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Depuis ses premiers comptes rendus jusqu’à ses essais les plus tardifs, Gilles Marcotte a toujours accordé une place importante à la poésie. Il ne la sépare jamais de la littérature, mais il soulève à plusieurs reprises une question qui la concernerait tout particulièrement : celle d’une étrangeté dont il faudrait reconnaître le caractère irréductible. Dans Les livres et les jours, par exemple, il écrit :

Le poétique vrai, ce qui est vraiment poétique, c’est toujours dans un poème ce qu’on ne comprend pas, ce qui se dérobe, et que les explications de texte les plus ingénieuses, les mieux informées, ne réussiront jamais à éclaircir. Il est très important de ne pas comprendre, de savoir qu’on ne comprend pas, ce qu’on ne comprend pas. Ainsi l’on fait confiance au poème ; on le lit[1].

Cette non-compréhension, qui serait paradoxalement, comme la « simple ignorance » socratique, une forme de savoir, n’a pas chez Marcotte le caractère angoissant qu’a « l’inquiétante étrangeté » chez Freud, ni la dimension assurée du credo surréaliste, non plus que de caution théorique : elle est plutôt une ouverture « confiante » à ce « mystère » qui, selon le mot de Mallarmé, serait « au fond de tous[2] ». Du début des années 1950 à la fin de la décennie 2000, l’étrangeté de la poésie prend dans les textes de Marcotte diverses connotations, liées aux « circonstances », auxquelles il reste toujours très attentif[3].

Pour l’hermétisme

De 1950 à 1952, Marcotte tient une chronique littéraire dans L’Action nationale. Cette revue, que dirige alors André Laurendeau, avait pris en 1933 le relais de L’Action française et de L’Action canadienne-française ; sa principale inspiration était la pensée de Lionel Groulx. Il est étonnant d’y lire des textes de Marcotte, qui a toujours été éloigné de cette mouvance, et qui, d’ailleurs, publiera bientôt plus volontiers dans les revues Cité libre et Liberté, en marquant bien ses distances par rapport au nationalisme. À l’époque, il écrit surtout des comptes rendus pour Le Devoir, où il est critique depuis 1948. L’espace de la revue, celle-ci fût-elle aussi idéologiquement marquée que L’Action nationale, lui permet d’explorer un registre plus essayistique. Or sa conception ouverte de l’essai critique n’est pas sans poser problème dans le cadre militant de la revue. Un débat en témoigne, à la suite de la publication d’un article intitulé « Que deviendra ce perplexe ? ». Dans ce bref essai, Marcotte cite d’abord deux ouvrages récemment parus : Histoire du Canada français depuis la découverte, de Lionel Groulx, et Testament de mon enfance, de Robert de Roquebrune. Après avoir souligné l’« idéalisme historique impénitent » du premier et la « nostalgie aristocratique » du second, il leur concède « qu’il a existé au Canada français un commencement de civilisation autonome ». Mais il ajoute :

Or cette civilisation est maintenant disparue, à cause des deux forces de désintégration qu’ont été pour elle le pouvoir britannique et le voisinage américain. […] Le Canadien français est un homme sans civilisation, partagé entre ce qu’il lui reste d’une vieille culture française (à peine canadianisée) et le way of life essentiellement niveleur de l’Américain. Lisez ses livres : cet homme-là est profondément divisé, il ne sait pas vivre.

Marcotte se demande, au sujet du Canadien français, « en quoi il va se transformer ». La question reste ouverte : le jeune critique écarte explicitement les réponses politiques, celles-là mêmes qui dominent dans la revue où son texte est publié : « Les défenses politiques sont de peu de poids, dans une telle conjoncture. C’est une question de temps, de circonstances[4]… »

Marcotte s’exprimant à titre de critique, c’est au nom de la littérature qu’il oppose l’ouverture à la mobilisation idéologique fondée sur le culte d’un passé avec lequel le présent aurait irrémédiablement rompu. Cette position suscite, au sein même du numéro, une brève réplique de Laurendeau. Sous le titre « Sur l’avenir d’un mort », le directeur de la revue s’adresse à Marcotte avec un humour qui n’arrive pas à masquer son irritation :

Mon cher Marcotte, les morts, qui sont des cadavres, ont l’habitude de se transformer en pourriture. Vous pourriez dire que les charognes sont des engrais, et que notre dissolution prépare une lointaine moisson. Allez-vous considérer l’effort des générations actuelles uniquement comme le fumier dont un patriotisme éventuel s’enrichirait[5] ?

