Recensions

WEETALUKTUK, Joby et Robert BRYANT, 2008 Le monde de Tivi Etok. La vie et l’art d’un aîné inuit, Montréal, Les Éditions MultiMondes /Institut culturel Avataq, 220 pages.[Notice]

  • Élise Dubuc

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  • Élise Dubuc
    Département d'histoire de l'art et d'études cinématographiques, Université de Montréal, C.P. 6128, Succursale Centre-Ville, Montréal, Québec H3C 3J7, Canada
    elise.dubuc@umontreal.ca

Dans l’histoire de l’art inuit, Tivi Etok occupe une place à part. Cet artiste du Nunavik fut reconnu dans les années 1970 pour sa production au style original, en périphérie du marché de l’art inuit qui s’organisait de plus en plus depuis la fin des années 1940 avec pour centre Cape Dorset. Pour mémoire, rappelons que James Houston, artiste et administrateur gouvernemental en poste dans ce village de la Terre de Baffin, aujourd’hui partie du Nunavut, avait poussé à la création d’un marché, d’abord de sculptures sur pierre à savon de petite taille, destinées aux étrangers, et un peu plus tard de lithogravures. L’une des motivations premières de l’entrepreneur Houston était la lutte contre les conditions économiques déplorables des Inuit. L’organisation du marché en coopératives a certainement structuré un mode régional de fonctionnement et de prise en charge, où les coopératives, élargissant leur emprise depuis l’art à tous les domaines, allaient jusqu’à faire concurrence aux magasins de la Baie d’Hudson (Potter 1999). Avec Ulukhaktok (Holman), Baker Lake et Pangnirtung, Puvirnituq, au Nunavik, est l’un des quatre autres centres artistiques de cette mouvance née à Cape Dorset. Tivi Etok y fit un séjour. Ayant toujours été attiré par le dessin, enfant, il utilisait les étendues de sable lisse pour dessiner animaux de toutes sortes, scènes de chasse et villages imaginaires, mêlant le visible et l’invisible. Tôt encouragé par l’appréciation des autres, il se rend à Puvirnituq suivre un cours, ayant entendu dire qu’on pouvait gagner sa vie en dessinant. Son oeuvre, qui s’était déjà affirmée, y fut reconnue et appréciée. Son talent unique y fut célébré par ses pairs. Sa notoriété s’étendit dès lors au sud du 55e parallèle, où le marché de l’art s’enticha de lui. Il possède son propre atelier. Avec la volonté de contrôler sa destinée, dès 1975, Etok publie ce qui est reconnu comme le premier catalogue d’un artiste inuit, en solo: Whispering in My Ears and Mingling With My Dreams / Légendes susurrées à mes oreilles, s’entremêlant à mes rêves. D’autres publications l’avaient précédé, mais il s’agissait de regroupements d’oeuvres de différents artistes (Goetz 1977). James Houston, qui aurait conçu ce catalogue (Learner et Williamson 1991: 562-563), en écrivit l’introduction ainsi que les notes biographiques. Houston compare l’oeuvre d’Etok et ses qualités à celles des graveurs japonais du XVIIe siècle qui disparurent par la suite (Etook 1975:4-5; Randall 2000:213-214). Un deuxième catalogue paraît en 1976, In the Days Long Past / Autrefois. Marybell Myers y souligne le sens de l’humour de l’artiste. Parmi les Davidialuk et Joe Talirunilik de Puvirnituq, et Thomassie Echalook d’Inukjuak, eux aussi connus dès cette époque, c’est Tivi Etok qui acquerra la plus grande notoriété internationale. Tivi Etok est né en 1929, dans un camp situé entre les villages de Kuujjuaq et de Kangirsualujjuaq, sur les rives de la baie d’Ungava à l’embouchure de la Rivière George. L’histoire de sa vie et ses récits sont illustrés par 22 oeuvres artistiques d’une grande force d’expression. Bas-reliefs, gravures sur pierre et dessins, réalisés pour la grande majorité au milieu des années 1970, sont reproduits dans une section centrale du livre. Quelques autres oeuvres sont parsemées dans les autres sections. Les gravures sur pierre sont reproduites en noir et blanc, alors que certains des originaux sont plutôt encrés de bleu. Il aurait été plus intéressant de les voir sous cette forme. Les quelques dessins sont quant à eux reproduits en couleur, laissant mieux transparaître l’oeuvre de l’artiste. Teintés d’humour, les sujets — rêves, mythes, scènes de chasse, événements marquants tels que des périodes de famine — font moins référence à une identité ou à un …

Parties annexes