurs, les auteurs abordent les valeurs des jeunes Québécois comme une dimension du projet de vie. Après avoir présenté une définition du concept « valeur », ils abordent les variables culturelles, sociales, relationnelles, spirituelles, professionnelles et éducationnelles des valeurs des jeunes Québécois.

Avec la collaboration de ces nombreux auteurs, Madeleine Gauthier a dirigé la publication de cet ouvrage collectif sur la jeunesse au Québec avec brio. Le plus grand mérite de ce collectif est qu’il présente à la fois une synthèse et une quantité suffisante de précisions sur chacun des neuf thèmes abordés. Très à propos, tableaux et statistiques agrémentent la lecture et s’inscrivent tout à fait dans le caractère rassembleur de ces textes. Si parfois les thèmes abordés nous donnent l’impression d’une envergure insuffisante, les auteurs réussissent à appréhender ces diverses réalités avec justesse et clarté. Qui plus est, les diverses branches de spécialisation des auteurs nous permettent une compréhension variée des phénomènes présentés. Bref, il s’agit certainement d’un ouvrage de référence pour l’étude de la jeunesse au Québec dont l’apport principal est sans doute de tracer un portrait actualisé des composantes sociales et culturelles de ce groupe à la fois victime et porteur des transformations profondes des sociétés contemporaines du XXIe siècle.