Le « pessimisme » de Marcotte et sa façon de « nier que nous existions » que déplore Laurendeau semblent rompre l’équilibre dont se réclamait la revue dans un numéro antérieur : « L’indépendance d’une revue doit s’appuyer sur des convictions librement acceptées, et l’autonomie des personnes[6]. »

Deux textes prolongent le débat dans le numéro suivant : une longue réponse de Rex Desmarchais, d’un savoureux comique involontaire, et une brève réplique de Marcotte. Desmarchais résume ainsi sa vision de l’Histoire : « Il y eut Athènes et l’Athénien ; il y eut Rome et le Romain. À notre époque, il y a Paris et le Parisien (variété très évoluée du Français). Le Français est le plus intelligent des humains d’aujourd’hui. » Pour le Canadien français, il n’y aurait donc pas à hésiter devant la division que constatait Marcotte entre la part française et la part américaine du Canadien français : « Être Français (ou Canadien français), c’est occuper, dans le monde actuel, l’avant-poste de l’intelligence[7]. » Marcotte répond en disant d’abord au sujet de la « réaction assez vive » qu’a produite son article : « c’est bien ce que j’en attendais. […] J’ai voulu secouer des certitudes un peu vides. » Bien qu’il dise se sentir « une âme furieusement française », il propose une « composition avec les deux cultures, l’américaine et l’anglaise », d’autant que les Canadiens français n’auraient « aucun intérêt à rester éternellement des exilés de France ». Cette ouverture aux cultures américaine et anglaise tranche avec le discours de la revue, mais ce qui distingue le critique est plus fondamentalement son attitude :

ce n’est pas seulement de cette option française qu’il faut se garder, c’est de toute option aussi radicale. La perplexité que nous inflige notre condition particulière de peuple en marche, ne saurait être réduite de façon immédiate et absolue, dans quelque sens que ce soit […]. Il me semble que le devoir canadien-français d’aujourd’hui en est un de sage plutôt que de combattant, d’attention plutôt que de décision.

Il faudrait, poursuit-il, « consentir aux apparentes contradictions d’un destin complexe […]. Les idées claires n’y trouveront pas leur compte, mais la vie aura toutes ses chances[8]. » L’« attention » aux « contradictions » est donc valorisée contre les « idées claires ». C’est cette perspective que Marcotte reprend et élargit dans sa dernière contribution à L’Action nationale, « Hermétisme et poésie ».

Marcotte plaide dans cet essai pour « l’aventure » dont témoignerait l’hermétisme de la poésie. Il se place d’abord du point de vue du poète, en écartant rapidement l’« hermétisme voulu » pour s’attacher à « l’autre, l’essentiel », qui ne serait pas « un caprice de poète vaniteux », mais se justifierait « par un retour au subconscient sans lequel la poésie française serait restée au jeu d’osselets de ses petites idées sèches ». « Dans la situation actuelle de la poésie », poursuit-il, « je n’imagine pas un grand poète sans un hermétisme plus ou moins compact […]. Le poète n’a pas le choix : ou composer de petites fleurs artificielles, ou accepter l’aventure secrète du devenir humain. » Marcotte aborde ensuite plus longuement la question sous l’angle de la lecture : « Face à l’hermétisme du poète, écrit-il, se dresse l’hermétisme du lecteur ». Celui-ci serait « fermé au poème, pour une raison exactement contraire à celle qui rend le poème hermétique. Il lui est fermé par excès d’exigence rationnelle. » Le critique met en cause « l’éducation toute rationaliste que nous avons reçue », en s’appuyant sur L’homme d’ici, qui vient alors de paraître, où Ernest Gagnon s’en prend, selon les mots que cite Marcotte, aux « produits artificiels des manuels de classe ». Il faudrait, suggère Marcotte, consentir à « se laisser guider par des images plutôt que par des idées » et accepter notre condition « moderne » : « sous peine de n’être pas comprise pour ce qu’elle est, la poésie doit aujourd’hui accuser profondément son éloignement d’un monde qui la nie. À monde hermétique, poésie hermétique. » Il ajoute : « Il importe de reconnaître, dans un art difficile et méfiant, le désordre du monde que nous avons bâti[9]. » La remise en question de l’idéologie de la revue dans laquelle le jeune critique publie concerne donc non seulement les idées nationalistes, mais aussi la représentation ordonnée du monde que celles-ci tenteraient de consolider. Dans cette dernière contribution à L’Action nationale, Marcotte fait de la perplexité une valeur et de l’hermétisme de la poésie moderne une sorte d’emblème[10]. La « question nationale » n’est pas pour autant évacuée ; mais, justement, elle demeure une question. C’est d’ailleurs elle qui sera l’objet central de son premier livre de critique : Une littérature qui se fait.

