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Les communautés et cultures formées depuis l’expérience de l’esclavage dans les Amériques ont ceci en commun que leurs individus, en particulier ceux et celles qui vécurent la captivité, furent soumis à différentes formes de déshumanisation : il faut penser à la violence de la situation de captivité, aux diverses idéologies faisant des esclaves des objets de marchandages malléables et enfin, aux humiliations multiples, dont celle, fondamentale, du déni d’humanité. L’expérience de la sous-humanité attribuée des esclaves des pays d’Amérique du Sud, du Nord, des Antilles, transmise à travers les générations de captifs et d’affranchis fut le terreau d’élaborations culturelles complexes et plurielles, en chaque lieu unique, investies dans des sphères elles aussi multiples : les religions élaborées entre autres à partir de la mémoire Yoruba furent certes un lieu fondateur de création et surtout de recréation de l’Afrique en terre d’Amérique comme l’a si bien montré Bastide (1966) mais aussi plus récemment Olupona (2008). Des religions comme la santeria de Cuba, le vodou haïtien, le candomblé brésilien, pour ne nommer que ces dernières, furent entre autres au centre de la formation des cultures afro-américaines, cela parce qu’elles se sont construites en offrant un espace de résistance, de protection et d’identité pour ceux qui, injustement, furent niés même jusque dans leur identité d’humain. Leurs mots, leurs icônes, leurs images, leurs récits, leurs rythmes, leurs couleurs, leurs esthétiques traversent les cultures noires des Amériques. Les espaces sociaux et culturels de rencontre, avec tout ce que cela a comporté de violence, entre les sociétés et économies esclavagistes et les esclaves de la traite atlantique, par exemple dans les plantations, furent également le lieu d’hybridations culturelles (Glissant 2007) qui perdurent aujourd’hui. Elles ont donné lieu au jazz, à la samba, au gospel, aux carnavals de la Nouvelle Orléans ou de Rio, à la capoeira; ces hybrides vont même jusqu’à être pensés par les tenants du Tout-Monde, dont bien sûr Glissant, en tant qu’avènement de nouveaux « faits de civilisation ». Créées dans la marge et dans la douleur, elles ont permis la cohabitation de la transe, les débordements carnavalesques, les chants nostalgiques et mystiques, et tant de catégories produits d’infinis métissages, toutes formes de transcendance de cette expérience commune qui fut celle de la déshumanisation. On peut en dire de même des lieux où partout se sont retrouvés les fugitifs et les affranchis : territoires de quilombo, de marronnage et autres. De nombreuses formes de productions culturelles se sont trouvées, au fil du temps, au rendez-vous. Depuis lors, la musique, la danse, les fêtes, la littérature, le cinéma, et plus récemment, différentes formes de manifestations d’art urbain montrent l’immense vitalité des déploiements des cultures entre autres élaborées dans le contexte de l’héritage, direct ou indirect, de l’esclavage. Ces formes artistiques sont porteuses d’un message clef : même réduits à la sous-humanité, les esclaves et leurs héritiers ont sans cesse été les acteurs de leur vie et de leur avenir, au-delà des limites des conditions de vie les plus précaires du plus grand nombre. Jadis oubliés de la modernité des révolutions françaises et américaines, aujourd’hui le plus souvent laissés aux marges des cités des grandes villes des Amériques, bidonvilles, ghettos et favelas, ils ont, malgré cela, frayé le chemin d’un autre Nouveau Monde. Leur influence est immense et pénètre définitivement les cultures de masse. Leurs traces et leurs oeuvres en témoignent.

