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Polysémique et paradoxale, la notion de « passage » nous semble encore essentielle pour la compréhension des transformations sans précédent (déracinement, migration et sécularisation) qui ont lieu dans les mondes contemporains. Provenant du latin passus, le mot « passage » désigne un déplacement, un processus de transformation en train de se faire, qui n’est pas terminé. Il désigne également « le lieu où s’effectue ce processus, sa trace ou son support que ce soit au sens morphologique ou bien métaphorique » (La Soudière 2000 : 5).

La notion de « passage » désigne la métamorphose qui précède le changement, le désordre suivi de l’ordre, un état de « l’entre-deux », entre ordre et désordre. Apparenté au deuil, le sens du passage n’est pas réductible à la perte, parce que la mort qu’il implique est symbolique et nécessaire au renouvellement de la vie.

Puisqu’il est processus, tout passage est, successivement et à la fois, un avant et un après, un ici et un là-bas, séparation mais adhésion, perte mais gain, désidentification mais identification. Le chercheur pourra donc mettre l’accent sur ce (ceux) qu’un passage relie, ou au contraire sépare ; sur ce qu’il fait quitter, perdre (sur le deuil), ou au contraire sur ce que l’on (y) gagne (un plus, l’accession à un nouvel état, à un nouveau statut) (La Soudière 2000 : 8).

Le « passage » implique un acte de réflexion sur l’ordre actuel ; il implique de s’opposer à lui, de le contester ou de l’obliger à se renouveler. L’acte de passer s’associe donc à la pensée et à la prise de conscience. Si l’identité fige le fait de penser, elle rend hommage à un ordre. Penser, au contraire, « c’est passer, c’est interroger cet ordre, s’étonner qu’il soit là » (Certeau 1987 ; voir aussi La Soudière 2000 : 11).

Le père de ce concept est sans doute Arnold Van Gennep. C’est à lui qu’on doit la « consubstantialité » du rite et du passage. On connaît bien aujourd’hui les trois phases qui décomposent chaque passage : un avant (période de séparation, de deuil), un pendant (période de limes, en latin, « marge », « limite ») et un après (période d’agrégation, de recomposition après le franchissement de la limite).

Quant à Victor Turner, il perçoit la limite comme une marge qui s’épaissit et se dilate dans le temps, une phase liminaire signifiant une période de transition et de mort simulée comme dans les rites africains d’initiation. La limite est la communitas où les gens vivent hors statut et en communion (Turner 1990 : 96).

Pierre Bourdieu reprend la théorie de Van Gennep pour mieux l’expliquer à partir d’une vision unique du monde. Depuis l’antiquité jusqu’aujourd’hui et en passant par la mystique chrétienne et les philosophies orientales, constate Bourdieu, l’univers a été conceptualisé comme reposant sur le principe de l’existence de deux catégories de choses opposées. Le jour suit la nuit tout comme la saison sèche suit la saison humide, la lumière suit l’obscurité… L’instauration de l’ordre, de la culture, suppose l’acte de tracer une limite, une séparation et une distinction. Si la limite met en évidence la distinction, la différence des choses, les rites de passage doivent résoudre le franchissement et rendre licite l’unité des entités opposées (Bourdieu 1980 : 374).

Si on reproche aujourd’hui quelque chose à ces théories des rites de passage, c’est leur faible relation avec un support empirique et matériel, voire l’absence totale de celui-ci. Dès le début de son ouvrage, Van Gennep attribue aux rites de passage une origine spatiale, topologique, mais qui sera presque aussitôt abandonnée, les lieux devenant de pures constructions idéales (Bonnin 2000 : 65-67). Les dimensions matérielles et spatiales du passage ont été évacuées de l’analyse pour laisser la place à une lointaine image des origines.

Ce procédé de la « sur-symbolisation » de la réalité se justifie certainement dans la perspective des conditions de l’époque qui l’ont produit. Au début du vingtième siècle, lorsque fut publié l’ouvrage Les rites de passage de Van Gennep, le folklore fournissait le support symbolique nécessaire pour légitimer les nouvelles identités nationales. Retrouvés dans toutes les cultures et depuis toujours, les rites de passages se comprennent alors comme un garant de la continuité culturelle et comme « l’antidote » à l’angoisse suscitée par la modernité. Il fallait mettre de l’ordre dans les coutumes recueillies par les folkloristes et leur donner du sens, par opposition à l’incertitude de l’époque industrielle.