L’exil national

Une littérature qui se fait, dont la première édition est de 1962, est constitué de textes d’abord publiés en revues ou lus à la radio depuis 1951. Le « nous », omniprésent, renvoie aux Canadiens français, et l’objectif principal est de comprendre le sens de leur histoire, en se plaçant du point de vue des lecteurs contemporains. Le livre accorde une place prépondérante à la poésie : après une brève section sur le roman, elle occupe les trois quarts du recueil[11]. Cette disproportion s’explique surtout par le constat selon lequel « le roman canadien-français ne compte pas encore d’oeuvres finies, exemplaires dans leur ordre, d’expériences poussées à bout. Il n’a pas son Saint-Denys Garneau, ou son Alain Grandbois[12]. » C’est donc essentiellement en se basant sur la poésie que le critique reconstitue le récit d’un épanouissement (qui serait toujours en cours, comme le souligne le titre du livre), en fondant sa trame narrative sur le motif de « l’exil ». Ce mot dénote une absence que les poètes canadiens-français du xixe siècle et du début du xxe siècle auraient d’abord révélée. Chez ces précurseurs, Marcotte ne fait pas de l’étrangeté le simple symptôme d’une aliénation : il lui accorde aussi une valeur de vérité. Après avoir évoqué Octave Crémazie et Alfred Garneau et cité un vers d’Albert Lozeau (« Je sens en moi grandir une âme d’étranger »), il écrit :

Quand la poésie de cette époque renonce à ses alibis patriotiques, sentimentaux ou religieux, c’est cela qui reste : un sentiment d’étrangeté à la vie, d’exil radical. Ses paroles les plus justes sont paroles d’effroi, de regret, de désespoir, et elle s’abandonne, sous divers prétextes de fiction littéraire, à d’étranges malédictions[13].

Ces « malédictions » seraient toujours « étranges » pour les contemporains, chez qui l’effroi, le regret et le désespoir, contrairement au patriotisme, au sentimentalisme ou à la religiosité d’antan, correspondraient à d’authentiques « paroles ».

Le point de départ du récit est l’oeuvre d’Octave Crémazie. Marcotte écarte rapidement le caractère conventionnel de sa poésie pour chercher à « rencontrer à leur naissance des thèmes qui rejoignent nos expériences d’aujourd’hui[14] ». Il prend au sérieux le poème « La promenade de trois morts » : « Admettons d’abord que lorsqu’un poète parle de la mort, ou fait parler des morts, c’est toujours en fonction de l’existence, de son existence à lui. Tout homme porte en lui l’image de sa propre mort, au nom de laquelle toutes ses valeurs, toutes ses joies et toutes ses peines sont mises en procès[15]. » La poésie de Crémazie témoignerait d’un « double exil ». Cette expression renvoie au diagnostic que l’essayiste proposait dans L’Action nationale, selon lequel le Canadien français serait exilé à la fois par rapport à la France et par rapport à l’Amérique anglaise. Mais la formule met aussi en valeur ce qui résiste à l’interprétation nationale. En effet, comme dans L’Action nationale, Marcotte se place à la fois sur deux niveaux : au-delà du niveau national, où il rejoint un topos de la critique canadienne-française[16], un autre niveau maintient le caractère insaisissable de l’étrangeté ; c’est le « désordre du monde » dans l’article de 1952, et, ici, l’« exil absolu », qui, précise Marcotte, « dépasse et englobe, chez Crémazie, l’exil national[17] ». Le caractère partiel de l’explication nationale s’applique à tous les poètes étudiés dans l’ouvrage. La perspective nationale est, par exemple, très discrète dans le chapitre sur Nelligan. Le poids des « maîtres » européens rejoint d’une certaine façon la thématique de l’aliénation canadienne-française, mais Marcotte s’attache d’abord au sort personnel d’un « tout jeune homme […] qui habitait avec la mort », dont certains vers auraient une « vérité assez dense, assez humaine pour rejoindre l’art[18] ». Dans le chapitre sur Alfred DesRochers, Marcotte privilégie l’effet de « stupeur » devant « l’ampleur et la force du continent neuf[19] », de sorte que l’originalité de DesRochers ressort bien davantage que sa représentativité. De Crémazie à DesRochers, les poètes se voient accorder à tour de rôle une attention à la fois empathique et mesurée. Certains poètes ultérieurs, comme Anne Hébert, Alain Grandbois ou Roland Giguère, sont particulièrement admirés en raison du degré d’achèvement de leurs oeuvres, mais celui qui les dépasse tous, par l’espace qui lui est accordé (deux chapitres totalisant une centaine de pages) comme par le rôle déterminant qu’il joue dans le récit, est Hector de Saint-Denys Garneau.

Le style des deux chapitres consacrés à Garneau (respectivement, à l’origine, le mémoire de maîtrise de Marcotte sur la poésie et sa préface à la première édition du journal) tranche sur le ton journalistique des autres chapitres. L’analyse des textes est beaucoup plus développée que leur interprétation, alors que dans les autres études, le critique dégage rapidement ce qui lui paraît significatif. Dans le récit englobant du recueil de Marcotte, le rôle de Garneau est central, à titre de révélateur de « l’aliénation intérieure » :

C’est pour avoir fait éclater en pleine lumière, pour avoir vécu et exprimé, avec une sincérité bouleversante, cette aliénation, que Saint-Denys Garneau a exercé une influence décisive sur la récente évolution de la poésie canadienne-française. […] Désormais, il sera de plus en plus difficile d’éviter quelque dur affrontement. La poésie canadienne-française a trouvé son centre[20].