Nous avons voulu traiter dans ce numéro du rapport plus particulier à l’autoreprésentation par les images, cela à travers le cinéma, la vidéo, la littérature, la bédé, en même temps qu’à travers ces images puissent se concentrer en elles, des formes d’art telles que le théâtre, la musique, la danse, sans oublier les grandes manifestations populaires que sont les carnavals. Lors de terrains effectués au Brésil, nous avons été frappés par l’importance constante de l’image : la photo et la vidéo occupent dans le champ culturel afro-brésilien une place remarquable. Ce sont des moyens accessibles, il faut le dire, et qui permettent à ceux qui les manipulent un travail qui donne place à la réévaluation des représentations du passé et à la création de nouveaux patrons culturels que l’on veut plus conformes à la réalité vécue. On ne compte plus les projets qui associent collecte de récits de vie, photographie sociale et vidéo aux fins de la mémoire locale des favelas et visant à valoriser aux yeux des participants l’image qu’ils ont d’eux-mêmes. Ce phénomène, loin d’être étranger au Brésil, est certes lié au problème de reconnaissance et de visibilité des milieux les plus pauvres et de leurs habitants au sens où l’entendent Honneth (2000) et Renault (2001) : pour ceux qui furent invisibilisés parce que déshumanisés (Saillant et Araujo 2007), l’apparition dans l’espace public, au sens propre comme au sens figuré, est une condition sine qua non de la resubjectivation amorcée un peu partout au moins depuis la fin des esclavages. Il se peut bien que le succès de la mise en image, même inflationniste, ait à voir avec ce désir de la « juste apparition » dans l’espace public.

La re-figuration des identités et leur exposition publique par l’image, c’est ce que nous nommons ici performativité des identités. L’image est au fond le medium de cette performativité laissant aux auteurs la possibilité de se créer une figure ou des figures d’identités, des propositions culturelles, cela à partir d’une matrice commune, celle de la mémoire de l’esclavage, liant plus ou moins explicitement, passé africain, ancrage dans le Nouveau Monde, formations culturelles à la fois hybrides et originales, et expérience du présent. Les propositions culturelles ramènent au premier plan divers thèmes tels que présence africaine en terre d’Amérique et imaginaire de l’Afrique, identité diasporique, récits collectifs, mais aussi fierté, affirmation et renouvellement. Le médium qu’est l’image permet d’opérer passage entre la narration pure que ferait le simple récit et l’expressivité performative de la mise en spectacle et à partir de là, rend possible (matérialise) la re-figuration négociée des identités. Cette négociation fondamentale au coeur du processus performatif place les sujets noirs en tant qu’auteurs et créateurs de leur représentation, en appelant à la resubjectivation par l’autoreprésentation. On y met en scène des versions multiples des identités noires, ce que nous appelons dans ce numéro les « figures noires ».

C’est dans cet esprit que Bogumil Jewsiewicki propose une lecture libre de l’héritage d’Aimé Césaire. Rappelant l’immensité de son travail, il nous amène à penser qu’ « en Occident, à l’ombre de l’héritage de la déshumanisation, il s’agit de la présentation de l’absent puisque, le sujet qui s’(auto)représente doit tout d’abord déchirer le voile (quand ce n’est pas carrément briser le mur) de l’ignorance et du préjugé », mais aussi du « droit à se donner à la vie dans l’espace public » (Jewsiewicki, ce numéro).

Le texte de Katell Colin est une exploration approfondie des stéréotypes concernant les Africains dans la littérature antillaise ; il est assimilé à l’animal, à la brutalité, à la cruauté, à l’incomplétude et à l’infantilisme dans une littérature pourtant travaillée par des auteurs afrodescendants. La littérature antillaise est reconnue pour nombre de ses auteurs, Césaire en tête, comme un lieu de création et de théorie postcoloniale, et pourtant, il n’en fut pas toujours ainsi et le stéréotype persiste et signe. « L’Africain est devenu, en l’espace de quelques siècles, l’Autre de l’Antillais – un Autre irréductible au Soi » (Colin, ce numéro). Il s’agit en fait d’un refus de l’origine et d’un miroir insupportable, d’où le rejet de l’Autre qui est Même, puis la mise en chantier de la littérature de la créolité, suivi d’une sorte de « vivre-avec » cette part africaine de l’identité antillaise. Accommodement et assumation, mais aussi réaction à l’abandon et à la douleur qui fut celle d’être esclave puis aujourd’hui héritier d’un continent qui provoque chez les fils de ses ancêtres une ambivalence qui ne cesse d’intriguer. La question de la possibilité et des impossibilités de l’autoreprésentation se pose, et ce type de littérature en illustre, certes, les paradoxes.