Dans la mesure où la Tradition s’oppose à la Modernité, l’ontologie du passage de Van Gennep s’inscrit dans un besoin de continuité comme condition nécessaire pour remplir le vide de la rupture. Dans ce contexte, le schéma métaphorique des rites de passage risque d’éloigner les chercheurs contemporains de la compréhension des diverses réalités plutôt que de les y aider. Prenant le contre-pied de cette tendance à sur-symboliser la réalité, les auteurs de ce numéro ont privilégié l’ancrage du passage dans l’espace et dans le temps vécus (Belmont 1986 : 16). De nombreux passages ont été saisis dans leurs tumultes actuels (sociétés en transition, communautés entre l’ancien et le nouveau, individus au carrefour de leur vie, pratiques touristiques et nouvelles formes de migration, sens donné à l’habitat, aux routes et aux frontières). Ce numéro contient des réflexions à la fois sur les formes actuelles des rites de passage et sur les passages en tant qu’expériences individuelles et collectives.

Les rites de passage n’ont pas disparu à l’époque actuelle ; on les retrouve sous des formes nouvelles, souvent inattendues. Le rite, de nos jours, s’émancipe de ses formes strictes, s’individualise et se privatise (Roberge 2006 : 214). Il investit le quotidien et le privé tout en mettant en oeuvre des symboles et des valeurs significatives au niveau collectif (214). C’est dans cette problématique de la perpétuation des rites de passage que s’inscrit Catherine Arsenault. Lors de la fête du « bien cuit », les départs à la retraite sont analysés par l’auteure comme un rite séculier, même s’ils ne sont pas toujours perçus en tant que tel par les acteurs qui le mettent en scène. Néanmoins, tout converge en faveur du rituel : la structure (la présence de la phase liminaire et du deuil), le discours et le langage, la scénographie de l’action ou la dramaturgie rituelle, la distribution des rôles et la manipulation de certains objets.

Anamaria Iuga réexamine quant à elle la limite public-privé qui structure les communautés villageoises de la région de Maramureş (Roumanie). Construite en bois et selon les techniques traditionnelles, la « maison archaïque » est un lieu des rites de passage. La « belle salle » est la partie la plus valorisée de la maison, un centre de la vie domestique et communautaire. L’auteure rend non seulement compte des transformations produites sous l’effet du modernisme, mais aussi de la tendance des villageois à conserver en tant que tel cet espace domestique particulier. La « belle salle » apparaît ainsi comme un « médiateur symbolique » entre l’intérieur et l’extérieur de la maison et entre un « avant » et un « après » des grandes fêtes (voir Augé 1994 : 106, ou encore les références aux médiateurs symboliques d’Althabe).

Le terme de « passage » indique dans ce cas les tensions entre la « tradition » et la « modernité » qu’on retrouve aussi dans les articles de Daniela Moisa et de Raluca Nagy. La région de Maramureş est devenue célèbre pour son archaïsme après la diffusion des descriptions des ethnographes et des folkloristes et en raison de la politique de l’État depuis l’époque nationale jusqu’à récemment. La région représente encore un berceau de la roumanité, la plus archaïque et la plus conservatrice face au changement produit par la modernité. Dès 1971, l’architecture y a changé en raison d’un décret imposé par le régime de Ceausescu exigeant que les maisons nouvellement construites soient à étages. Ces mesures de systématisation ont été imposées par la force dans tous les villages de Roumanie. Cela fut aussi le cas de la région d’Oaş où Daniela Moisa a effectué ses recherches. Elle a analysé les traces de l’intervention de l’État pendant les années 1970. Depuis cette date, les habitants d’Oaş pratiquent une migration temporaire du travail, l’argent qu’ils gagnent étant investi dans les grandes maisons construites selon les normes imposées.

Si cette migration s’est faite d’abord au sein des frontières du pays, la situation a changé après la chute du communisme, lorsque les villageois ont commencé à migrer vers les pays de l’Ouest. L’argent a cependant continué à être investi dans la construction de maisons. « La nouvelle maison » construite « à l’occidentale », valorisée au détriment de « la maison traditionnelle », représente la matérialisation de l’idéal de réussite des villageois, une projection de soi et un vecteur de communication d’un statut nouveau et supérieur soumis à un processus d’innovation accélérée.

Soumise à la mode et à la concurrence, l’habitation est en reconstruction permanente. À la différence des habitants de Maramureş qui ont repris à leur compte le discours des spécialistes sur l’authenticité et la spécificité de leur région, les habitants d’Oaş se plient aux standards de la modernité, sans toutefois rompre totalement avec leurs valeurs locales. Le passage des villageois vers les pays d’Europe de l’Ouest est suivi du retour dans leur pays d’origine. Les allers-retours entre les deux lieux font des frontières un vécu et du passage une permanence (Diminescu 2006).

