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Nous avons choisi d’ouvrir ce numéro thématique « Construire et habiter l’Inuit Nunangat » avec la parole d’Olivia Ikey, une jeune Inuk de Kuujjuaq et youth advocate (défenseure de la jeunesse), grandement impliquée dans les questions de gouvernance, d’abordabilité et de qualité des lieux d’habitation pour les communautés inuit du Nunavik, notamment pour les jeunes. Cette conférence qu’Olivia prononçait le 3 octobre 2019, à titre de marraine spirituelle d’une journée spéciale de réflexion sur l’habitation inuit et ses territoires, intitulée Habiter le Nord québécois : Enjeux et défis d’aménagements appropriés et significatifs pour les communautés Inuit, a été livrée dans une certaine forme de plaidoyer. Elle y relatait des expériences personnelles, de même que des actions militantes et proactives, aussi éloquentes et riches qu’elles avaient été effectivement vécues. Aussi, elle invitait tous ceux qui étaient alors présents, à accueillir la « vérité » des Inuit dans cette recherche d’offrir, et encore une fois particulièrement aux jeunes Inuit, « a place to call home » (un lieu que l’on qualifie de chez-soi, une habitation véritable), tout en les impliquant dans les décisions qui les touchent de si près. De cette conférence à la fois fort engageante et provocante, nous retenons ces quelques propos mobilisateurs qui portent un regard tout de même optimiste sur un avenir culturellement durable et significatif :

Our truths, together with your diplomas, will build better houses, which will not only last for many many years but will also be passed on to the next generation of Inuit. (Nos vérités, ainsi que vos diplômes, permettront de construire de meilleures maisons, qui non seulement dureront de nombreuses années, mais seront également transmises à la prochaine génération d’Inuit.)

(…)

 We can bring these very simple things into the conversation to help you understand and to help us pick the right home, because, like I said, these homes are not just shelters : they are saving lives, they are saving children, they are saving the lives of people going through a severe housing crisis. So, you’re all going to play a role in saving lives, but you need an Inuk partner for that to happen. (Nous pouvons apporter ces choses très simples dans la conversation pour vous aider à comprendre et nous aider à choisir la bonne maison, car, comme je l’ai dit, ces maisons ne sont pas que des abris : elles sauvent des vies, elles sauvent des enfants, elles sauvent la vie de personnes qui traversent une grave crise du logement. Donc, vous allez tous jouer un rôle pour sauver des vies, mais vous avez besoin d’un partenaire inuit pour que cela se produise.)

Les questions de l’habitation, de l’habiter, de la maison ou du logement, au sein des communautés vivant dans l’Arctique, font l’objet d’un intérêt certain et grandissant de la part des chercheurs en architecture, en design urbain, en sciences sociales et humaines ou encore, en anthropologie. Depuis que la récente crise du logement dans les communautés circumpolaires est reconnue comme un véritable problème politique, ces disciplines se sont emparées de ces thèmes pour les penser dans leurs multiples dimensions. Des chercheurs en sciences sociales se sont intéressés à la gestion et aux politiques du logement, aux questions d’accès et d’inégalité à ces logements (Duhaime 1986 ; Collings 2005 ; Stern 2005 ; Therrien 2013 ; Therrien et Duhaime 2017), alors que d’autres travaillent à comprendre les impacts du surpeuplement des logements sur la santé (Ruiz-Castell et al. 2015) et sur la violence familiale (Hervé et Laneuville 2017). En anthropologie et en géographie, la recherche a, entre autres, porté sur les façons dont les Inuit perçoivent leurs territoires (naturels ou urbanisés) et leurs espaces habités, et se réapproprient les logements dans lesquels ils vivent (Bordin 2003 ; Collignon 2001, 2006 ; Dawson 2006, 2008 ; Tester 2006 ; Dybbroe 2008 : Desbiens 2017, 2012 ; Brière 2014 ; Brière et Laugrand 2017). Plus récemment, des chercheurs en architecture et en design urbain se sont questionnés sur la qualité des lieux d’habitation qui pourraient ou devraient être produits, en relation avec les aspirations des communautés, les référents culturels qui motivent ces aspirations, ainsi que leurs relations avec un territoire vaste qui appartient toujours à leurs représentations (Piché et al. 2017). Les travaux et activités réalisés dans divers milieux académiques, notamment par Habiter le Nord québécois (Bhatt et al. 2020 ; HLNQ 2020, 2019a, 2019b, 2017, 2016 ;), Lateral Office (Sheppard et White 2019, 2017), Arctic Design Group (Cho et al. 2019) ou OCULS (Hemmersam 2021, 2016), sont particulièrement représentatifs de recherches réalisées en création, en participation ou en collaboration avec des communautés autochtones de l’Arctique.

