Résumés
Résumé
Durant la guerre franco-prussienne de 1870, un usage politique et idéologique fut fait de certaines théories physiologistes, notamment, on s’en doute, celles qui définissaient l’ennemi. Les différents discours contre ces derniers qui feront rage jusqu’à la Première Guerre mondiale s’échafaudent à partir d’élaborations scientifiques douteuses, qui relèvent également d’un imaginaire historique et d’une rhétorique qui s’appuie sur une forme de sacralisation de la guerre. Notre propos voudrait montrer que dans les nouvelles Boule de suif et Saint-Antoine, Maupassant révèle l’instrumentalisation qui est faite de ces discours modélisants. Souvent avec ironie, l’écrivain démontre que l’imaginaire social se fonde moins sur un savoir objectif et empirique que sur la conviction subjective d’une différence anthropologique et morale entre les individus, qui puise son énergie dans l’angoisse, la peur et une volonté de puissance d’un individu sur un autre. Dans les textes qui nous occupent, la « mise en ennemi » s’ajuste bel et bien, au-delà du fait historique, sur une intrication de données naturelles (biologiques, physiologiques) et culturelles (moeurs, habitudes) qui caractérisent l’ennemi comme l’« Autre à tuer ». L’ironie se cache dans l’utilisation que fait Maupassant du modèle anthropologique : en mettant en scène des identités hybrides où se mêlent qualités et défauts des dominés et des dominants, le romancier va en effet quitter l’échiquier ethnique et dépasser la question des identités nationales pour s’attaquer non pas aux Allemands ou aux Français en particulier, mais à la nature humaine en général et à sa propension à la barbarie.
Abstract
During the Franco-Prussian War of 1870, certain physiological theories were used for political and ideological purpose, notably to define the enemy. But numerous counter-arguments persisted up to the First World War, vigorously challenging the dubious scientific statements that referenced an historical imaginary and rhetoric which essentially glorified war. We here propose that in the short stories Boule de Suif and Saint-Antoine, Maupassant discloses the perverse use of these discourses. Indeed, the author demonstrates, often with irony, that the social imaginary is mostly founded not on objective and empirical reason, but rather on the subjective persuasion of a moral and anthropological distinction amongst individuals which is established through anxiety, fear and the resolve of power by one being over another. In these works, the “mise en ennemi”, depends, beyond historical fact, on an embedding of natural (biological and physiological) and cultural (moral and customary) evidences that thus define the enemy as “l’Autre à tuer”. The irony is concealed within the use that Maupassant makes of the anthropological model. In enacting hybrid identities that contain the qualities and defects of both the dominant and the dominated, the author departs from the ethnic rationalization of an exclusively French or German experience and transcends the notion of nationality to instead address human nature as a whole and mankind’s innate propensity to barbarity.