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Vestiges de l’indiscipline. Environnements d’art et anarchitectures. Par Valérie Rousseau. (Gatineau, Musée canadien des civilisations, « Collection Mercure, Études culturelles » no 81, 2006, Pp. 193, ISBN 9780660972329)[Notice]

  • Valérie Roussel

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  • Valérie Roussel
    Université Laval

Forme d’art insoupçonnée, et qui échappe par ses dimensions temporelle, spatiale et philosophique à la catégorisation, les environnements d’art se différencient peut-être trop des oeuvres d’art classiques pour faire partie de notre imaginaire culturel collectif. S’il n’est pas envisagé dans le livre de décrire les environnements d’art comme une forme plus grandiloquente d’expression de soi, il n’en reste pas moins que le nombre d’artistes dont le support des pulsions créatrices s’est étendu à l’espace domestique et aux cours arrière et avant, est limité, ce qui confirme une certaine rareté. D’un autre côté, cette rareté est parfois source d’éloquence, si l’on se fie à Vestige de l’indiscipline. Environnements d’art et anarchitectures. L’auteure de l’ouvrage, Valérie Rousseau, est doctorante en histoire de l’art à l’UQAM et a fondé la Société des arts indisciplinés (SAI). Le discours qu’elle développe dans Vestige de l’indiscipline est spécialisé et mis à l’épreuve d’une ethnologie de l’art indiscipliné. Il n’est pas un instant où la réflexion de l’auteure s’arrête pour catégoriser ou figer dans le temps l’oeuvre d’un artiste dont de toute manière on connaît mal le passé, et dont on ignore l’avenir et les intentions. En fait, nous découvrons que les créateurs d’environnements d’art sont d’autant plus mystérieux qu’ils évitent en tout point d’embrasser les lieux communs de la vie artistique qui seraient susceptibles de les rendre sans doute trop lisibles. La visite des environnements d’art est celle d’une ethnologue sur les terres d’un voisin chez qui il y a encore beaucoup à saisir, à observer. C’est ainsi que Valérie Rousseau tente d’habiter quelques instants les univers d’une multitude d’artistes qui, au-delà de leurs personnalités différentes, ont souvent en commun le choix de s’être reclus dans leur chez-soi microcosmique, de s’être bâti ce que l’auteure appellera leur “paradis”. Ils sont indépendants et même souverains pontifes dans le cas de l’artiste Palmerino Sorgente, le pape de Montréal. C’est donc l’usage du regard distant sur les univers artistiques d’un groupuscule méconnu et profondément à part qui vient caractériser la partie ethnographique du livre et, disons-le, la connaissance qu’a Rousseau de l’anthropologie du processus créatif est mise au service d’une ethnographie définitivement humanisante. Le livre lui-même, de 190 pages, n’est pas un ouvrage qui peut prétendre à l’exhaustivité en la matière. Les pages 55 à 135 contiennent les photos des créations de huit artistes. Ces pages séparent la première partie, celle des ethnographies, et la partie plus réflexive du livre. On comprendra que l’espace important occupé par les photographies prises par Rousseau et Richard-Max Tremblay se justifie par l’intention chez l’auteure de préserver et diffuser la mémoire de ce patrimoine culturel. Si elles peuvent nous être offertes comme des visites libres, complètes et éphémères, c’est parce que les présentations des environnements d’art sont vraisemblablement étoffées de la longue expérience de l’auteure avec les créateurs des sites et des nombreuses discussions qui ont pu avoir lieu entre eux durant ses années de recherche sur les environnements d’art (1996 à 2004). Bien davantage qu’une description esthétique de chaque site, le lecteur a droit à un exposé ethnographique allant entièrement dans le sens du concept de profondeur de la culture : social, psychologique, esthétique, personnel, linguistique, historique, et toutes ces catégories sorties de la subjectivité à la lecture d’un contenu ethnographique aussi dense. Les sept portraits des huit artistes passent d’abord par quelques éléments biographiques marquants de leur vie. La démarche ethnographique inductive de Valérie Rousseau est un va-et-vient entre un discours de l’intérieur humain et celui de l’extérieur technique. Elle s’approprie le langage de l’artiste, fait ressentir sa présence ou son absence, décrit les environs, les créations, les gestes qui ont …