Le présent numéro d’Études Inuit Studies est, pourrait-on dire étonnamment, le tout premier que la revue consacre spécifiquement à cette question cruciale de l’habiter dans l’Arctique. Il a été motivé par la richesse d’une production grandissante des recherches (notamment en architecture et en design urbain) qui permet de porter un regard prospectif pour des aménagements culturellement durables et appropriés. À cet égard, nous souhaitons reconnaître deux textes fondateurs qui, tout en traversant les disciplines, auront grandement contribué à la définition de notre thématique : Nordicité canadienne de Louis-Edmond Hamelin (1980) et La sédentarisation au Nouveau-Québec inuit de Gérard Duhaime (1986). Plus récemment, d’autres textes semblent aussi avoir été importants pour plusieurs auteurs de ce numéro : Esprit des lieux et modèles culturels. La mutation des espaces domestiques en arctique inuit de Béatrice Collignon (2001), Seeing Like an Inuit Family : The Relationship Between House Form and Culture in Northern Canada de Peter Dawson (2006), Iglu to Iglurjuaq de Frank Tester (2006), Terre de l’ombre ou terre d’abondance ? Le Nord des Inuit de Louis-Jacques Dorais (2008), et Un nouveau sens du lieu ? “L’effet urbain” dans les communautés du Nunavik de Caroline Desbiens (2017).

Construire et habiter / Habiter et construire… en trois thèmes

L’image que nous avons retenue pour la couverture, Drawing for the print « Modern settlement – Traditional camps » (1978-1979), par Pudlo Pudlat[1], illustre de façon éloquente une situation (ou une histoire récente) vécue par une grande majorité des communautés autochtones de l’Arctique. Bien qu’elle reste ouverte à l’interprétation (l’oeuvre de Pudlo est souvent empreinte d’une certaine ironie envers les pièges ou attributs de la vie moderne dans l’Arctique), cette image permet de lancer, d’appuyer et d’accompagner notre thématique sur les relations entre construire et habiter. Dans The Perception of the Environment. Essays in Livelyhood, Dwelling and Skill, l’anthropologue Tim Ingold (2006, 186) propose de faire une distinction entre l’acte de construire (building) et le fait d’habiter (dwelling) : construire (building) renvoie au besoin vital et matériel de se fabriquer un abri, tandis qu’habiter (dwelling) réfère aux « formes que les individus construisent, que ce soit dans l’imaginaire ou concrètement » et qui « émergent dans le sillage de leurs activités sociales, dans le contexte relationnel spécifique de leur engagement pratique avec leur environnement ».

Ce numéro rassemble des textes qui présentent des réflexions originales autour de ces deux concepts, construire (building) et habiter (dwelling) qui, nous pensons, ne s’excluent pas l’un l’autre mais coexistent de façon originale dans de nouveaux aménagements politiques, architecturaux, culturels, ce que les auteurs se sont attaqués à montrer. En effet, les relations entre construire (building) et habiter (dwelling) semblent pouvoir être articulées aussi bien dans un sens que dans l’autre : construire (building) pour ensuite habiter (dwelling) de façon significative, ou comprendre l’habiter (dwelling) pour ensuite mieux réinventer et construire (building) des lieux culturellement et socialement appropriés et appropriables. L’originalité et l’intérêt de ces relations sont ici mises en évidence de façons nuancées, aussi bien à l’échelle des territoires, des villages (les environnements urbanisés) que des lieux de la vie intime (les maisons). Divers enjeux politiques, perspectives culturelles, référents symboliques ou dynamiques historiques propres au passage de l’habiter (dwelling) au construire (building), ou inversement, sont ici explorés, qui permettent de réfléchir aux conditions requises pour produire/construire un véritable « habiter » inuit.