Trois contributions (Saillant, Simonard, Araujo) ouvrent sur des formes culturelles donnant justement voix et présence à ceux qui sont, au Brésil, les héritiers de quatre siècles d’esclavage. Dans un texte portant sur le récit d’une mère de saint d’un terreiro de la périphérie de Rio de Janeiro, haut lieu du candomblé dans cette région, Francine Saillant relate une expérience théâtrale inédite, celle du navire négrier : on y met en scène des enfants d’une école également dirigée par cette mère de saint et des membres de sa famille qui revivent, par la fiction, le départ, la traversée et l’arrivée des esclaves au Brésil. Le coeur du récit en est un de requalification des victimes de l’esclavage qui sont présentées comme des sujets auteurs de leur propre histoire. La narration propose une vision du Brésil qui place l’héritage africain comme fondamental, et l’esclave africain comme un colonisateur positif qui a su apporter au pays sa culture, ses symboles et ses dieux. Le récit de l’arrivée des esclaves est un récit inversé par rapport aux schémas traditionnels car il met de l’avant la conquête de la liberté et de la dignité. La présence des entités protectrices que sont les orixás, ancêtres divinisés, est constante dans le récit et offre des clefs de compréhension des stratégies de résistance qui ont été celles des Afro-Brésiliens au cours des siècles, en particulier celles des adeptes du candomblé. Cette pièce de théâtre, qui est aussi une activité éducative, est reprise dans des écoles de la région et du centre de Rio et a même fait l’objet d’un film (Saillant et Simonard 2009). L’analyse du travail sur le jongo proposée par Pedro Simonard va dans le même sens. Les esclaves des plantations de café de l’État de Rio de Janeiro et au-delà ont développé des formes culturelles et religieuses originales, en particulier l’art du jongo, une danse et des chants typiques de cette région. Depuis une dizaine d’années, se développe une forme de jongo en tant qu’art en pleine revitalisation, spectacle et stratégie de survivance des milieux ruraux, notamment des quilombos. Les communautés jongueiras, en plus de danser, développent des produits culturels tels que des livres cd, lesquels mettent en images ceux qui, il n’y a pas si longtemps encore, étaient voués à la disparition. Le troisième texte qui s’ajoute à ces exemples brésiliens est celui d’Ana Lucia Araujo. L’auteure se penche sur la représentation de l’Afrique dans le carnaval de Rio de Janeiro. L’Afrique y est imaginée comme le continent mère dans le contexte d’une appropriation primoridaliste de nombreuses formes d’art attribuées aux Afro-Brésiliens, un mouvement proche de celui qui marqua plus tôt le mouvement des droits civils aux États-Unis. “As a modern space of recognition of africanity, it is also a modern area that rebuilds those peoples and cultures that had been disrupted and devalued by the slave trade” (Araujo, ce numéro). Tout comme dans le théâtre du Navio Negreiro de la mère de saint dont Saillant fait l’analyse, le défilé du carnaval devient une manière de reformuler l’histoire de l’esclavage et avec elle celle des Brésiliens et de la Nation toute entière. Et c’est bien d’une autoreprésentation dont il s’agit, tant dans le jongo, dans le théâtre que dans le carnaval puisque chacun se met lui-même en scène au coeur de sa propre histoire tout en s’attribuant des valeurs et des significations nouvelles.