Le vécu que Daniela Moisa décrit minutieusement nous fait penser aux affirmations de George Balandier selon lesquelles les sociétés en transition ou en cours de développement sont caractérisées par « une dialectique qui s’opère entre un système traditionnel (dégradé) et un système nouveau (déterminé de l’extérieur) qui fait surgir un troisième système socioculturel, instable, mais porteur de la modernité authentique » (Balandier 1986 : 104). Loin d’être arrivés à un troisième système moderne, les habitants d’Oaş vivent plutôt au carrefour de leur existence, les tensions entre l’avidité des transformations successives, à la chaîne, et le retour à une tradition reconstruite (voir Balandier 1986 : 109). Tandis que l’Occident représente l’argent, le village et particulièrement la maison sont les cadres de la mise en valeur de la réussite professionnelle. On voit ainsi l’émergence d’une identité duale, soutient Moisa, entre la modernité et la tradition.

Quant à Raluca Nagy, elle nous fait comprendre que la traversée n’est pas un rite ayant un but en lui-même, un acte qu’on fait parce qu’il faut le faire sans en avoir besoin, sans savoir pour qui on le fait, ni ce qu’il représente (voir Bourdieu 1980). Les acteurs sociaux d’aujourd’hui sont devenus conscients de leurs différences. Le monde social ne se livre plus en tant que spectacle offert à l’attention exclusive du chercheur, il est devenu une scène où les regards se multiplient pour se croiser. À travers l’interprétation à la fois des pratiques touristiques et de la migration vers l’Ouest, Raluca Nagy étudie, dans la même région de Maramureş, les relations complexes entre les acteurs impliqués. Le tourisme qu’ils pratiquent n’est pas une activité économique dans le vrai sens du mot car les calculs ne se font pas dans une logique de rentabilité. Il est plutôt une « improvisation » appuyée par un échange d’authenticité entre les locaux et les étrangers. Les premiers jouent le rôle de porteurs d’une tradition authentique et archaïque qui leur a été attribuée depuis la deuxième moitié du dix-neuvième siècle par l’État et qu’ils livrent aux touristes en quête de traditionnel. Les locaux qui font périodiquement l’expérience du travail dans les pays de l’Ouest se sont investis d’un rôle de médiateurs, de passeurs de culture (cultural brokers). Le vécu « entre les deux » leur apporte du savoir et du pouvoir. Connaisseurs des attentes des touristes, ils s’octroient le droit de corriger et de guider le « spectacle » des coutumes traditionnelles.

Pascal Huot, pour sa part, se demande s’il existe une manière particulière de pratiquer un tourisme culturel relevant d’un domaine propre à l’insularité. Il identifie dans l’Île aux Grues, au Québec, les éléments qui se constituent en marqueurs identitaires du lieu. La fête de la mi-carême donne l’occasion aux touristes de traverser et d’assister à la mise en spectacle d’une identité à conserver. Cependant, le mot « passage » n’indique pas exclusivement l’acte de franchir une frontière, de traverser en bateau pour arriver au bord, mais aussi le fait de passer sur un chemin tout droit, le long des clôtures et des seuils, sans les franchir (Dubost 2000 : 60).

Il n’est pas de risques et périls dont on ne vienne à bout, car la résistance d’un obstacle engendre une nouvelle invention d’une autre solution, elle-même porteuse d’un nouveau stratagème qui, une fois compris par les autorités légales, est abandonné pour d’autres procédés aussitôt mis en place (Diminescu 2006).

Nous sommes investis dans une dynamique où l’abandon des frontières suit toujours l’apparition d’autres frontières. L’aspiration à abolir les limites et l’impossibilité de le faire traverse tous les articles de ce numéro Passages.

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Both polysemic and paradoxical, the concept of “passage” appears to remain essential for understanding the non-precedented transformations (deracination, migration, and secularisation) taking place in the contemporary world. Rooted in the Latin patior (to suffer, undergo, experience), the word “passage” indicates a displacement, a process of transformation undertaken, that is not yet finished. It designates equally “the site where this process, its mark or its support are enacted whatever its morphological or metaphorical sense” (La Soudière 2000: 5).

The concept of “passage” indicates the metamorphosis preceding change, disorder followed by order, a state between order and disorder. As with bereavement, the sense of passing can not be reduced to mere loss, because the death it implies is symbolic and necessary for the renewal of life.