Une fois l’aliénation mise « en pleine lumière », qu’en est-il de l’étrangeté de la poésie ? Marcotte en parle comme d’une musique : « le son particulier auquel se reconnaît un poète authentique, cette façon […] individuelle de percevoir le mystère[21] ». L’aliénation ne participant plus de ce mystère dans la mesure où Garneau la regarderait en face, ce qui reste plus flou est la frontière entre le poétique et le religieux.

Comme il le fait pour les autres poètes, Marcotte veille à ne pas limiter sa lecture de Garneau en la considérant comme un pur témoignage, que ce soit sur la société canadienne-française, selon le diagnostic de Jean Le Moyne[22], ou sur la religion chrétienne, selon les vues de Robert Élie[23]. Il ne cache pas son adhésion au catholicisme et conclut par ces mots la description du parcours de Garneau : « Il nous semble que Dieu attendait Saint-Denys Garneau à cette extrémité de la vie, à ce point d’extrême dénuement spirituel[24]. » Cependant, il enchaîne tout de suite avec une partie intitulée « Valeurs poétiques » où il dit chercher à se situer « dans l’ordre propre de l’expression[25] ». Marcotte se tourne ultimement non vers la « grâce », mais vers un « mystère personnel », en reprenant l’idée, qu’il avait déjà proposée dans L’Action nationale, d’un « hermétisme du lecteur » :

sa limpidité même, sa rigoureuse fidélité aux images permanentes de l’expérience humaine, nous introduisent à un mystère personnel avec lequel nous ne pouvons communiquer que par la plus vigilante amitié. La poésie de Saint-Denys Garneau, précisément parce qu’elle parle simple et vrai, pose des questions essentiellement compromettantes, de celles qui mettent en cause les raisons dernières de notre vie. S’il faut parler d’hermétisme, ici, ce sera de l’hermétisme du lecteur[26]

Ainsi, lorsque Marcotte en arrive à l’« essentiel », aux « raisons dernières », il délaisse le lexique national ou religieux et préserve, pour le lecteur, un territoire ouvert. Celui-ci, avec Anne Hébert et Roland Giguère, est désigné comme « la vie » : la première, dans Le tombeau des rois, aurait « travers[é] tout le royaume de la mort pour retrouver la vie » ; l’oeuvre du second serait « celle de la vie conquise »[27].

Cette « conquête » dépasse l’horizon canadien-français (elle est en un sens ce dépassement même), mais s’insère toutefois dans le récit national, qu’elle conclut tout en annonçant une possible suite : « la réelle occupation de l’ici, dans la santé et le bonheur[28] ». Ce projet correspond à l’orientation des Éditions de l’Hexagone, dont Marcotte accompagne le développement depuis leur fondation en 1953. Il s’agit bien sûr pour le critique d’évaluer au fur et à mesure les parutions, mais aussi et surtout d’interpréter une aventure qui est inséparable de celle de la société québécoise à l’époque de la Révolution tranquille. Dans un article de 1978, « L’Hexagone et compagnie », Marcotte évoque l’amitié qui fondait l’action de cette maison et qui le liait à plusieurs poètes. Il reconnaît sa dette à l’égard des poètes de l’Hexagone : « l’apprentissage que faisaient auprès de nous, au milieu de nous, les artisans de l’Hexagone nous faisait connaître le travail de la poésie comme aucune autre lecture n’aurait pu le faire[29] ». Le « nous » d’Une littérature qui se fait persiste, toujours associé à une transformation en cours, sous le signe de l’apprentissage. Dans ce cadre, écrivains et critiques sont liés dans une relation dont on n’a peut-être pas assez souligné le caractère réciproque. En effet, si Marcotte apprend des poètes, ceux-ci sont aussi marqués par les interprétations qu’il propose. Le meilleur exemple en est sans doute L’homme rapaillé, de Gaston Miron, qui s’ouvre par un retour d’exil (« J’ai fait de plus loin que moi un voyage abracadabrant ») et dont la configuration correspond au récit d’Une littérature qui se fait, de l’aliénation de départ au commencement en cours[30].

Dans les premières années de l’Hexagone, la conquête de « la vie » se continue et semble se faire jusqu’à un certain point contre l’étrangeté de la poésie, en faveur de la « parole commune ». En 1969, dans Le temps des poètes, Marcotte écrit :

La poésie n’est pas que ce qui la distingue du langage courant, du langage de dénotation. Et au Canada français, moins que dans les pays de longue tradition littéraire, elle s’est voulue réduite à l’aventure d’un verbe replié sur lui-même, sur ses secrets, ses procédés. Authentiquement moderne par la mise en question et la critique interne du langage, elle s’est jetée, selon le voeu qui sous-tend les entreprises de l’Hexagone, dans les avenues diverses où l’appelait son désir de parole, de témoignage[31].