Alors que les trois cas brésiliens nous amènent vers des déplacements à l’intérieur de traditions établies, les études de Truchon et aussi de Boudreault-Fournier nous sortent de ce créneau pour nous faire pénétrer le monde de la production vidéo et de nouvelles formes de création. Dans ce cas, l’autoreprésentation se développe en situation à la fois expérimentale et de co-production, plaçant chercheurs et vidéastes, des jeunes, en situation de collaboration et de créativité. Il s’agit de modalités radicales de penser le film ethnographique puisque les deux chercheures ne sont pas en quête d’une vérité ethnographique pure que capterait la caméra objectivante mais plutôt d’une éthique de la représentation. L’une d’elles intègre par l’intertextualité les styles du rap cubain dans l’écriture filmique elle-même ; “it is a history of how visual anthropologists have developed alternative strategies to deal with the notion of otherness and intercultural experiences in considering the ethics of representation” (Boudreault-Fournier, ce numéro). La seconde contribution nous montre les enfants immigrants montréalais en situation de pluriculturalité en tant qu’auteurs et co-auteurs de vidéos à propos de leur représentation de l’Afrique et de leur manière de la conter, cela par le digital storytelling (Truchon). Témoignant de la convivance, « Ce n’est pas tant l’Afrique qui est mieux connue mais Fako, l’Africain qui vit maintenant au Québec et que tous les participants apprécient ». Encore une fois, c’est à une autoreprésentation que l’on nous convie, cette fois-ci expérimentale mettant en scène des jeunes en quête de leurs images et de leurs styles, mais aussi de leur reconnaissance et de leur juste place dans le monde. La co-écriture vidéographique avec des techniques intertextuelles de montage d’une part, et le digital storytelling d’autre part, permet de dépasser les formes traditionnelles de la narration en se situation au plus près des cultures de jeunes en présence. C’est dans la continuité de ce débat que nous entrons avec le travail de Mohammed Boukala, au coeur du 9ième art. La bande dessinée exécutée par un Gabonais, Pahé, se présente comme une autobiographie fusionnant auteur, narrateur et personnage. Pahé s’écrit, s’auto-dessine. Pahé ne se définit pas lui-même dans l’ethnique ou dans le problème social, il ironise, se fait ludique, il ne fait pas non plus le jeu d’être le Noir, l’Immigré ou le l’Africain : il prend la parole et l’image, il prend la parole par l’image. Il est comme le suggère Boukala, le Fanon de la Bd en même temps qu’il performe son identité et échappe aux genres établis et trop attendus.

Le dernier article de ce numéro nous ramène vers l’Afrique, d’où nous sommes partis avec les propos de Bogumil Jewsiewicki. La présentation des perspectives du cinéma de Ousmane Sembène par Jean Jonassaint, du regard d’un cinéaste à la fois local et de réputation internationale, nous permet de repenser certains des aspects du cinéma ethnographique, ce qui n’est pas sans conséquences. Un tel cinéma, dont fut celui de Jean Rouch avec qui Ousmane Sembène entretenait un débat de perspectives et de méthodes, se réclame de l’autorité ethnographique sur le droit aux images sur l’autre. Ce cinéma, loin des essais des jeunes anthropologues qui participent à ce numéro (Truchon, Boudreault-Fournier), ne questionnait pas, ou si peu, cette question de l’autoreprésentation, non encore advenue sur le terrain où on opérait alors. C’est justement par l’avènement du cinéma d’art, que des artistes africains ont produit des oeuvres significatives les mettant eux-mêmes en scène en Afrique et non pas par l’intermédiaire de l’ethnographie. L’anthropologie endotique africaine, au sens où nous l’entendons en Occident, n’existait point. Ce n’est donc que par d’autres avenues de recherche que la question pouvait être posée. C’est en ceci que l’article de J. Jonassaint est une contribution majeure, en même temps qu’il nous laisse en attente sur une intrigue : l’autoreprésentation qui passe par la fiction, c’est le cas de la totalité des articles à teneur ethnographique de ce numéro, est-elle porteuse de vérité anthropologique et si oui de quelle vérité ? À travers leurs diverses postures, des études d’oeuvres de fiction aux co-production d’oeuvres de fiction, en passant par la rescénarisation et la patrimonialisation du soi collectif, plaçant à chaque fois l’image (photo, vidéo, autres formes de création) au coeur des processus déployés, analysés et exposés, chacun des auteurs offre une réponse singulière à cette large question. Ajoutons qu’une sélection des images traitées dans ces textes sont insérées dans le numéro tandis que les vidéos seront accessibles via l’internet dès la parution de la version numérique[1].