Since it is a process, any passage is, successively and simultaneously, a before and an after, a here and a there, a separation but also a belonging, a loss but also a gain, a disidentification but also an identification. The researcher is thus able to emphasise what the passage connects or, conversely, separates; what it must leave behind, what is lost in mourning, or, conversely, what is gained — a benefit, the attainment of a new state, or of a new status (La Soudière 2000: 8).

“Passage” involves a reflection on the current order; through opposition it challenges this order, obliging it to renew itself. The act of passage is thus linked to thought and self-awareness. If identity inhibits the act of thinking, it respects an order. To think, on the other hand, “is to pass, it is to question this order, to be astonished by its existence” (Certeau 1987; see also La Soudière 2000: 11).

The father of this concept is undoubtedly Arnold Van Gennep. He proposed the “consubstantiality” of a rite and a passage. Today the three phases into which a passage is seperated are well known: a before (a period of separation, of mourning), a during (a liminal period, of the border and the threshold), and an after (a period of reincorporation and recombination after the crossing of the threshold).

As for Victor Turner, he perceives the threshold as a border which thickens and grows in time: a liminal phase signifies a period of transition and simulated death, as in African rites of initiation. The threshold is the communitas where people live unfettered by status and in communion (Turner 1990: 96).

Pierre Bourdieu returns to Van Gennep’s theory to better explain it by starting from a unique world vision. Bourdieu notes how, from antiquity to the present day, through Christian mysticism and eastern philosophies, the conception of the universe was based on the principle of the existence of binary opposites. Day follows night as the dry season follows the rains, light follows darkness …. The establishment of order, of culture, presupposes the act of establishing a boundary, a separation and a distinction. If the threshold highlights the distinction — the difference — between things, rites of passage must resolve its crossing and make the unification of opposing entities possible (Bourdieu 1980: 374).

If these rite of passage theories are critized today, it is because of their weak relationship to empirical and material evidence, or even the total absence of such. At the beginning of his work, Van Gennep attributes a specific spatial origin to the rites of passage, which is almost immediately abandoned as spaces become pure idealised constructs (Philippe Bonnin 2000: 65-57). The material and spatial dimensions of passages were left out of the analysis to be replaced by an emphasis on the antiquity of their origins.

This process of the “over-symbolism” of reality is certainly justified from the point of view of the times that produced it. At the beginning of the twentieth century, which saw the publication of Van Gennep’s The Rites of Passage, folklore provided the symbolic framework necessary to legitimate new national identities. Found in all cultures since the beginning of time, rites of passage are thus understood as proof of cultural continuity and the “antidote” to the angst brought forth by modernity. It was necessary to impose an order on the customs collected by folklorists and give them direction, in opposition to the uncertainty of the industrial age.

Insofar as “Tradition” is opposed to “Modernity,” the raison d’être of Van Gennep’s passage is the need for continuity as a necessary condition to fill the void left by the rupture. In this context, the metaphorical scheme of rites of passage risks moving contemporary scholars away from an understanding of various realities rather than helping them towards one. Running counter to this tendency to over-symbolise reality, the authors in this issue give preference to anchoring passages in lived space and time (Belmont 1986: 16). A number of passages were caught within their current turmoil (societies in transition; communities between ancient and modern; individuals at the crossroads of their life; tourist practices, and new forms of immigration; the meaning given to landscape, roads, and frontiers). At the same time this issue contains reflections on the current forms of rites of passage and on passages as individual and collective experiences.

Rites of passage have not disappeared from the current scene: they can be found in new, often unanticipated forms. These days rites have freed themselves from strict forms, and become individualised and privatised (Roberge 2006: 214). They elevate the everyday and the personal by investing them with the significance of the symbols and the values of the collectivity (214). Catherine Arsenault positions herself within this perspective of the perpetuation of rites of passage. By looking at a roast, she analyses retirement parties as secular rites, even if they are not always perceived as such by the participants involved. Nevertheless, everything makes sense as ritual: the structure (the presence of a liminal phase and mourning), speech and language, the staging of the action as dramatic ritual, the distribution of roles, and the manipulation of certain objects.

As for Anamaria Iuga, she re-examines the public/private boundaries that structure the village communities of the Maramureş area of Romania. Built of wood using traditional techniques, the “old- fashioned house” is a site for rites of passage. The “beautiful room” is the most valued part of the house, a focus for domestic and community life. Iuga takes into account not only the transformations produced by modernism but also the tendency of the villagers to keep this particular domestic space as it was. The “beautiful room” thus seems to be a “symbolic mediator” between the interior and the exterior of the house, and between a “before” and an “after” for major celebrations (see Augé 1994: 106 for references to Althabe’s symbolic mediators).

