Entretien avec André Brassard[Notice]

  • Hervé Guay et
  • Marie-Noëlle Lavertu

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  • Hervé Guay

  • Propos transcrits par
    Marie-Noëlle Lavertu

Cet entretien est la retranscription de Brassard et Genet, document audiovisuel de cinquante minutes, qui condensait une heure et demie de discussions. Il a été réalisé dans la semaine du 11 juillet 2011 chez André Brassard à Montréal, et filmé par Christian Pierre, caméraman du service de soutien technique de l’Université du Québec à Trois-Rivières. André Brassard, metteur en scène de toutes les grandes pièces de Michel Tremblay, et Hervé Guay, professeur à l’UQTR après avoir été critique au Devoir pendant 20 ans, se connaissent depuis plus de 25 ans. Hervé Guay : Tu as deux grandes photos de Genet dans ton appartement. Pourquoi ? André Brassard : Je les ai fait faire quand j’étais à Ottawa, c’était facile de faire laminer des choses. J’ai eu envie de l’avoir proche de moi tout le temps. HG : C’est quelqu’un dont tu te sens proche aussi ? AB : C’est quelqu’un qui m’a fait comprendre le monde, c’est ça surtout qui est important. HG : Tu sens que c’est comme un de tes amis. AB : Oui, absolument. Plus même que beaucoup. Oui. HG : Qui t’a parlé de Genet pour la première fois ? AB : Personne. C’est une découverte en librairie. Quand j’ai commencé à penser que le théâtre pouvait être ma place, j’ai fait des razzias dans les librairies. J’ai d’abord pris des petits classiques : Molière, etc. J’ai ensuite regardé dans la section théâtre et j’ai ramassé des trucs et j’ai lu Genet. Évidemment, j’ai eu envie de le mettre en scène. HG : Une fois que tu as eu lu les pièces, as-tu eu envie de lire les romans ? AB : Oui, mais ce n’est pas la même personne. C’est comme un trident, Genet. Il y a le romancier, qui s’est éteint quand le dramaturge est apparu. Ensuite, il y a le polémiste, le politicien. Puis le dramaturge s’est éteint quand le politicien est né. C’est comme trois étapes de vie, trois personnes. C’est sûr qu’il y a des parentés, mais les trois diffèrent profondément. Le romancier était plus fantasmatique. Avec bien sûr, une langue assez spéciale. Je pense que la conscience politique est arrivée avec le dramaturge. Elle a grandi pour se terminer avec le gars qui était pour les Palestiniens et tous ces textes de fin de vie. Ce que j’ai compris très vite grâce à lui, c’est quand il dit qu’il y a deux théâtres : le théâtre mort et le théâtre vivant. Le théâtre mort est fait pour les gens qui acceptent l’état du monde ; le théâtre vivant, pour les gens qui le refusent, qui ne savent pas, qui cherchent autre chose. Tout cela m’a éclairé sur comment je pouvais expliquer mon sentiment par rapport au monde, face à l’univers. HG : Te rappelles-tu dans quel contexte tu as lu Les bonnes, quel âge tu avais ? AB : C’est très tôt. Je devais avoir 14 ou 15 ans. C’est-à-dire 1962-1963 quand j’ai commencé à sortir du collège. Je ne savais pas exactement encore pourquoi, mais c’est sûr que le jeu dans le jeu était séduisant. Mais je n’ai jamais compris précisément pourquoi. Cela m’a pris sept ou huit mises en scène avant de vraiment comprendre de quoi il s’agissait. On a d’abord travaillé dans l’inconscience. Pas de difficulté. On le faisait parce que c’était écrit comme ça. Je n’ai jamais pensé à travailler la langue. Pour moi, c’était donné. Il s’agissait juste de le faire, c’était comme une forme qu’il s’agissait de remplir. Je ne faisais pas de travail spécial là-dessus. Parce que c’était évident. J’ai toujours …

Parties annexes