Présentation[Notice]

  • Madeleine Frédéric

Malgré une admiration persistante de la part du public et l’appui indéfectible des institutions officielles, la poésie semble de plus en plus difficile à faire passer dans l’enseignement. Cela étonne d’autant plus qu’elle est, depuis quelques années, l’objet de plusieurs nouveaux rituels de consécration massive : festivals, marchés et printemps divers, concours et campagnes s’affichant dans le métro ou ailleurs. Nous avons demandé à des professeurs venus de trois sociétés francophones (Belgique, France, Québec) de nous livrer une réflexion sur leur pratique d’enseignement de la poésie et sur les théories sur lesquelles ils s’appuient. En resituant le texte poétique dans son contexte, mais aussi dans l’histoire de la littérature et des genres littéraires, nos collaborateurs ont interrogé la poétique d’un auteur (Cendrars, Musset), d’un mouvement (le surréalisme), ou encore l’évolution d’une forme (le poème philosophique). Leurs propositions vont dans le sens d’une réactualisation des corpus et méthodes d’analyse et d’une interrelation plus étroite entre l’étudiant, l’enseignant et le texte. Le numéro s’ouvre par une interrogation de Michel Murat sur la relation entre enseignement et lecture, qui aborde celle-ci selon trois aspects complémentaires : l’appropriation du poème, l’enseignement de la poésie comme objet d’histoire littéraire et la direction de recherches. Chacun d’eux entraîne à son tour différents corollaires, tels que la constitution d’une anthologie personnelle ou la performance, pour le premier ; la reconsidération de certains paramètres, qu’il s’agisse de la topique, des variantes, du poète comme « homme-époque », ou encore des revues, pour le deuxième ; enfin, le troisième s’appuie sur une vaste enquête, centrée principalement, mais pas exclusivement, sur la France. Cette enquête a mené à des constats inquiétants : le champ de l’étude de la poésie est massivement enfermé en lui-même ; les thèses sont surtout consacrées à des monographies. Murat en appelle donc à une ouverture, dans l’enseignement comme dans la recherche, à une histoire de la poésie et des poètes. Dans une réflexion sensible, Gilles Marcotte, professeur et critique de poésie, établit une distinction entre amateur (pas forcément éclairé) et lecteur de poésie. Dans le cadre de l’enseignement, le lecteur doit donner la priorité absolue au texte : celui-ci ne doit jamais devenir prétexte à une projection personnelle. Une part d’information est nécessaire à la lecture, en même temps qu’une prise de distance par rapport à l’évidence trompeuse de tel poème « transparent ». Si les commentaires et les théories peuvent être utiles, ils peuvent aussi devenir bien encombrants lorsqu’il s’agit d’appréhender la substance même du poème. L’auteur se range aux vues de T. S. Eliot, qui justifient pleinement selon lui l’enseignement de la poésie, à savoir qu’elle est plaisir, mais aussi devoir. Telle est la leçon pleine de sel que nous livre cet amoureux de la poésie. Une même adhésion aux idées d’Eliot, qui lient cette fois amour et compréhension du poème, sert de point de départ à la réflexion de Jean-Pierre Bertrand. Celui-ci propose un enseignement de la poésie en deux phases : la première est l’appréhension du texte en tant que forme-sens, qui doit être suivie d’une remise en perspective, celle de l’histoire de la poésie même. Bertrand rejoint ainsi le souhait formulé auparavant par Murat. Il aborde l’histoire par le biais d’une question essentielle, celle de la modernité, examinée d’un point de vue tout à la fois théorique, historique et poétique. L’étude d’un poème de Vincensini, « La soupe aux choux », sert d’exemple à Pierre Popovic pour proposer un projet d’enseignement qui, dépassant le cadre strict de la poésie, s’ouvre à une histoire culturelle. Dans cette démarche, l’analyse concrète du poème, appuyée sur des assises théoriques diversifiées (herméneutique, poétique, sociologie …

Parties annexes