Résumés
Résumé
Cet article est une lecture de la nouvelle « L’hôte » d’Albert Camus, publiée dans son recueil L’exil et le royaume (1957), qui analyse les implications politiques et éthiques du texte en mettant en relief ses références bibliques volontairement effacées ou dissimulées dans le manuscrit définitif. Il apparaît que « L’hôte » est un conte philosophique qui développe deux motifs majeurs des Écritures : Caïn (Gen. 4,1-9) et la tentation de Jésus dans le désert (Mat. 4,1-11 et Luc 4,1-30). Cette interprétation souligne ce qui constitue pour Camus le coeur du problème colonial, c’est-à-dire l’aliénation sociale et la misère des colonisés. On montre cependant que ce problème politique et social ne prend tout son sens qu’au sein d’une vaste question éthique, celle de l’hospitalité. On indique enfin que les thèmes du colonialisme et de l’hospitalité sont élaborés à partir de références à l’Ancien et au Nouveau Testament, et que c’est seulement sous l’éclairage biblique que la position politique et éthique de Camus prend toute son ampleur. Dans « L’hôte », Camus condamne fermement la violence et la misère induites par le colonialisme, mais au nom de la responsabilité éthique il rejette ce qu’il considère être la neutralité égoïste et l’indifférence morale de l’attitude postcolonialiste.
Abstract
This essay offers a reading of Albert Camus’ short story, «The Guest» («L’hôte”), published in Exile and the Kingdom (1957). It interprets its political and ethical implications and uncovers its biblical references, which Camus intentionally camouflaged or deleted in the final redaction. It argues that the story is a philosophical tale based on two major biblical motifs: Cain (Gen. 4:1-9) and the temptation of Jesus in the desert (Mt. 4:1-11; Lk. 4:1-30). In “The Guest” Camus defines what is in his judgment the main problem of colonialism: the social alienation of the natives and their consequent misery. This political problem is for him profoundly linked to the ethical question of hospitality. The biblical motifs in the story illustrate and elaborate the themes of colonialism and hospitality, and help shape Camus’ political and ethical position. Camus condemns the violence and suffering induced by colonialism, but in the name of responsibility he also rejects what he considers to be the selfish neutrality or moral disengagement often characteristic of the post-colonial attitude.