Dans cette optique, nous avons organisé les contributions des auteurs en trois temps/thèmes :

  • 1. Expériences de l’habiter. Ce thème permet de mieux mesurer et comprendre, avec nuances, l’ampleur et la profondeur des défis et enjeux de l’habiter qui se présentent aujourd’hui, tout particulièrement en termes culturels et territoriaux. Différentes formes d’art sont mises à contribution pour présenter diverses expériences de l’habiter, en allant de nuna à la maison.

  • 2. Recherche-création et recherche-participation. Ce thème permet d’imaginer des modèles ou des scénarios d’habitation plus appropriés au contexte circumpolaire, qui pourraient être envisagés aussi bien à l’échelle de la maison, que celle d’équipements communautaires ou des villages. Ces modèles et scénarios, conçus en termes qui sont davantage qualitatifs que quantitatifs, s’inscrivent fortement dans les pratiques et aspirations locales, ce qui permet d’envisager un avenir plus durable et culturellement approprié.

  • 3. Pratiques et gouvernance en aménagement. Ce thème interroge les conséquences de pratiques et modes de gouvernance qui s’inscrivent dans un contexte colonial et de marché limité, avec très peu d’égard pour l’habiter et ses considérations sociales, culturelles et symboliques. Les auteurs proposent quelques pistes de transformations novatrices des manières de produire les milieux de vie inuit et leurs formes bâties, afin que les communautés participent davantage à leur construction.

Expériences de l’habiter

Expériences de l’habiter regroupe cinq textes intéressés par une certaine représentation des Inuit par eux-mêmes (Inuit self-representation) et la mettent en lumière de façons fort originales. Ce qu’habiter (dwelling) peut signifier (ou impliquer) est ici abordé à travers différentes formes culturelles et artistiques véritablement inuit (bien que colligées et interprétées par des chercheurs allochtones).

Le texte de Michael Fortescue, Nunamiut, the Tundra Dwellers, retrace l’origine, la généalogie et l’histoire, dans les langues Inuit-Yupik, du terme nuna dont les connotations, soutient l’auteur, contrastent avec celles du mot land en anglais, par lesquels on le traduit habituellement. À travers ce texte étonnant par son érudition et sa profondeur, l’auteur propose tout d’abord une initiation aux méthodes de la recherche en ethno-linguistique. Plus encore, il nous entraîne dans un récit fascinant sur l’idée (ou l’image) multiple de l’habiter et de ses liens étroits avec la toundra, ses caractéristiques et ses significations. Nunamiut, the Tundra Dwellers offre une assise nouvelle à partir de laquelle les interprétations et lesrelations de ce mot fort important nuna pourra désormais être mesuré et apprécié.

Dans Between Lines and Beyond Boundaries : Alootook Ipellie’s Entanglements of Space, Émélie Desrochers-Turgeon explore les dimensions de l’habiter inuit, à travers l’oeuvre à voix multiples de l’artiste, poète, écrivain, éditeur et activiste Alootook Ipellie (1951-2007). La richesse de l’Inuit nunangat est mise en lumière et en valeur dans l’oeuvre d’Ipellie, aussi bien par les mots que par les images. Aussi, avec humour (et ainsi de façon sans doute plus percutante), Ipellie témoigne (tout en les critiquant plutôt vertement) des changements sociaux (très souvent néfastes) qui ont accompagné le passage de la vie semi-nomade à la vie sédentaire. L’auteure propose ainsi d’apprécier l’oeuvre d’Ipellie à travers un angle original, celui de « l’épaisseur » des lignes, des frontières, des espaces et des entre-deux qui caractérisent aussi bien ses écrits que ses dessins et ses caricatures à saveur politique.

