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Les prix de la revue Études françaises : rétrospective[Notice]

  • Francis Gingras

Les anniversaires offrent d’utiles temps d’arrêt pour se situer par rapport au passé et s’interroger sur ce que pourrait être le futur. La parution du cinquantième volume d’une revue universitaire, phénomène encore assez rare dans l’histoire de l’édition savante au Québec, a semblé un heureux prétexte pour consacrer la totalité de ce volume au rôle que la revue Études françaises a joué dans la vie littéraire québécoise et pour envisager l’avenir en insistant sur la place de notre revue dans la Cité au moment où des changements importants s’opèrent dans les modes de diffusion de la connaissance. Le numéro double, qui ouvre ce volume jubilaire, est ainsi entièrement consacré au prix de la revue Études françaises et à ses lauréats qui ont répondu de manière assez exceptionnelle à la mission que se donnait explicitement la revue d’être « un lieu où la littérature se fait » : À l’heure où les débats sur le libre accès animent le monde de l’édition savante et touchent au premier chef les revues de recherche universitaires, cette prise de position de Georges-André Vachon, qui ouvrait le numéro paru en février 1970, illustre de manière parfaitement actuelle la question du lien entre les modes de diffusion et le rôle d’une revue littéraire. Mieux encore, elle souligne le refus d’une séparation artificielle entre recherche et création. Le même Georges-André Vachon, qui a dirigé cette revue pendant douze ans (de 1966 à 1978), écrivait d’ailleurs dès 1968 que « l’étude critique peut avoir la cohésion, l’originalité de l’oeuvre littéraire, et [qu’]elle peut avoir la même audace », de même que « la valeur d’un poème, d’un récit, d’un dialogue, se mesure à la volonté de recherche dont il témoigne : exploration méthodique par le recours à toutes les ressources expressives du langage, d’une réalité à découvrir ». La revendication du lien intime entre recherche et création, particulièrement vital pour les études littéraires, est alors une position originale, trente ans avant que les organismes subventionnaires ne mettent en place des programmes d’appui à la recherche-création. Le prix de la revue Études françaises est l’incarnation de cette double dimension, critique et créative. La qualité de ses lauréats, depuis les tout premiers, Ahmadou Kourouma et Gaston Miron, jusqu’aux plus récents, Hélène Dorion, Normand Chaurette et Louis Hamelin, en passant par Édouard Glissant et Assia Djebar, constitue la meilleure preuve que la revue remplit parfaitement le rôle que lui fixait son fondateur, René de Chantal (directeur du premier volume paru en 1965) d’être « au centre de gravité » de toutes les cultures d’expression française. À travers l’histoire de ce prix, s’esquisse ainsi un premier mouvement de l’histoire de la revue (sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir en ouverture du dernier numéro de ce volume 50). On y retrouve la question, essentielle vue du Québec, de la relation complexe avec la France et avec la langue française, comme des liens avec les autres communautés qui partagent cette langue. Le titre même de la revue qui, au dire de son premier directeur, avait fait l’objet de débats passionnés au sein de son premier comité de rédaction (composé de Bernard Beugnot, Nicole Deschamps, Albert Le Grand et Michel Mansuy), devait refléter le fait que « la langue française […] semblait le dénominateur commun entre la littérature française et la littérature canadienne-française ». L’histoire du prix, parallèle à celle de la revue, est aussi celle du rapport du Québec à la francophonie. Les documents, les articles et les textes inédits que nous publions dans ce numéro double en sont le reflet. Un premier élément qui mérite d’être noté est que le prix n’est …

Parties annexes