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Les deux dernières décennies ont vu une croissance rapide de l’activité touristique dans les régions polaires (Stewart et al. 2005). La beauté de la nature et la fascination qu’exercent les paysages du Nord, unies aux changements dans les préférences des consommateurs et à une accessibilité accrue, ont fait de l’Arctique une destination très attrayante.

Le tourisme est considéré comme une importante source de développement par plusieurs gouvernements arctiques pour les régions isolées, pittoresques mais économiquement déprimées, qui n’ont pas trop de possibilités d’accroître leurs revenus (Blackman et al. 2004). Toutefois, le développement touristique doit tenir compte des communautés autochtones qui sont de plus en plus préoccupées par la sauvegarde et la protection de leur environnement social, culturel et physique. La demande de nouvelles formes de tourisme, comme celui offert par les communautés autochtones, vient de l’intérêt des touristes pour un écosystème unique et fragile, mais aussi du désir de visiter des endroits nouveaux et exotiques.

En plus des touristes, beaucoup d’acteurs sont impliqués dans le tourisme: des agences touristiques, des entrepreneurs locaux et leur personnel, des gestionnaires gouvernementaux et, bien sûr, des communautés hôtes. Tous doivent retirer des bénéfices du tourisme pour qu’il puisse être considéré comme un succès. Il existe une abondante littérature sur la nécessité d’impliquer la population locale dans le processus de planification et de développement du tourisme (p. ex., Gunn et Var 2002; Lewis 2001; Page et Connell 2007). Par contre, on trouve bien moins d’écrits sur la façon dont les politiques et les planifications touristiques s’efforcent de concrétiser cet idéal et parviennent à atteindre l’objectif d’augmenter les revenus, de créer des emplois et d’améliorer la qualité de vie des communautés visitées.

Les touristes arrivent de l’extérieur et les communautés d’accueil manquent parfois du savoir-faire et des compétences nécessaires pour approcher le marché touristique. D’autres facteurs peuvent aussi compromettre les bénéfices auxquels s’attendent les populations locales et les gouvernements. Ainsi, il est souvent impossible pour la communauté ou la région intéressée par le tourisme de fournir les produits et les services demandés par les touristes. Cela force les communautés à dépendre des produits et du savoir-faire venant d’ailleurs. Il en résulte qu’une partie des dépenses des touristes fuit l’économie locale, n’y laissant qu’une petite fraction dans les mains de la population visitée.

Même si plusieurs endroits de l’Arctique sont à présent des destinations touristiques bien établies, avec de bonnes connexions de vols et des infrastructures offrant plusieurs activités pour les visiteurs, beaucoup de petites communautés inuit, bien que pittoresques, sont situées dans des lieux périphériques et hors des sentiers battus. D’accès souvent difficile et coûteux, ces communautés éloignées sont à la recherche de sources de développement; le tourisme pourrait représenter une solution économique. Une autre option de développement, qui a connu une croissance rapide ces dernières années, vise les touristes venant des bateaux de croisière. Ces bateaux mouillent parfois à proximité des côtes pour quelques heures, mais les touristes restent souvent sans contacts avec la population inuit. Habituellement, l’offre n’est pas suffisante (manque de points de rafraîchissement, de toilettes, de souvenirs, etc.) et les quelques centaines de visiteurs repartent sans laisser de profit à la population locale. Dans certains endroits, cette situation a été modifiée avec succès. Le tourisme associé aux bateaux de croisière a été encouragé par les autorités, mais la population locale en bénéficie rarement directement.

Contributions

Dans ce numéro de la revue Études/Inuit/Studies sur le tourisme dans l’Arctique, divers thèmes sont abordés par les auteurs. Le genre de développement touristique qui convient aux diverses régions arctiques est le sujet traité par les articles qui examinent

  • les défis et les opportunités créés par l’industrie du tourisme du Nunatsiavut (Nord du Labrador) (Fugmann);

  • la capacité d’adaptation, le potentiel encore inexploité du tourisme de croisière et des visites écotouristiques à Nain (Nunatsiavut) (Lemelin et al.);

  • les impacts et les bénéfices du tourisme de croisière en expansion dans quatre communautés périphériques et isolées du Groenland qui vivent une crise économique et sociale importante (Tommasini);

  • un programme de développement touristique d’observation de la nature dans la communauté d’Arviat (Nunavut) où le tourisme se limite actuellement à celui de la chasse (Chanteloup).