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The communities and cultures that emerged out of the experience of slavery in the Americas have in common the fact that they are made up of individuals, specifically those who experienced captivity, who were subjected to various forms of dehumanization, such as the violence inherent in the captivity situation, the various ideologies that turned slaves into compliant commodities, and lastly, the numerous humiliations, the most fundamental of which was the denial of their humanity. The experience of the “subhumanity” attributed to the slaves in North and South America, and in the Caribbean, and transmitted through generations of captive and enfranchised individuals, was the breeding ground for complex and varied cultural productions, unique to each place and invested in various spheres: the religions based on Yoruba memory were indeed a founding place for the creation and above all for the recreation of Africa in America, as Bastide (1966), and more recently Olupona (2008) have so convincingly showed. Religions like Cuban santeria, Haitian voodoo, and Brazilian candomblé, to name but a few, were at the heart of the formation of Afro-American cultures; they developed by offering a space of resistance, protection and identity for those whose identity, even their identity as humans, was unjustly denied them. Their speech and colour, their icons, images, and narratives, their rhythms, and aesthetics are found throughout the black cultures of the Americas. The spaces of social and cultural encounters, with all the violence these entailed, between the slave societies and economies, and the Atlantic slave trade, on the plantations, for instance, were also places of cultural hybridization (Glissant 2007) that still persist today. They have given rise to jazz, samba, gospel, capoeira, and the carnivals of New Orleans or Rio; these hybrids are even considered by the proponents of the “Tout-Monde”, including of course Glissant, as the manifestation of new “features of civilisation”. Created on the fringe and through suffering, they allowed the cohabitation of trance, carnivalesque excesses, nostalgic and mystic songs, and many other results of endless crossbreeding, all ways of transcending this common experience of dehumanization. The same can be said of the places where the fugitives and the enfranchised met: territories of Quilombos, Maroons, and others. Various forms of cultural production developed over time. Hence music, dance, festivities, literature, cinema, and more recently manifestations of urban art, are witnesses to the incredible vitality of the cultures marked directly or indirectly by the legacy of slavery. These artistic forms carry a key message: even when reduced to subhumanity, slaves and their descendants have never ceased to be the agents of their own lives and future, overcoming the limitations of their precarious living conditions. Formerly excluded from the modernity of the American and French revolutions, and today most often relegated to the fringe areas of the big American cities: slums, ghettos, and favelas, they did however elbow their way into another New World. Their influence is immeasurable and has definitively pervaded mass culture, as their traces and works amply testify.

It was our intention in this special issue to deal more specifically with self-representation through images, namely through cinema, videos, literature, comic books, as well as with the possibility that these images could distill art forms such as drama, music, dance, as well as important popular events such as carnivals. While doing fieldwork in Brazil, we were struck by the centrality of images: photographs and videos occupy a very important place in Afro-Brazilian culture. They are, we must remember, affordable means that allow those who work with them to focus on the reassessment of representations of the past and on the creation of new cultural patterns, that one hopes are more closely tied to reality. Numerous projects are involved in simultaneously collecting narratives, social philosophies, and videos recording the local memory of the favelas, and aimed at valorizing the image that the participants have of themselves. This phenomenon, far from being foreign to Brazil, is undoubtedly linked to the issues surrounding the recognition and visibility of the poorest neighbourhoods and their inhabitants, as shown by Honneth (2000) and Renault (2001): for those who were rendered invisible as a consequence of their dehumanization (Saillant and Araujo 2007), the appearance in public spaces, both literally and figuratively, is a condition sine qua non of the resubjectivation that has taken place everywhere, at least since the end of the various forms of slavery. It could well be that the success of the image-making, even if exaggerated, has something to do with this desire to “make an appearance” in public spaces.