Même si le « témoignage » constitue le fondement de la poésie québécoise des années 1950 et 1960 telle que la décrit Marcotte dans Le temps des poètes, l’ouvrage ménage une extériorité : les exergues des parties, par exemple, sont systématiquement de poètes étrangers, et la poésie d’un Claude Gauvreau, bien qu’elle tranche avec la poétique d’ensemble, se voit reconnaître un « étrange pouvoir d’envoûtement[32] ». Du reste, ce panorama repose sur le constat « d’une souterraine, d’une obscure nécessité » ; celle-ci s’éclaire au fil des descriptions, mais demeure indissociable de la « modernité », que Marcotte définit comme « la conscience du mouvement et celle que, sous les apparences, se cache une réalité qui est toujours à découvrir[33] ».

La modernité, Marcotte ne la reconnaît pas dans la poésie québécoise qui se réclame précisément de cette notion dans les années ultérieures. Au début des années 1970, le critique tente de poursuivre son rôle d’accompagnateur dans une chronique de la revue Études françaises, mais l’enthousiasme n’y est plus, compte tenu, surtout, de l’effet de pure imitation de l’avant-garde française qu’il perçoit chez la génération de La barre du jour[34]. Parlant, dans un article de 1972, des écrivains qui « jouent le jeu froid des structures », il demande :

Sont-ils les véritables héritiers de Lautréamont – ceux qui ont vraiment pris acte de sa ravageuse démonstration ? Ou bien trouverons-nous plutôt la suite, par exemple dans les sagas verbales d’un Réjean Ducharme, où le désir de parole persiste à se frayer un chemin parmi les contradictions de la littérature[35] ?

Chez Marcotte, pour un temps, la rencontre moderne du « désir de parole » et des « contradictions », la part d’indétermination qu’il a toujours ménagée dans ses lectures de poèmes se déplace vers la prose, dans Le roman à l’imparfait et dans La prose de Rimbaud.

L’étrangeté de la prose

Le roman à l’imparfait est le seul livre de Gilles Marcotte entièrement consacré au genre romanesque. Par rapport à ses deux principaux livres de critique antérieurs, Une littérature qui se fait et Le temps des poètes, il s’agit pourtant de la continuation d’une même orientation : accompagner par la critique le développement de la littérature québécoise. Dans son introduction, Marcotte semble quitter la poésie à regret : « je n’imagine pas la raison qui nous ferait accorder un plus grand poids de vérité collective à un roman d’Hubert Aquin ou de Jacques Ferron qu’à un poème de Fernand Ouellette, de Paul-Marie Lapointe ou de Gaston Miron ». Mais il ajoute : « il reste que depuis 1960, nous parlons de plus en plus roman, et que la poésie – riche encore d’oeuvres continuées et d’expériences nouvelles – ne requiert plus la même sorte et la même quantité d’attention qu’autrefois. Voyez les étalages des librairies ; lisez les journaux[36]. » Un aspect caractéristique de l’attitude critique de Marcotte depuis ses débuts est ici particulièrement visible : interpréter en se plaçant du point de vue de la nation, en adoptant une sorte de regard collectif. Cet angle national se distingue du nationalisme, dans la mesure où l’objectif n’est pas de célébrer, mais de comprendre. Dans cette perspective, le choix de privilégier le roman plutôt que la poésie est moins le choix du critique que celui de sa société.

Malgré cette nouvelle importance accordée au roman, la poésie reste présente dans Le roman à l’imparfait. Elle est par exemple au centre du roman de Marie-Claire Blais que Marcotte apprécie entre tous, Une saison dans la vie d’Emmanuel, où la carnavalisation opère notamment par la figuration ironique du poète Jean Le Maigre. Mais c’est surtout l’oeuvre de Réjean Ducharme qui fait en sorte que le roman est lié à la poésie, car l’écriture de Ducharme serait plus proche des écrits de Lautréamont que de ceux de Balzac :

Chez Lautréamont et Ducharme, le comme ne sert pas à confirmer la vérité de l’affirmation ; souvent multiplié sans rime ni raison, ou plutôt ne faisant fonction que de rime, il produit un « jeu du vertige » où le langage, fou de lui-même, s’égare comme dire et se retrouve comme pur mouvement, jeu, action[37].

Ce comme, écrit un peu plus loin Marcotte, « s’adresse au corps comme puissance de rythme ». Par ailleurs, le « bérénicien », langue inventée par la protagoniste de L’avalée des avalés, « implique […] la déroute du sens, ou plutôt son indéfinie suspension ». Quant aux jeux de mots caractéristiques du style de Ducharme, ils seraient « manières de poète, pour qui les mots sont, au dire de Sartre, des choses plutôt que les instruments d’un discours[38] ». Les pouvoirs de l’étrangeté poétique, à la fois « vertige », « rythme » et « suspension du sens », continueraient donc d’opérer au sein même du roman.

