L’explosion contemporaine du phénomène patrimonial a souvent été regardée comme une aubaine par les collectivités publiques locales. C’est une manière de valoriser un patrimoine qui sort des standards de la reconnaissance hypermédiatique et de l’idée conformiste que les touristes se font du patrimoine emblématique et des sites iconiques. En France, la décentralisation (commencée au début des années 1980) a été un vecteur de la décentralisation patrimoniale et de l’enrichissement de l’offre, mais aussi un facteur d’affirmation identitaire. Une forme de concurrence territoriale s’est développée à partir du rapport au patrimoine, le patrimoine conçu comme ressource de stratégie marketing. La course aux labels est le reflet de cette situation. Le patrimoine industriel, parce qu’il renvoie à une histoire difficile (le traumatisme de la désindustrialisation), paraissait devoir rester à l’écart de ce mouvement de réappropriation patrimoniale. Le label « Ville et Pays d’art et d’histoire » a-t-il permis de dépasser cette sorte de mésestime qui a longtemps frappé les territoires marqués par la fin de la civilisation industrielle? A-t-il réussi à valoriser un nouveau type de patrimoine et de territoire? Comment la labellisation, en liaison avec le processus de « métropolisation », peut être un facteur de stimulation des politiques publiques de dynamisation territoriale? Trois cas concrets vont nous permettre d’éclairer cette problématique, qu’il conviendrait d’approfondir, car les études sont encore très rares (Saez, Landel et Périgois 2007). Le label « Ville et Pays d’art et d’histoire » n’a pas surgi de rien. Comme l’écrit Nicolas Navarro, ce label est le révélateur d’un processus de « municipalisation » des politiques patrimoniales : « Ce label manifeste ainsi la montée en puissance du rôle des collectivités locales, illustrant une nouvelle répartition des tâches entre celles-ci et les administrations centrales du ministère de la Culture » (Navarro 2020). Les Pays d’art et d’histoire (dorénavant PAH) sont des territoires qui sont « conscients des enjeux que représente l’appropriation de leur architecture et de leur patrimoine par les habitants, et qui s’engagent dans une démarche active de connaissance, de conservation, de médiation et de soutien à la qualité architecturale et du cadre de vie ». Créé en 1985, ce label est attribué par le ministre de la Culture, après avis du Conseil national des Villes et Pays d’Art et d’Histoire, aux communes ou groupements de communes qui s’engagent dans une politique de sensibilisation des habitants, des visiteurs et du jeune public à la qualité du patrimoine, de l’architecture et du cadre de vie. Ce label succède à l’appellation « Ville d’art » disparue en 2005. À ce jour, le réseau national compte 190 Villes et Pays d’art et d’histoire : 119 Villes d’art et d’histoire et 71 Pays d’art et d’histoire. Un projet PAH doit répondre à quatre critères principaux : Il s’agit donc d’un projet lourd, complexe, qui implique généralement plusieurs collectivités, dont l’échelle territoriale est plus large que ce que requiert le label « Ville d’Art et d’Histoire ». C’est un enjeu important pour une collectivité locale qui y voit un levier visant à conforter son image, améliorer la connaissance de soi, s’inscrire dans un réseau et participer à la (re)dynamisation territoriale. Les Villes et Pays d’art et d’histoire constituent un réseau national d’échanges, d’expériences et de savoir-faire et elles bénéficient d’une promotion nationale par le biais de dépliants, d’affiches et d’une communication sur le site du ministère de la Culturel (Direction générale des patrimoines). Mais les collectivités ne doivent pas sous-estimer la difficulté d’un tel projet, car le ministère de la Culture assortit l’attribution du label à une exigence de prise en compte de la notion de « territoire », ce qui complexifie …
Parties annexes
Références
- Djament-Tran, Géraldine, 2015, « L’actualisation du patrimoine face à la métropolisation. Le cas de Saint-Denis ». L’Information géographique 79 (2) : 41-54.
- Navarro, Nicolas, 2016, « Le label « Ville et Pays d’art et d’histoire » en France : une double opérativité symbolique du patrimoine ». Communiquer 16, en ligne : http://journals.openedition.org/communiquer/1865
- Rautenberg, Michel, 2003, La rupture patrimoniale. Bernin, À la croisée.
- Réal, Emmanuelle, 2013, Reconversions. L’architecture réinventée. Lyon, Images du Patrimoine.
- Saez, Guy, Pierre-Antoine Landel et Samuel Périgois, 2007. Villes et Pays d’art et d’histoire en Rhône-Alpes : bilan et perspectives. Grenoble, Observatoire des politiques culturelles.
- http://www.vpah.culture.fr/VIDEO_TS/Diapo%20VPAH%2030%20ans%20720p.mp4
- https://www.culture.gouv.fr/Aides-demarches/Protections-labels-et-appellations/Label-Ville-et-Pays-d-art-et-d-histoire
- https://www.sites-cites.fr/villes-et-pays-art-et-histoire/
- https://www.loireforez.fr/services-au-quotidien/culture/pays-art-histoire-forez/
- https://www.saint-Étienne.fr/culture/ville-d039art-d039histoire
- https://www.culture.gouv.fr/Regions/Drac-Auvergne-Rhone-Alpes/Pole-action-culturelle-et-territoriale/Villes-et-Pays-d-art-et-d-histoire-Action-culturelle-patrimoniale