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Habib Saidi et Sylvie Sagnes (dir.). Capitales et patrimoines à l’heure de la globalisation. (Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2013. Pp. 426. ISBN 978-2763797557)[Notice]

  • Boualem Kadri

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  • Boualem Kadri
    Université du Québec à Montréal

La question de la capitale, forme territorialisée du pouvoir d’un État et lieu de concentration des divers pouvoirs (économique, politique, culturel), est un objet scientifique peu exploité, notamment en contexte de mondialisation, lequel privilégie le processus de métropolisation des villes et leur mise en réseau, permettant ainsi d’échapper à l’emprise des États. Au moment où cette mondialisation portée par les marchés (économique et financier) et les métropoles impose ses règles aux États et à leurs capitales, l’ouvrage Capitales et patrimoines à l’heure de la globalisation, sous la direction de Habib Saidi et Sylvie Sagnes, fruit d’un colloque international, redonne sa place à la question de la capitale en observant l’interaction capitale-patrimoine dans l’affirmation d’un État. L’ouvrage présente de façon remarquable cette interaction dans une perspective anthropologique, mais sans déroger à une multidisciplinarité nécessaire pour comprendre cette dynamique. Il s’ouvre sur une mise en contexte de la problématique suivie de trois parties consacrées à l’analyse de cas de capitales. La mise en contexte de la problématique, composée des textes de Daniel Fabre, d’ Habib Saidi et de Sylvie Sagnes, nous introduit dans les champs historique, conceptuel et sémantique de la notion de capitale. Cette dernière se dévoile comme l’expression de deux temporalités, celle du passé (la capitale comme expression d’une histoire et d’un pouvoir) et celle d’un futur (la capitale comme lieu d’une modernité urbanistique) (Daniel Fabre). Mais la notion de capitale ne peut être enfermée dans la seule dimension temporelle. Il s’agit d’une notion polysémique (politique, religieuse, militaire), comme le font observer Habib Saidi et Sylvie Sagnes, saisie notamment à travers la langue arabe qui la présente comme « un corps collectif » personnifiant le souverain et exprimant le politique en action. Traversant les siècles, cette représentation du pouvoir suprême montre la soumission des autres villes à un ordre hiérarchique, alors que la mondialisation impose l’interconnexion des territoires et leur mise en réseau par les fonctions économique, touristique et culturelle. « Est-ce la fin des capitales », face à une multiplication des centralités ? Selon Habib Saidi et Sylvie Sagnes, « il y a un autre temps des capitales », mis en relief par les mutations liées au patrimoine et illustrées par la diversité de cas internationaux présentés dans les parties 1, 2 et 3 de l’ouvrage, selon les thématiques suivantes : la capitale comme expression de l’État-nation et son rapport au patrimoine, la capitale comme modèle d’universalité et son affirmation par le patrimoine, et l’éclatement du fait patrimonial et ses incidences sur la relation capitale-patrimoine. Dans la première partie, la relation urbanisme-patrimoine est analysée comme un processus important participant à l’affirmation d’une capitale, d’un État, d’une nation, à travers divers cas : d’abord celui de Washington, analysé à travers le processus de célébration du centenaire de 1900 fondée sur la transformation de l’espace et sa modernisation (Hélène Harter), ensuite celui des villes-capitales méditerranéennes, notamment arabes, dont le besoin de se moderniser se heurte à une valorisation patrimoniale non partagée par tous les acteurs (Jean-Luc Arnaud), puis celui des capitales comme Paris et Berlin qui ont besoin de recourir à la reconstruction de leur patrimoine afin de « redorer leur aura » et de construire une unité (Bérénice Waty). Viendront par la suite les cas des villes ayant connu des conflits et dont le pouvoir central est ressorti affaibli (par exemple Beyrouth), qui voient leur patrimoine être approprié par divers acteurs (promoteurs, associations, propriétaires) et qui expriment davantage un attachement au lieu de vie qu’à la dimension de la capitale nationale (Sophie Brones), et finalement celui de la ville-capitale du Caire où l’on observe surtout une interaction locale-nationale-internationale du …