La prose de Rimbaud, en 1983, s’inscrit dans la continuité d’une interrogation au sujet de la modernité et développe plus particulièrement la question de la présence de la poésie dans la prose. Ce livre a toutefois ceci de singulier, par rapport aux livres précédents, que Marcotte ne s’intéresse pas à l’interprétation nationale des textes qu’il étudie : la « Révolution » ou l’« Utopie » ne sont pas considérées en tant qu’idéologies spécifiquement françaises, de sorte que la question des dimensions sociales de la littérature acquiert une plus large portée (augmentée par le recul historique). Les modalités des rapports entre les textes littéraires et les discours sociaux sont au coeur du livre : la présence de la littérature dans la correspondance la plus transitive, comme celle des idéologies dans la poésie la plus autarcique en apparence. Marcotte veut montrer que l’écriture n’est jamais indépendante des discours sociaux, mais aussi qu’elle demeure étrangère, et que cette étrangeté, dès lors, concerne la société elle-même. Il s’agit en somme de révéler des liens, sans pour autant abolir les ambiguïtés. La relation avec les idéologies serait du même ordre que les rapports intertextuels ; or, « plus on avance dans la forêt des textes qui entourent celui de Rimbaud, plus s’éloigne la possibilité d’élire pour ce dernier des sens univoques[39] ».

Sur le plan théorique, Marcotte s’oppose en particulier au principe d’intransitivité, qui lui semble une façon d’évacuer les questions sociales soulevées par les textes, en les abolissant par une réponse préalable. C’est de ce point de vue sociocritique qu’il conteste la lecture que fait Tzvetan Todorov de l’oeuvre de Rimbaud. Marcotte cite la conclusion d’une étude de Todorov sur les Illuminations :

Rimbaud a élevé au statut de littérature des textes qui ne parlent de rien, dont on ignorera le sens – ce qui leur donne un sens historique énorme. Vouloir découvrir ce qu’ils veulent dire, c’est les dépouiller de leur message essentiel, qui est précisément l’affirmation d’une impossibilité d’identifier le référent et de comprendre le sens.

Se peut-il, proteste Marcotte,

que ces textes ne soient que des machines à purger le langage de tout résidu sémantique et n’aient de sens que par là ? Que la ville, la jeunesse, le déluge, les ouvriers, la démocratie ne soient que des signes vides ? Ces mots sont trop lourds, chargés d’une intertextualité trop riche dans le discours général de l’époque – celle de Rimbaud, mais aussi la nôtre –, pour que nous acceptions de les voir exclus de tout vouloir-dire. Tout nous parle, dans l’oeuvre de Rimbaud, d’un terrible sérieux, dans le choix des thèmes, des mots, aussi bien que dans leurs étranges relations[40].

Au nom de l’étrangeté de ces relations, Marcotte repousse aussi les explications biographiques des textes de Rimbaud, mais, insiste-t-il, la poésie rimbaldienne n’est pas pour autant « hors du monde ». Il s’agirait d’un « ensemble textuel gouverné par des lois profondément différentes de celles qui nous permettent généralement de comprendre un texte » ; ces lois, il serait possible de les clarifier par l’analyse, mais sans jamais espérer en finir avec les questions que les poèmes travaillent : « de ce poète-là, [il ne faut] pas attendre des leçons, des solutions, quelque forme d’aide que ce soit[41] ».

