Présentation[Notice]

  • Michel Biron et
  • François Dumont

Ce numéro marque le centième anniversaire de naissance du poète, né le 13 juin 1912, et propose des relectures qui éclairent des zones peu explorées jusqu’ici de l’oeuvre de Garneau ou abordent celle-ci en dialogue avec d’autres oeuvres, d’ici comme d’ailleurs, d’hier à aujourd’hui. Ces différents types d’« accompagnements », pour reprendre un terme bien garnélien, ouvrent l’oeuvre à des résonances nouvelles et la situent dans le contexte transnational de la littérature et de l’art. Depuis deux articles d’Albert Béguin parus en 1954 jusqu’à l’ouvrage récent de Frédérique Bernier sur Garneau et Beckett, en passant par l’étude de Roland Bourneuf sur les lectures européennes de Garneau, il y a toujours eu, ici et là, un intérêt pour lire Garneau au-delà du seul contexte de la poésie canadienne-française des années 1930. Mais la très vaste majorité des travaux sur Garneau se sont attachés au milieu immédiat du poète, à la « génération de La Relève » dont parlait Jean-Charles Falardeau, ou encore à son rejet par les poètes du pays dans les années 1960. Le premier dossier de la revue Études françaises consacré à Garneau en 1969 témoigne bien de ce privilège accordé au contexte québécois, auquel tous les articles renvoient d’abord et avant tout. En 1984, la même revue a publié un second dossier consacré au même auteur, intitulé « Relire Saint-Denys Garneau ». Ce dossier marquait en quelque sorte un renouveau des études garnéliennes au Québec : la critique semblait vouloir dépoussiérer le texte afin de le redécouvrir tel qu’il était et non pas tel qu’il était apparu jusqu’alors aux yeux de lecteurs tantôt identifiés, tantôt violemment opposés à la tradition catholique canadienne-française. Il s’agissait en somme d’arracher Garneau à une polarisation idéologique et de le relire d’un point de vue artistique ou littéraire, et non pas seulement comme le symptôme de son époque, de sa société. Dans la présentation de ce numéro, Robert Melançon écrivait : « nous proposons de considérer le texte de Garneau. On pourra légitimement prétendre le situer historiquement quand on l’aura vraiment lu. » La situation des études garnéliennes, un quart de siècle plus tard, est bien différente. La démonstration de l’intérêt littéraire de l’oeuvre de Garneau n’est plus à faire, du moins au Québec. La place du poète dans l’histoire littéraire québécoise est aujourd’hui reconnue et ne soulève plus de résistances comparables à ce qu’on pouvait lire à l’époque de la Révolution tranquille. En ce sens, le voeu formulé en 1984 par Robert Melançon a été exaucé : on a bel et bien commencé à relire le texte de Garneau en tant que texte littéraire, et non pas seulement comme document social. Toutefois, malgré ce renouveau critique, deux constats s’imposent : l’oeuvre de Garneau n’est guère lue à l’extérieur du Québec, que ce soit dans les pays francophones ou dans les pays où elle a été traduite (il existe des traductions en anglais, en espagnol et en italien), et, même au Québec, elle demeure surtout lue en regard du contexte national. La raison, croyons-nous, n’est pas seulement idéologique, mais tient aussi à une réelle difficulté d’ordre esthétique et historique : l’oeuvre de Garneau, on l’a beaucoup dit, ne ressemble guère à ce qui s’est écrit jusque-là au Québec et tourne le dos à l’idée de littérature nationale, voire à l’idée même de littérature. S’il va de soi qu’elle dialogue avec le personnalisme chrétien qui marque profondément le discours de La Relève, elle ne se réduit pas pour autant à ce seul contexte, qui n’est d’ailleurs littéraire que par la bande. Mais à quoi ressemble-t-elle ? Quelles parentés formelles ou thématiques (directes ou …

Parties annexes