L'ouvrage se fixe comme objectif de comprendre pourquoi les Nénètses se trouvent dans une situation plutôt dynamique aujourd'hui, contrairement à la plupart des autres minorités sibériennes, et envisage les solutions d'avenir pour offrir aux Nénètses les moyens de s'inscrire durablement dans le 21e siècle. L'introduction présente le peuple nénètse, le contexte et la démarche des auteurs. Les Nénètses pratiquent l'élevage de rennes extensif comme les Tchouktches et les Saami. Si, aujourd'hui, la population est divisée entre nomades et sédentaires, elle n'en demeure pas moins encore fortement marquée par l'élevage. L'hypothèse de A. Golovnev et G. Osherenko est que le système de gouverne joue un rôle dans la résistance ou la désintégration culturelle. L'approche se focalise en particulier sur quatre thématiques: le leadership, le genre (gender), la propriété et le changement institutionnel. Le livre est construit selon un principe chronologique auquel seul déroge le chapitre 2. Le chapitre 1 analyse le passage de la chasse à l'élevage extensif, tout d'abord du point de vue des scientifiques, puis du point de vue du mythe nénètse “Five Yaptiks” autour duquel le livre se construit, chacun des chapitres suivant y faisant référence. Selon la théorie privilégiée par les auteurs, le développement de l'élevage extensif nénètse serait une conséquence de la colonisation russe: il aurait permis une plus grande autonomie pour s'éloigner des colons et aurait également été une réponse à la baisse du gibier, provoquée conjointement par la “surchasse” et un changement climatique. Le chapitre 2 présente le mode de vie des Nénètses nomades, en particulier par la question transversale du genre. Comme le notent les auteurs, c'est un angle qui a auparavant été peu développé dans la littérature soviétique. Dans la société nénètse traditionnelle, l'homme a un rôle tourné vers l'espace de la toundra et la femme vers l'habitat. Ces rôles se retrouvent symboliquement dans la répartition des tâches dans le rituel (aspects que l'on peut également rencontrer dans d'autres sociétés sibériennes). Le chapitre 3 retourne à une approche historique et présente le parcours des Nénètses de la conquête russe à la révolution bolchevik. Cette période comprend quatre événements majeurs: l'arrivée des Russes, accompagnée de rébellions, la christianisation, la réforme de Speranskij en 1822 et le développement de la pêche dans le Yamal, poussant une partie des Nénètses à pratiquer la pêche saisonnière et à se sédentariser partiellement. Le chapitre 4 considère la période soviétique jusqu'aux années 50. A partir d'interviews et d'archives publiées sont présentées les rébellions qui ont eu lieu dans les années 1930 et 1940, événements méconnus et peu étudiés. Les rébellions des années 1930 sont les plus significatives, tirant leur source de la contradiction des réformes soviétiques avec le mode de vie et la culture traditionnelle nénètse. Cette pression monte également pendant la deuxième guerre mondiale alors qu'une grande quantité de viande de rennes est réquisitionnée. Mais étonnamment, c'est le KGB du district de Yamal qui organise le soulèvement, vraisemblablement afin de mieux le réprimer. Un autre événement décisif est la découverte du gaz et du pétrole en 1942 dans l'Okrug Yamal-Nénètse. Le chapitre 5 évoque la période des années 50 jusqu'à la dissolution de l'URSS. L'élevage, ayant fortement souffert de la guerre et de la collectivisation, retrouve un fort dynamisme, avec pour conséquence l'apparition, dès les années 1980, d'un problème de surpâturage. En effet, la croissance des troupeaux, en particulier privés, d'exploitation désormais libre, entre en concurrence avec les industries d'extraction de ressources naturelles. Des années 1960 à 1980, les Nénètses doivent faire face à un ensemble de problèmes: scolarisation forcée, marginalisation sur leur propre territoire, mais aussi désastre écologique (essais nucléaires, enfouissements de déchets …
Parties annexes
Références
- HAMAYON, Roberte, 1990 La chasse à l'âme, esquisse d'une théorie du chamanisme sibérien, Nanterre, Société d'ethnologie.