Ultimes contradictions

La prose de Rimbaud marque une transition importante dans l’oeuvre de Gilles Marcotte, qui, par la suite, tout en continuant d’écrire sur la littérature québécoise, la considère de moins en moins dans son ensemble. Dans le recueil d’articles Littérature et circonstances, qui paraît en 1989, il ménage ainsi une section, « Écrire », où il regroupe des études sur des auteurs québécois et français considérés dans leur singularité, comme il l’avait fait pour Rimbaud. Dans une autre section du même recueil, « Autour de l’Hexagone », il revient sur la « poésie du pays », en soulignant que le thème du pays, chez Baudelaire, évoque un autre sens du mot « exil » que celui d’une aliénation nationale : « exil dans le langage comme monnaie d’échange », ce qui connote négativement la familiarité au profit d’« un ailleurs où la parole retrouverait sa raison d’être[42] ». La poétique de l’Hexagone, qu’il avait interprétée comme une tentative d’élucidation nécessaire dans l’esprit de la modernité, lui paraît à distance en conflit avec l’esprit moderne. Quelque chose se serait perdu : du langage de Grandbois, Garneau, Lasnier et Hébert à celui de la « poésie du pays », les poètes se seraient éloignés de la poétique moderne telle que l’ont inaugurée Baudelaire, Rimbaud et Mallarmé. Pour l’illustrer, Marcotte reprend les caractéristiques de la modernité proposées par Hugo Friedrich dans Structures de la poésie moderne : « désorientation », « transcendance vide, efforts pour atteindre l’anormalité », « musique dissonante », « déshumanisation », « éclatement des limites », « destruction du réel », « intensité de la laideur », « dictature de l’imaginaire »… Tout cela, observe-t-il, désigne, « très exactement, à quoi l’on veut échapper » chez les poètes de l’Hexagone. De sorte que la « poésie du pays » se serait développée selon une orientation non seulement différente, mais carrément contraire à la modernité poétique. La voie moderne, continue Marcotte, serait plutôt celle décrite par Gottfried Benn : « élever les choses décisives jusqu’à la langue de l’incompréhensible, se consacrer à des choses qui ont mérité que l’on ne veuille en convaincre personne[43] ». Pour Marcotte, le nationalisme littéraire ne semble pas non plus soluble dans la modernité. Or la volonté d’édifier une « littérature nationale » est aussi, avec celle de « témoigner » en recourant au langage commun, l’une des ambitions de l’Hexagone. Bien que Marcotte lui-même ait contribué à l’édifier, l’institution littéraire québécoise lui semble au bout du compte à la fois nécessaire et menacée par « l’exploitation nationaliste de la littérature », qui conduirait à « une lecture familière de l’oeuvre littéraire[44] ». Les fondements mêmes de la poétique de l’Hexagone convergeraient donc vers une opposition à l’étrangeté, exclusivement conçue comme une aliénation.

Deux poètes associés à la « poésie du pays » échappent à cette critique : Gaston Miron et Jacques Brault. Pour dégager Miron de la « poésie du pays », Marcotte fait valoir la part française de sa poésie[45] et va jusqu’à émettre l’hypothèse que l’aliénation nationale aurait été une invention : « Ce serait […] parce qu’il voulait écrire tels poèmes, telle sorte de poésie, que Miron aurait inventé, en quelque sorte, une réalité sociale et nationale à leur mesure. » Il abandonne ensuite le conditionnel : « Le poète, en lui, avait besoin d’une société dite aliénée, parce que son génie propre avait élu l’aliénation comme thème essentiel[46]. » Voilà radicalisé, par cette interprétation pour le moins audacieuse, le « dépaysement » de la poésie de Miron proposé antérieurement par Pierre Nepveu[47] : il ne s’agirait plus seulement de dégager la poésie de l’idéologie, mais de rendre l’idéologie à la poésie, tout en relativisant – car la critique de la « poésie du pays » est aussi une autocritique – la thèse centrale d’Une littérature qui se fait. Jacques Brault, de son côté, s’est lui-même éloigné de la thématique nationale de Mémoire dès les années 1970, et c’est aux poèmes plus tardifs, en particulier ceux de Moments fragiles, recueil de 1984, que Marcotte accorde le plus de valeur[48]. La poésie que Brault publie dans les années 1980 serait « revenue de tous les discours » et trouverait, « dans la distance même, le manque, une façon d’être au monde[49] ».

C’est par sa négativité que la poésie recouvre la force que le « langage des rapports utilitaires[50] » lui fait perdre. Cette idée est au fondement du recueil Le lecteur de poèmes, qui paraît en 2000. Dans « Autobiographie d’un non-poète », qui ouvre le livre, Marcotte insiste d’abord sur son « inaptitude à la fabrication poétique » : « qu’elle alimente ma vie intérieure ou qu’elle m’oppose une étrangeté sans fissure, elle demeure, à mes yeux, toujours pourvue de cette aura d’impossibilité qu’elle a reçue durant mes années de collège[51] ». Selon sa pente naturelle (à laquelle il continue pourtant de chercher à résister), Marcotte passe à une lecture nationale : « Partagés entre le goût de la célébration collective et celui de la lamentation, nous avons mis beaucoup de temps à comprendre les vertus du négatif[52] ». Pour porter cette négativité jusqu’au bout, le dessein du critique est d’écarter les interprétations reçues des poèmes au profit de « l’irréductible de leur entreprise[53] ». Le meilleur exemple de cette ambition est sans doute l’étude du poème « Un bruit de soie », tiré du recueil Le tombeau des rois, d’Anne Hébert. Marcotte cherche à délivrer le poème de la lecture « eschatologique » qu’il admet avoir lui-même « propagée », pour rendre le poème à une ouverture qui serait plus importante encore qu’une libération : « la recherche impitoyable de la justesse, qui n’est pas seulement l’arrimage exact du mot à ce qu’il exprime, ou des mots entre eux […], mais ce qui amène le langage aux portes de quelque chose qu’il appelle et qui le dépasse ». Marcotte cite un axiome de Joseph Brodsky, qu’il traduit par « l’infini est le terrain normal de la poésie », en précisant que Brodsky « ne définit pas cet infini ». Il ajoute : « je ne le ferai pas non plus[54] ».

