Comptes rendusReviews

Jean-Nicolas De Surmont (dir.) et Serge Gauthier (coll.). « M’amie, faites-moi un bouquet… » Mélanges posthumes autour de l’oeuvre de Conrad Laforte. (Québec, Les Presses de l’Université Laval/Éditions Charlevoix, 2011. Pp. 331. Coll. « Archives de folklore ». ISBN : 978-2-7637-9527-0)[Notice]

  • Bertrand Bergeron

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  • Bertrand Bergeron
    Ethnologie, Université Laval

On me pardonnera de rogner sur l’espace qui m’est imparti afin d’apporter mon humble témoignage au récipiendaire de ces Mélanges. Luc Lacourcière m’avait recommandé à Conrad Laforte pour compléter des informations au sujet d’un conte que j’avais recueilli, AT 939A, Babylas, qui reprend le scénario du « Fils assassiné » dont parle Ronald Laberge à propos de son informateur, Allain Kelly (259). Je frappai à sa porte et je le découvris, petit homme discret assis derrière un énorme bureau, au milieu d’un écrasant amoncellement de livres. L’image qui m’en est restée est celle d’un moine dans le scriptorium de son monastère. Plusieurs années plus tard, je suivis son séminaire sur la chanson folklorique. Il se montrait un professeur méticuleux, précis, qui ne se laissait pas facilement distraire de son sujet. Dans ses rapports personnels, il se révélait un pince-sans-rire, ce qui contrastait avec le ton sérieux et sobre de son enseignement. Je le revis une dernière fois au tournant du présent siècle. Il m’annonça la publication prochaine de ses Contes scatologiques de tradition orale, ce qui, je dois l’avouer, me surprit un peu. Aujourd’hui, je mesure la pertinence des propos d’Hélène Gauthier, son épouse, à Jean-Claude Dupont : « Méfiez-vous des charbons qui dorment sous la braise » (47). Ce « bouquet » que lui présentent Jean-Nicolas De Surmont et ses 18 collaborateurs, bien qu’il soit une offrande posthume, doit réjouir celui qui poursuit désormais ses recherches dans le ciel des ethnologues, si une telle demeure existe dans la maison du Père. Choix judicieux que ce titre qui rappelle la prédilection du récipiendaire pour ce thème médiéval tout en s’inscrivant dans le prolongement des confidences qu’il a livrées à Jean-Pierre Pichette (19-43). Ce bouquet résulte d’un choix équilibré entre les témoignages personnels, les terrains d’enquête, la description, l’analyse, l’archivage, le catalogage et l’approche complémentaire avec des domaines connexes (histoire, littérature, chanson signée). Dans sa Présentation, De Surmont expose son projet éditorial de manière élaborée, réussissant à condenser de manière claire l’apport de chacun des auteurs conviés à cet hommage, traçant avec précision la ligne qui va de l’un à l’autre (9-13). Les 18 contributeurs des Mélanges, si on excepte le directeur, se répartissent presque également dans les huit parties qui divisent l’ouvrage, sauf pour la dernière, comblée par l’unique contribution de Roger Pinon, qui analyse le corpus de La ronde des remèdes refusés (301-322), qu’on retrouve de part et d’autre de la Grande Mare (l’océan Atlantique). D’enquêteur, Conrad Laforte, dans la première partie, adopte la posture d’« enquêté » à un double titre. Par son témoignage personnel d’abord, livré à Jean-Pierre Pichette qui a eu l’heureuse idée de diviser les confidences recueillies par des titres et des vers de chansons folkloriques. Ces confidences sont suivies du témoignage d’un compagnon de longue route, Jean-Claude Dupont (45-47), qui met en évidence les qualités de loyauté et de ténacité que personne, l’ayant bien connu, ne lui disputera. Prenant du recul malgré son amitié de longue date, Benoît Lacroix examine, en ethnographe, pourrait-on dire, le travail d’ethnologue de Conrad Laforte. L’observateur qui s’observait en se confiant à Jean-Pierre Pichette devient à son tour l’observé. Y sont analysés les « objectifs entrevus » (51), les « considérations méthodologiques » (54) et les « motivations » (58) de cet éminent chercheur. Cette partie consensuelle s’ouvre, en second .lieu, sur des considérations historiques qui mettent en perspective les recherches menées par Conrad Laforte. Il en ressort que « loin d’être un chercheur isolé [ce dernier] s’inscrit dans un vaste mouvement de recherche ethnographique entamé dès le XIXe siècle » (Ludivine Isaffo, p. …