Mathieu Avarello s’intéresse aux relations entre paysages et habitation. Dans Entre regards et territoire. Composition d’atlas paysagers selon une approche perceptive territorialiste, Salluit et Inukjuak, il relate une activité participative qui invitait les Inuit à définir, et ainsi qualifier, leurs lieux d’habitation à travers la photographie. Les oeuvres issues de cette expérience sont appréciées à l’aune des principes de l’approche perceptive, elle-même empruntée à l’école territorialiste. Une urbanité nouvelle, en construction ou en reconstruction, pourrait en émerger, à l’échelle des villages nordiques.

Les deux derniers textes de cette section s’intéressent à l’idée même de l’habiter vrai, à travers deux objets ou sujets culturels significatifs : la cabane (cabin) que les Inuit construisent eux-mêmes, pour eux-mêmes, sur la toundra et la maison comme univers symbolique. Savoir-faire locaux et auto-construction dans la toundra. Une lecture des cabanes du fjord de Salluit (Note de recherche) par Pierre-Olivier Demeule, met en lumière l’ingéniosité vernaculaire et les savoir-faire des communautés inuit. De magnifiques dessins, ou « déconstructions graphiques », illustrent une compréhension et une appréciation fines de ces cabanes. Ils montrent aussi toute la sagacité des bâtisseurs inuit, tout en suggérant des pistes de réflexion pour un construire (building) arctique plus significatif. La note de recherche de Myrtille Bayle, intitulée Réflexions pour une architecture significative : Univers symbolique et matériel de la maison chez les Inuit du Nunavik, souligne l’apport de la littérature inuit pour une meilleure compréhension de la maison. On y répertorie des valeurs, des pratiques et des définitions inuit de l’habiter (dwelling), ainsi que les attentes des habitants en termes de qualités architecturales, d’expériences et de formes. La maison symbolique inuit est ainsi décrite soit comme un morceau d’univers qui fait partie de nuna, la terre des Inuit, et qui témoigne de l’appartenance collective au territoire, soit comme un corps protecteur et identitaire, soit comme un espace social.

Recherche-création et recherche-participation

Le second thème, Recherche-création et recherche-participation, met en valeur des recherches qui permettent d’imaginer des modèles ou des scénarios d’habitation plus appropriés, à différentes échelles. Ces nouvelles idées et façons de faire ont été développées dans le but d’envisager un avenir plus durable et culturellement approprié, où les communautés inuit prennent un rôle plus important dans la conception et la transformation de leur cadre bâti. Bien qu’ils abordent des échelles d’interventions différentes, les trois articles présentés dans cette section ont en commun de s’ancrer dans les réalités et expertises locales pour développer de telles solutions.

Dans Unsettling Ground : Artic Urbanism on Fluid Geology, Jason McMillan et Lola Sheppard traitent de la relation entre communautés et territoire, en explorant les diverses identités, significations et transformations qui lui sont rattachées. Appuyé par des rencontres avec des membres de la communauté et des acteurs de l’habitation à Arviat, au Nunavut, l’article met ainsi en lumière les écarts (gaps) importants qui existent entre les pratiques d’architecture et d’aménagement actuelles, très statiques, et le terrain (ground) qui, à travers ses multiples changements, est de plus en plus instable. L’article invite à porter notre regard sur les pratiques locales et informelles, comme des réponses fournies par les autorités locales et les résidents aux problèmes de développement actuels. Ces pratiques offrent un ensemble unique de leçons pour ceux qui souhaitent concevoir « avec et pour » les communautés nordiques, afin de trouver un équilibre entre les contraintes techniques urgentes et l’autorité des Inuit sur leur propre territoire.