La notion d’« infini » soulève la question des rapports entre le poétique et le religieux, qui se posait déjà, comme on l’a vu, dans Une littérature qui se fait. Marcotte écrit à ce sujet, dans Les livres et les jours :

Je fais plus volontiers ma lecture spirituelle chez les poètes que chez les professionnels de la chose. Serait-ce que, à mon époque, la poésie est devenue le plus sûr refuge du religieux, même quand elle dit n’avoir aucun rapport avec lui ? On a parfois accusé la poésie de vouloir, par un orgueil insensé, prendre la place de la religion. Peut-être ne fait-elle, très humblement, que recueillir ce qui en reste, quelques signes de vie secrète. Ceci, par exemple, de Philippe Jaccottet :

Du monde confus, opaque

des ossements et des graines

ils s’arrachent avec patience

afin d’être chaque année

plus criblés d’air

Je ne connais pas de plus belle invitation à l’ascèse spirituelle. Pour un peu, cela se transformerait en prière[55].

Le « spirituel » prend ici la place du religieux, sous le mode de l’interrogation ; « pour un peu » signale une frontière qui ne sera pas franchie, comme dans Le lecteur de poèmes, où, après avoir noté cette proximité entre le poétique et le religieux chez plusieurs poètes, Marcotte écrit : « je me refuse à exiler la poésie dans une sphère éthérée où ne l’atteindraient plus les rumeurs de la vie collective[56] ». Ce refus lui permet de préserver « l’infini » de toute résolution ; pas davantage par la religion que par l’idéologie, par la connaissance ou par la théorie – dont aucune n’est pour autant écartée.

Même en ce qui concerne la religion (et non seulement les oeuvres d’inspiration religieuse), c’est la contradiction qui a le dernier mot. Au sujet de la conversion de Claudel, par exemple, Marcotte écrit : « Il y a quelque chose, là, qui nous échappe, et que Claudel n’aura pas trop de toute sa vie, de toute son oeuvre, pour tenter – vainement ? – de comprendre », car il trouvera devant lui « des contradictions toujours renaissantes[57] ». Dans les textes tardifs de Marcotte sur la poésie, la contradiction est une forme « laïque » de mystère qui réunit les poètes indépendamment de leurs croyances. Il lit par exemple dans Présence de l’absence, de Rina Lasnier, « la célébration de la contradiction même » et estime que Seuls demeurent, de René Char, « établit les “dimensions contraires” dans une relation de réciprocité ». Ce qui ferait la « singulière richesse » de la poésie de Robert Marteau serait « un alliage d’ésotérisme et de familiarité, d’abstrait et de concret ». L’étude d’un texte de Fernand Ouellette montrerait que « pour le poème, rien n’est définitivement résolu, accompli ; et que sa conclusion lumineuse contient encore un élément de ce qu’il a dû combattre pour y arriver ». Chez Pierre Jean Jouve, le langage serait « comprimé par des postulations contraires », alors que dans la poésie de Robert Melançon, le « rien » deviendrait « paradoxalement un “tout”[58] ». La contradiction continue aussi de jouer par rapport aux interprétations reçues : Saint-Denys Garneau est par exemple célébré pour sa « force », alors que la poésie d’Alain Grandbois se révèle au bout du compte « avant tout fragile[59] ».

La position de Marcotte au sujet de la contradiction se distingue de l’attitude de refus qu’ont adoptée, chacun à sa façon, Paul-Émile Borduas et Jean Le Moyne. Elle se démarque aussi de la valorisation de la dialectique qu’on retrouve dans l’essai québécois des années 1960 et 1970 (notamment chez Pierre Vadeboncoeur) et du recours ultérieur au paradoxe en vue de renouveler les perspectives (par exemple chez André Belleau)[60]. Parmi les essayistes québécois, Marcotte est à la fois présent et en retrait, davantage soucieux de ce qui pourrait se perdre que de ce qui pourrait advenir. Pour lui, les contradictions ultimes sont à préserver, à titre de « richesses de l’expérience humaine[61] ». Dans certains livres (surtout Une littérature qui se fait et Le temps des poètes), cette position est contrebalancée par une forte empathie à l’égard des tentatives d’émancipation qui orientent la Révolution tranquille. Par cet accompagnement, et plus largement par ses jugements critiques, ses interprétations et ses prises de position, Gilles Marcotte n’aura pas été uniquement un témoin ; mais son action aura aussi, et peut-être essentiellement, été négative : mettre le doigt sur ce qui résiste aux réponses et aux solutions – à l’« utile », comme le souligne le titre de son dernier livre – au nom de la dimension poétique de l’existence.