The re-presentation of identities by their public exhibition through images is what we call here the performativity of identities. Images are basically the medium of this performativity in that they allow their authors to create one or several representations of identity, as well as cultural proposals, from a common matrix, that of the memory of slavery, by linking more or less explicitly an African past, the setting down of roots in the New World, both original and hybrid cultural formations, and present experience. These cultural proposals foreground various themes, such as the African presence in America, the African imaginary, identities of diasporas, collective narratives, but also pride, affirmation and renewal. The medium that is the image allows the passing between the pure narration offered by mere storytelling and the performative expressivity of its staging, and from there it makes the negotiated refiguration of identities possible. This fundamental negotiation which lies at the core of the performative process, presents black subjects as agents and creators of their representation by calling for a form of resubjectification though self-representation. Various versions of black identities are investigated, which is what we refer to as “black images” in this issue.

It is in this sense that Bogumil Jewsiewicki offers a liberal reading of the legacy of Aimé Césaire. By insisting on the importance of his work, he invites us to consider that “en Occident, à l’ombre de l’héritage de la déshumanisation, il s’agit de la présentation de l’absent, puisque le sujet qui s’ (auto)représente doit tout d’abord déchirer le voile (quand ce n’est pas carrément briser le mur) de l’ignorance et du préjugé”, but it must also allow one the “droit à se donner à la vie dans l’espace public” (Jewsiewicki, this issue).

Katell Colin’s contribution is a deep exploration of the stereotypes about Africans in Caribbean literature; they are equated with animals, with brutality, with cruelty, with non-fulfillment, and infantilism, in a literature that has nonetheless included authors of African descent. The literature of the Caribbean is recognized by a great number of its authors, Césaire in the lead, as a place of creation and post-colonial theory, but it has not always been so, and stereotypes persist. “L’Africain est devenu, en l’espace de quelques siècles, l’Autre de l’Antillais – un Autre irréductible au Soi” (Colin, this issue). This involves in fact a denial of one’s origins and a denial of this unbearable mirror, hence the rejection of the Other who is the Same, the construction of Creole literature, followed by a form of “living with” this African component of Caribbean identity. Accommodation and acceptance, but also a reaction to abandonment and to the suffering experienced as slaves, and today as heirs to a continent that engenders in them an intriguing ambivalence. The question of the possibility and the impossibilities of self-representation is at stake, and this kind of literature does indeed illustrate its paradoxical nature.

Three contributions (Saillant, Simonard, Araujo) look at cultural forms that give a voice and a presence to the people who are, in Brazil, the heirs to four centuries of slavery. In an article dealing with the narrative of a mother of saint, in a terreiro located in a suburb of Rio de Janeiro, and a rallying point of candomblé in the area, Francine Saillant focuses on an original theatrical experience, that of the slave ship (Navio Negreiro): the actors are the children who attend a school run by the mother of saint, combined with her family members, who thus relive, through fiction, the departure, the journey, and the arrival of the slaves in Brazil. At the heart of this narrative lies the requalification of the victims of slavery who are regarded as the author-subjects of their own history. The narrative offers a vision of Brazil that places the African legacy as fundamental, and presents the African slave as a positive colonizer who managed to bring his culture, his symbols and his gods with him to his new country. The narrative relating the arrival of the slaves is one that is inversed in comparison with traditional patterns, for it foregrounds the conquest of freedom and dignity. The presence of protective entities, the orixás or deified ancestors, is a constant in the narrative, and provides the key to understanding the resistance strategies of Afro-Brazilians through time, especially those of the devotees of candomblé. This play, which is also an educational activity, is being presented in several schools in Rio and its vicinity. It has also been the subject of a film (Saillant et Simonard 2009).

In a similar vein is the analysis of the jongo proposed by Pedro Simonard. The slaves who worked on the coffee plantations in the State of Rio and beyond developed original cultural and religious forms, specifically the art of the jongo, a dance and songs typical of the region. For ten years, the jongo has increased in vitality, developing as an art form, a show, and a survival strategy in rural regions, and specifically in quilombos. The jongeira communities do more than just dance; they also produce cultural materials such as books and cds representing those who, until recently, were doomed to extinction.