Les deux autres articles présentent des démarches de recherche-création qui visent à réfléchir, en collaboration avec les communautés locales, à l’organisation spatiale et physique des milieux de vie en proposant des scénarios de transformation et de construction « possibles ». Dans ce contexte, les projets de design urbain et d’architecture ne sont pas pensés comme des solutions définitives, mais plutôt comme des outils pour faciliter les échanges et la co-construction de connaissances entre différents types d’expertises, incluant les savoirs locaux, et discuter des orientations à privilégier afin de faciliter la prise de décision par les Inuit. Pour ce faire, ces recherches s’appuient sur un processus itératif supporté par des données variées (études de cas, données scientifiques, observations et discussions) dont la majorité sont ancrées dans les réalités quotidiennes des communautés. Le texte de Geneviève Vachon et de ses collègues, Territorialities and Urbanities Transform : A Scenario-Based Approach to Local Planning and Decision-Making in Inukjuak and Salluit, Nunavik, offre une réflexion sur deux projets de recherche-création collaboratifs réalisés dans le cadre d’une formation en design urbain, qui proposent des scénarios de transformation pour le futur durable des villages du Nunavik. Les auteurs y présentent une approche territorialiste, qui considère la nature complexe et changeante des multiples rapports des Inuits à leur territoire, ainsi que les manières spécifiques d’organiser leur milieu de vie en fonction de ces relations et significations. De façon similaire à l’article de McMillan et Sheppard, on suggère qu’une meilleure intégration de ces représentations et pratiques locales est cruciale pour développer des moyens d’action réalistes et utiles, à la base d’un urbanisme inuit caractérisé par l’autodétermination. Dans Habiter et pensées nomades : Réflexions sur l’architecture des Maisons des jeunes (et intergénérationnelles) au Nunavik, Myriam Blais et Marika Vachon s’intéressent à l’habiter (dwelling) et sa relation significative avec le territoire. L’article présente un projet de recherche-création participative qui visait à explorer de nouvelles approches à la programmation, la conception et la construction de Maison des jeunes. L’habiter, principal angle d’approche du processus de recherche, y est abordé comme l’occasion d’offrir des moments et lieux pour que les habitants puissent être leurs propres créateurs de sens. L’article met ainsi en lumière l’intérêt d’un processus de conception architecturale en participation, qui contribue à rendre visibles la présence, la culture et les aspirations des jeunes Inuit.

Pratiques et gouvernance en aménagement

Que l’on parle du manque de logement, du surpeuplement de ces derniers et des problèmes de santé engendrés, des défis associés à la construction et à la planification des communautés dans l’Arctique, les pratiques et modes de gouvernance en aménagement s’y inscrivent généralement dans un contexte colonial et un modèle de gestion de crise. Quelles sont les conséquences de cette façon d’appréhender la réalité de l’habiter dans l’Arctique, sans égard pour la culture locale ? En quoi les politiques et la gouvernance en aménagement empêchent ou permettent d’articuler l’acte de construire (building) et le fait d’habiter (dwelling) ?

Le second témoignage d’Olivia Ikey dans ce numéro, Housing Issues of Youth in Nunavik, introduit ce thème en présentant comment les Inuit perçoivent cette crise du logement et surtout, quelles en sont les conséquences sur leur vie quotidienne. L’acquisition d’un logement social, qui constitue le principal mode d’accès à une habitation au Nunavik, s’appuie sur des critères limitatifs tels que la démonstration de besoins liés à la pauvreté financière, au nombre d’enfants et autres situations sociales critiques. Les impacts d’un tel système sur d’autres aspects de la vie et des aspirations des jeunes Inuits sont nombreux : opportunités d’emploi limitées par l’impossibilité de se loger, développement des familles, mobilité nord-sud, etc. Pour mettre fin à ce système ancré dans la dépendance, Ikey propose un nouveau modèle de production et de distribution des logements, lié à la capacité de démontrer son autonomie et accompagné par des modèles d’habitations plus flexibles et surtout variés, qui rencontre l’éventail de besoins et situations des jeunes et tient compte de leur complexité, tels que des safe house et espaces pour les jeunes, du logement locatif, des résidences de courte-durée, des coopératives, de la location-achat, etc.

