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Ce très beau livre magnifiquement et abondamment illustré par des dessins et des photos se veut une introduction à l'architecture inuit du début de la période historique. Les auteurs y soutiennent le point vue de Mauss (1906) selon lequel l'alternation saisonnière des habitations d'hiver et d'été caractérise mieux l'architecture des Inuit que le stéréotype de l'iglou de neige habituellement associé à ces derniers. Les quatre chapitres principaux couvrent les régions suivantes: 1) le Groenland, 2) l'Arctique central (incluant le Labrador), 3) le nord-ouest de l'Arctique et le détroit de Béring, et 4) le sud-ouest de l'Alaska, la mer de Béring, la Sibérie et le golfe de l'Alaska. On peut d'ailleurs se demander pourquoi les auteurs ont choisi de présenter ces régions d'est en ouest alors que les premières migrations de diverses populations inuit venaient de l'ouest. En commençant par l'architecture de l'Arctique occidental, le lecteur aurait mieux compris l'absence ou l'ajout d'éléments architecturaux dans l'Arctique central et au Groenland.

Malgré de nombreuses coquilles, une façon arbitraire de mettre en italiques certains mots en langue inuit et l'agaçante habitude d'ajouter un «s» à des ethnonymes déjà au pluriel ou à des termes inuit, on trouve dans cet ouvrage beaucoup d'information et de détails sur l'architecture inuit. La nature du livre étant principalement descriptive, il est difficile de résumer ici ce que les auteurs nous y présentent. Je m'attarderai plutôt à quelques sujets qui auraient pu être mieux développés. Ainsi, dans le chapitre 2, la section sur les maisons du Labrador n'intègre pas les recherches de Kaplan (1983) qui comprenaient la fouille archéologique de nombreuses habitations néo-esquimaudes. Dans le chapitre 3, les auteurs pensent que les maisons de tourbe du nord-ouest de l'Arctique ne pouvaient être occupées durant l'été car leur intérieur devait être humide et mouillé, et leur tunnel d'entrée rempli d'eau lors de la fonte de la neige et du pergelisol (p. 77). Ils semblent ici écarter la possibilité que certaines maisons de tourbes possédaient aussi une entrée non-souterraine pour être utilisées durant l'été, tout comme celles de groupes du sud-ouest de l'Alaska décrites dans le chapitre 4. Des entrevues auprès d'aînés inuvialuit ont d'ailleurs démontré que le long de la côte du Yukon et à l'île Herschel des maisons de tourbe furent aussi occupées durant la saison chaude, justement à cause de leur fraîcheur car bien isolées (Nagy 1994).

On trouve dans le dernier chapitre un tableau résumant les principales similarités des habitations inuit de diverses régions géographiques. Deux figures montrent huit types d'habitation d'hiver et six types d'habitation d'été sur une carte des régions étudiées. Malgré la remarquable synthèse présentée dans ces deux figures, des dessins schématisant ces types d'habitation auraient aidé le lecteur à mieux comprendre la typologie utilisée. Enfin, la présence dans le texte de mots inuit identifiant les diverses habitations est fort appréciée bien que plus de traductions de ces derniers auraient certainement ajouté de l'information pertinente.

Lee et Reinhardt terminent en présentant une liste de sujets qu'ils souhaiteraient voir se développer dans la recherche sur l'architecture inuit. Avant la bibliographie — qui elle aussi aurait gagné à être relue une dernière fois pour éviter les coquilles, particulièrement dans les références en français — se trouve un appendice présentant des données quantitatives sur les dimensions des habitations et des estimations du nombre d'occupants. Un tableau résumant ces données aurait été apprécié. Bref, à part de mineures faiblesses, ce livre est essentiel à toute personne s'intéressant à l'architecture inuit et un excellent compagnon au volume 27(1-2) de la revue Études/Inuit/Studies sur l'architecture paléoesquimaude.