The third article that completes these Brazilian examples is that of Ana Lucia Araujo. She looks at the portrayal of Africa in the Rio de Janeiro carnival. Africa is imagined as a motherland in the context of a primordial appropriation of numerous art forms attributed to Afro-Brazilians, a movement akin to that which earlier influenced the civil rights movement in the United States. “As a modern space of recognition of Africanity, it is also a modern area that rebuilds those peoples and cultures that had been disrupted and devalued by the slave trade” (Araujo, this issue). As did the play about the Navio Negreiro by the mother of saint analysed by Saillant, the carnival parade becomes a way to reformulate the history of slavery as well as that of Brazilians and of the entire nation simultaneously. We are indeed dealing with self-representation through the jongo, drama, and the carnival since each and every one gives him/herself the starring role at the center of his or her own story, while assigning themselves new values and meanings.

While the three Brazilian cases lead us to consider several shifts within established traditions, the contributions of Karoline Truchon and Alexandrine Boudreault-Fournier allow us to penetrate the world of video production and new forms of creative activity. In this case, self-representation develops simultaneously as an experiment and as a coproduction, where researchers, video producers and young people collaborate and create. They represent radical ways of considering ethnographic filmmaking, since these two researchers are not looking for a pure ethnographic truth that the camera can capture but are rather seeking an ethic of representation. Boudreault-Fournier integrates the styles of Cuban rap into the actual filmic writing process through intertextuality; “it is a history of how visual anthropologists have developed alternative strategies to deal with the notion of otherness and intercultural experiences in considering the ethics of representation” (Boudreault-Fournier, this issue). Truchon deals with children of immigrants in Montreal who live in a multicultural situation and who become the authors and co-authors of a video about their representation of Africa and their way of expressing it, through the process of digital storytelling (Truchon, this issue). “Ce n’est pas tant l’Afrique qui est mieux connue mais Fako, l’Africain qui vit maintenant au Québec et que tous les participants apprécient.” Once again, we are dealing here with self-representation, experimental this time, casting young people searching for their images and their styles, but also for their recognition in order to get the place they deserve in the world. Co-authoring videos with intertextual montage techniques on the one hand and digital storytelling on the other, make it possible to go beyond traditional forms of narration by situating oneself closer to the culture of the young people present. In the wake of this debate, we bring in the work of Mohammed Boukala and his interest in the ninth art. The comic book created by Pahé, from Gabon, is a form of autobiography, where he is at the same time the author, the narrator, and the main character. Pahé writes and draws himself. He does not define himself from the point of view of ethnicity or social problems. He uses irony, and gives a playful quality to his work. Nor does he play the game of being the Black guy, the Immigrant, or the African: he uses words and images, and speaks through his images. He is, as suggested by Boukala, the Fanon of comic books at the same time as he performs his identity, and he avoids the obvious, and established genres.

The last article of this issue brings us back to Africa where we first set off with the contribution of Bogumil Jewsiewicki. The presentation by Jean Jonassaint of the cinematographic perspectives of Ousmane Sembène, of both local and international renown, allows us to rethink certain aspects of ethnographic filmmaking, which is not without consequences. This way of looking at cinema, of which Jean Rouch’s cinema was a part, and with whom Ousmane Sembène often discussed angles and methods, calls on ethnographic authority to deal with the rights to the images of the Other. This form of cinema, a far cry from the experimental studies attempted by the young anthropologists in this issue (Truchon, Boudreault-Fournier), did not address, or only very incidentally, the issue of self-representation, an issue that had not yet been raised at the time. It was in fact with the arrival of art films that African artists began producing meaningful works, in which they were the main focus of the action, without having to resort to ethnography as an intermediary. African endotic anthropology, in the sense that we give it in the western world, did not exist. Therefore, it was only through other research approaches that the issue could be raised. In that respect, Jean Jonassaint’s contribution is absolutely central, while leaving us with a query: is self-representation through fiction, as exemplified by all the articles in this issue that take an ethnographic approach, the bearer of anthropological truth, and if so, of which truth? Through their various perspectives: from the study of fictional works, and the restaging and handing down of the inherited collective memory, each time putting the image (picture, video, and other creative forms) at the core of the processes that are deployed, analysed and displayed, each author offers a specific answer to this broad question.

A selection of the images that are referred to in the articles are inserted in the paper copy of this issue while others will be available online soon after the publication of the issue. [1]