The term “passage” indicates in this case tensions between “tradition” and “modernity,” which can also be found in the articles by Daniela Moisa and Raluca Nagy. The Maramureş region became famous for its archaic quality after the dissemination of folklorists’ and ethnographers’ descriptions and because of government policies lasting from the national period until recently. The region still represents the cradle of Romanianism at its most ancient and conservative in regards to the changes brought by modernity.

Since 1971, the architecture there has changed because of a decree imposed by the Ceaucescu regime, requiring that all new house construction be multi-storey. These systematic measures were imposed by force in all Romanian villages. This was also the case in the Oaş region where Daniela Moisa conducted her research, analysing the history of state intervention during the 1970s. Since that time, the inhabitants of Oaş have engaged in temporary labour migration, investing the money they earn in the construction of large houses built according to prescribed standards.

While this migration was initially confined within Romania’s borders, the situation changed after the fall of communism, when the villagers started to migrate to Western countries. Nevertheless, money continued to be invested in house construction. The “new house” built in a “Western” fashion was favoured at the expense of the “traditional house,” a concrete representation of the idea of success for the villagers, a projection of self, and a means for communicating a newer and higher status through a process of accelerated innovation.

Subject to fashion and competition, the home is perpetually being reconstructed. In contrast to the inhabitants of Maramureş who took to heart the findings of specialists concerning the authenticity and distinctiveness of their region, the inhabitants of Oaş have given in to the standards of modernity, without however completly abandoning their local values. The passage of villagers to the countries of Western Europe was followed by a return to their homeland. The going back and forth between the two places made borders familiar and passage a permanent state (Diminescu 2006).

The reality that Daniela Moisa so thoroughly describes recalls the assertions of George Balandier, that societies in transition or developing societies are characterised by “a dialectic which operates between a (degraded) traditional system and a (dictated from without) new system giving rise to a third sociocultural system, which, though instable, exhibits authentic modernity” (Balandier 1986: 104). Far from having attained a modern third system, the inhabitants of Oaş live instead at the crossroads of their existence, torn between an eagerness for a constant assembly-line transformation and a return to a reconstructed tradition (see Balandier 1986: 109). While the West represents money, the village and, particularly, the home are the contexts for displaying their professional achievements. There is thus the emergence of a dual identity, affirms Moisa, between the modern and the traditional.

Raluca Nagy, meanwhile, shows that the passage is not a rite in and of itself, enacted because it should be enacted but without a reason, knowing neither why it is done nor what it represents (see Bourdieu 1980). Today’s social actors have become conscious of their differences. The social world no longer presents itself as a spectacle solely for the researcher’s gaze: it has become a stage where gazes are multiple and cross each other. Through the interpretation of both tourist practices and migration to the West, Raluca Nagy, in the same region of Maramureş, studies the complex relationships between the actors involved. The tourism they practice is not an economic activity in the strict sense of the term because it is not framed within the context of profitability. It is rather an “improvisation” supported by an exchange of authenticity between locals and foreigners. The former play the part of bearers of an authentic and ancient tradition, a role allotted them in the second half of the nineteenth century by the State, which they offer up to tourists searching for the traditional. The locals who periodically leave to work in the West have taken on the role of mediators, of cultural brokers. Life lived “betwixt” provides them with knowledge and power. Experts on tourists’ expectations, they give themselves the right to correct and guide the “show” of traditional customs.

In another context, Pascal Huot seeks to know if there is a particular form of cultural tourism that lends itself to island cultures. On l’Île aux Grues, in Québec, he identifies elements which constitute the place’s identity markers. The Mid-Lent festival provides the occasion for tourists to cross and be present at a display of identity preservation. However, the word “passage” does not exclusively indicate the act of crossing a boundary, of crossing by boat to arrive at the shore, but also the act of continuing on a straight road, passing alongside the fences and thresholds, without crossing them (Dubost 2000:60).

There is no risk or danger that cannot be overcome, because the resistance to an obstacle generates a new solution, itself containing a new stratagem which, once understood by legal authorities, is abandoned for other behaviours which immediately take its place (Diminescu 2006).

We are involved in a dynamic where breaking down boundaries always follows the appearance of new boundaries. The hope of abolishing borders and the impossibility of doing so informs all the articles in this Passages issue.