La façon dont les Inuit perçoivent le tourisme, leurs attitudes envers les visiteurs et la question de savoir jusqu’où les communautés sont désireuses de faire partie des activités touristiques sont les sujets des articles concernant

  • le renouvellement de l’industrie touristique au Nunavik (Québec) en analysant les représentations associées à l’écotourisme (Thomas);

  • l’imagibilité inuit comme outil de médiation paysagère dans le projet de parc national Tursujuq (Nunavik) (Joliet et Blouin-Gourbilière);

  • les problèmes du développement touristique dans la petite communauté d’Ittoqqortoormiit (Groenland) et la difficulté de retenir les revenus sur place (Créquy).

Tous ces articles devraient donner un bon tour d’horizon des enjeux du tourisme dans l’Arctique, et plus particulièrement dans les communautés inuit du Canada et du Groenland.

The last two decades have seen rapid growth of tourism in polar regions (Stewart et al. 2005). The Arctic has become a very attractive destination for such reasons as the beauty of its natural environment and the fascination that people feel for northern landscapes, not to mention changes in consumer preferences and increasing accessibility to these regions.

For many Arctic governments, tourism is a major source of development for isolated, picturesque areas that are economically depressed and do not have many opportunities for increasing their revenues (Blackman et al. 2004). Nonetheless, tourism development should make allowance for Aboriginal communities that increasingly wish to preserve and protect their social, cultural, and physical environment. Demand for new forms of tourism, such as those offered by Aboriginal communities, is coming from tourists who are interested in visiting not only a unique and fragile ecosystem but also new and exotic places.

In addition to tourists, this industry involves many other stakeholders: travel agencies, local business people and their staff, government managers and, of course, host communities. All of them have to benefit from tourism for it to be considered a success. Much has been written on the need to bring the local population into the process of planning and developing tourism (e.g., Gunn and Var 2002; Lewis 2001; Page and Connell 2007). Much less, however, has been written about how tourism policy and planning tries to attain this ideal while striving to reach the goal of higher incomes, more jobs, and a better quality of life in the communities visited.

Tourists come from the outside world—a market for which the host communities sometimes lack the necessary know-how and skills. Other factors may also compromise the benefits that local populations and governments expect. Thus, if a community or region is interested in tourism, it often cannot supply visitors with the desired products and services. It then has to depend on products and skills that are brought in from elsewhere. As a result, money spent by tourists is largely diverted from the local economy, and only a small fraction is left in the hands of local people.

Even though several Arctic locations are currently well-established tourist destinations, with good flight connections and infrastructures that offer visitors a range of activities, many small Inuit communities, though picturesque, are in peripheral regions and far from the beaten path. Often hard and costly to reach, these remote communities are looking for sources of development. For them, tourism may be an economical solution. Another development option, which has grown rapidly in recent years, targets tourists who come aboard cruise ships. These ships sometimes drop anchor offshore for a few hours, but the passengers often have no contact with the Inuit population. Usually, there are not enough onshore facilities (lack of food services, washrooms, souvenirs, etc.) and the several hundred visitors go back to their ships without leaving the local population with any money from the visit. In some locations, this situation has been successfully changed. Cruise tourism has been encouraged by the authorities, but the local population seldom benefits directly.

Contributions

In this issue of the journal Études/Inuit/Studies on Tourism in the Arctic, the authors address various themes. One of them is the kind of tourism development that best suits the different Arctic regions. This theme attracts the interest of several authors:

  • the challenges and opportunities created by the tourism industry of Nunatsiavut (Northern Labrador) (Fugmann);

  • the capacity for adaptation, the still untapped potential of pleasure cruises and ecotourism in Nain (Nunatsiavut) (Lemelin et al.);

  • the impacts and benefits of a rising level of cruise tourism in four peripheral and isolated Greenland communities that are going through a major economic and social crisis (Tommasini);

  • a program for development of ecotourism in the community of Arviat (Nunavut) where tourism is currently limited to hunting tourism (Chanteloup).

Other articles deal with the way the Inuit perceive tourism, their attitudes toward visitors, and the issue of knowing how far the communities are willing to get involved in tourism activities. These themes are addressed as follows:

  • revitalisation of the tourism industry in Nunavik (Quebec) by analysing the representations associated with ecotourism (Thomas);

  • Inuit imageability as a tool to mediate the representation of landscapes for the proposed Tursujuq National Park (Nunavik) (Joliet and Blouin-Gourbilière);

  • the problems of tourism development in the small community of Ittoqqortoormiit (Greenland) and the difficulty in keeping the money spent by tourists in the local economy (Créquy).

All of these articles should give a good overview of tourism issues in the Arctic, particularly in the Inuit communities of Canada and Greenland.