La parole inuit et les travaux de recherche sur les pratiques et la gouvernance du logement et de l’aménagement s’entendent sur le poids du système en place, limitant les choix et les possibilités d’autodétermination des communautés nordiques. Il reste toutefois beaucoup à apprendre sur l’ensemble des conséquences, passées et actuelles, de ce système sur les milieux de vie produits et leurs formes bâties, ainsi que sur les manières dont les habitants créent leurs propres opportunités pour s’y engager, les transformer et y habiter. Les trois autres textes de cette section contribuent aux connaissances sur cette question en analysant comment les pratiques et modes de gouvernance actuels produisent l’habitation et les villages dans l’arctique et en proposant quelques pistes de transformations novatrices qui permettraient aux communautés de participer davantage à la conception et la construction de leurs milieux de vie.

L’article de Maxime Rochette, La transformation des territoires nordiques urbanisés : Étude de la forme et des traits distinctifs des villages inuit du Nunavik, se penche sur la transformation des villages du Nunavik en soulignant le rôle des politiques d’aménagement et organisations municipales et de gestion du territoire dans la détermination de leur forme bâtie. L’auteur emploie une analyse typomorphologique pour cerner des particularités, dans l’organisation formelle et fonctionnelle des villages, qui ont traversé le temps et qui en révèlent l’identité : tracé des rues plus anciennes, sentiers informels, abords de commerces, rapports aux cours d’eau et autres attributs naturels. L’étude montre également que l’expansion rapide des villages se fait au détriment de leurs caractéristiques distinctives. L’auteur propose ainsi qu’une planification plus respectueuse des aspirations inuit locales prennent en compte ces marqueurs symboliques dans les nouvelles formes de développement urbain.

Dans Habiter le Nunavik : Considérer le système de production du logement en envisageant la complexité, Marika Vachon s’intéresse également au rôle des « forces extérieures » qui dictent les formes bâties mais, cette fois-ci, en se concentrant plus spécifiquement sur les organisations et les processus de production du logement, dont les communautés inuit sont majoritairement absentes. L’article met en lumière différentes formes de complexité présentes dans le système actuel de production du logement, ce qui encourage une logique de rationalité technique axée sur la quantité, plutôt que sur des considérations sociales, culturelles ou symboliques. Passer d’une telle logique à un habiter (dwelling) significatif nécessite un « engagement dans l’action » qui se traduit non seulement par l’appropriation du cadre bâti, mais aussi par un contrôle collectif sur les moyens de sa production et ce, à toutes les étapes du processus.

Le dernier texte de ce numéro, une note de recherche par Lola Sheppard, Nunavut Urban Futures : Vernaculars, Informality and Tactics, propose trois approches inspirantes pour des pratiques d’aménagement culturellement plus durables pour les milieux urbains dans l’Arctique. Appuyé par des travaux et expériences de recherche au Nunavut, ainsi que des apports théoriques variés, le texte offre une synthèse intéressante des pistes conceptuelles et approches soulevées par différents auteurs dans ce numéro, que ce soit pour questionner ou pour repenser les modes de gouvernances, les pratiques d’aménagement et l’architecture des communautés nordiques. Ces pistes offrent un ensemble de possibilités pour changer les façons de faire actuelles en architecture et en aménagement, afin de laisser la place aux communautés pour qu’elles puissent penser, s’engager, contrôler et ainsi, habiter leurs environnements urbains.

Conclusion

Ce numéro présente une richesse certaine dans la diversité des perspectives sur les relations entre habiter (dwelling) et construire (building) : ces deux concepts, loin de s’exclure l’un l’autre, peuvent en effet coexister de façon originale dans de nouveaux aménagements politiques, culturels, urbains ou architecturaux. Tout en reconnaissant les défis, les enjeux, les obstacles et les urgences actuellement associés à la question de l’habitation dans l’Arctique, les auteurs ont principalement réfléchi aux conditions nécessaires pour que les milieux de vie inuit et autochtones puissent constituer de véritables « habiter ». Ils ont principalement mis l’accent sur la compréhension et la conception d’autres et meilleurs « possibles », notamment par l’établissement de relations de travail et de communication réelles avec les communautés autochtones, ainsi que par des occasions d’adaptations et d’appropriations des milieux de vie.

