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Négocier la transcendance[Notice]

  • Alison Marshall

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Ce numéro thématique, « Négocier la transcendance », aborde de front le problème du contrôle de ce phénomène dans les domaines contestés de l’extase religieuse et du chamanisme. En les passant en revue, il va également à l’encontre des présupposés voulant que ces manifestations ne soient que les dérivés de superstitions ou de croyances religieuses populaires qui seraient inférieures aux expériences des religions officielles. En fait, il est fréquent que, de nos jours, de nombreux occidentaux perçoivent ce que l’on appelle les croyances populaires comme étant supérieures aux religions officielles, voire qu’ils renoncent à ces dernières au profit de la spiritualité « New Age » ou du néochamanisme et de leurs voies pour transcender la connaissance (Heelas 1996 ; von Stuckrad 2002). Cette quête d’une connaissance transcendantale a souvent été décrite comme un désir de retour aux origines dans la compréhension spirituelle du monde (Needham 1985 ; Kehoe 1990). Bien que cela puisse s’avérer vrai pour certains, les auteurs de ce numéro, dans leur recherche de nouvelle(s) compréhension(s), ne discutent pas de la connaissance primitive ou primordiale qui serait transmise dans un lieu donné par une divinité précise, mais plutôt de la pluralité des expériences extatiques et des voies par lesquelles celles-ci apportent de nouveaux modes de compréhension(s). Dans ce numéro, les auteurs recherchent les manières dont les « extatiques », qu’ils soient religieux ou laïcs, ont exprimé et négocié leurs propres expériences de médiums, de chamanes, de danseurs, d’amants ou de guérisseurs. Ces expériences peuvent toutes être dénommées extatiques, en référence à la manière dont une personne devient autre que ce qu’elle est dans la vie de tous les jours, dans des contextes religieux ou laïcs. Lorsque l’on compare les relations d’expériences extatiques dans des contextes religieux différents, certains schémas se dessinent. Ainsi, les protestants américains du début du XVIIIe siècle relataient abondamment leurs expériences religieuses au moyen de motifs narratifs décrivant la manière dont ils avaient été remplis de l’Esprit (Taves 1999 : 3). À l’occasion de leurs danses, les Boschimans !Kung expliquaient qu’ils essayaient de faire bouillir ce qu’ils appelaient num, ou énergie spirituelle, afin de rendre immanent l’esprit nommé kia (Katz 1982 : 46). Souvent, lorsque le kia était immanent, les gens tremblaient. Les lingji de Taïwan pratiquent la méditation et la danse dans le but de faire bouger l’esprit à l’intérieur d’elles-mêmes (lingdong) et lorsqu’elles ont atteint cet état, elles se mettent aussi à trembler (Marshall 2002). Les protestants américains d’autrefois, les Boschimans !Kung et les lingji de Taïwan utilisent un langage spécifique pour exprimer différentes expériences dans lesquels ils se trouvent remplis de l’esprit, font bouillir l’énergie spirituelle et font bouger l’esprit. Tous ces individus peuvent être définis comme des « extatiques » qui partagent une expérience de l’extase et sont transformés de manière variable par les esprits. Bien que le terme « extatique » soit commode pour englober les similarités entre religions de traditions différentes, il a fait l’objet de critiques dont nous devons discuter. Roberte Hamayon résume les problèmes que l’on peut rencontrer lorsque l’on utilise des termes tels que « extase » ou « chamane » à propos d’un individu n’étant pas par tradition un chamane sibérien (1998). De nos jours, le terme « chamane » est presque universellement utilisé sans réelle intention de référence à quiconque entre en transe, ou en extase, ou dans un état altéré de la conscience, qu’il soit guérisseur ou possédé. Lorsque j’ai demandé à mes étudiants de troisième année de premier cycle, dans le cours Religions de l’extase dans les traditions mondiales [Ecstatic Religions in World Traditions] de répondre …

Parties annexes