Des thèmes porteurs ont été proposés : 1) la redéfinition, ou une nouvelle définition, de l’habiter vernaculaire nordique, aussi bien dans ses significations que dans ses formes, dans la conception de nouveaux milieux de vie culturellement appropriés ; 2) une meilleure intégration des pratiques locales et quotidiennes des communautés dans la mise en place de processus d’aménagement inclusifs et significatifs ; 3) l’engagement accru avec les réalités géographiques, écologiques, paysagères et saisonnières ; et 4) l’importance et la signification de nuna et des rapports fort positifs que les communautés entretiennent avec elle, que ces rapports soient réels ou imaginés, dans toutes leurs nuances et subtilités.

L’ensemble de ce numéro fait aussi la part belle aux travaux et recherches d’un bon nombre de jeunes chercheurs, ce dont nous sommes très fières. De jeunes architectes et designers urbains, de jeunes théoriciens de l’habiter, de jeunes penseurs et acteurs du/pour/avec le Nord, répondent à l’invitation lancée par Olivia Ikey et se mobilisent pour imaginer des façons innovantes d’habiter et de construire un Nord nouveau et durable.

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We have chosen to begin this thematic issue “Building and dwelling in Inuit Nunangat” with the words of Olivia Ikey, a young Inuk and youth advocate from Kuujjuaq, greatly involved in the issues of governance, affordability and quality of housing for Inuit communities in Nunavik, and especially for youth. Olivia delivered this advocacy talk on October 3rd 2019, as the spiritual sponsor of a special day of reflection on Inuit housing and its territories entitled Living in Northern Quebec: Issues and Challenges of Appropriate and Meaningful Living Environments for Inuit Communities. The talk recounted eloquent and rich personal experiences, as well as militant and proactive actions. It also invited those present to welcome the “truth” of Inuit in this search to offer, and once again particularly to young Inuit, “a place to call home”, while involving them in the decisions that impact them so closely. From this engaging and thought-provoking presentation, we take away a few inspiring words that offer an optimistic look at a culturally sustainable and meaningful future:

Our truths, together with your diplomas, will build better houses, which will not only last for many many years but will also be passed on to the next generation of Inuit.

(…)

We can bring these very simple things into the conversation to help you understand and to help us pick the right home, because, like I said, these homes are not just shelters: they are saving lives, they are saving children, they are saving the lives of people going through a severe housing crisis. So, you’re all going to play a role in saving lives, but you need an Inuk partner for that to happen.

The questions of housing, of dwelling, of the house or the home within communities living in the Arctic are the object of a growing interest from researchers in architecture, urban design, the social sciences and humanities, and anthropology. Ever since the recent housing crisis in circumpolar communities was recognized as a real political problem, these questions have been addressed and pondered in their many dimensions by these different disciplines. Several social science researchers have examined housing management, housing policy, and access to housing, especially unequal access (Duhaime 1986; Collings 2005; Stern 2005; Therrien 2013; Therrien and Duhaime 2017). Other researchers have sought to understand the impacts of overcrowding on health (Ruiz-Castell et al. 2015) and domestic violence (Hervé and Laneuville 2017). Anthropology and geography have investigated how Inuit perceive their territories (natural or urbanized) and dwelling spaces and how they are re-appropriating the new housing they now occupy (Bordin 2003; Collignon 2006; Dawson 2006; Tester 2006; Dybbroe 2008; Desbiens 2012; Brière 2014; Brière and Laugrand 2017).

More recently, researchers in architecture and urban design have investigated the quality of the living spaces that could or should be produced, in relation to the aspirations of communities, the cultural referents that drives these aspirations, as well as the relationships with a vast territory that still belongs to their representations (Piché et al. 2017). The work and activities carried out in various academic settings, notably by Habiter le Nord québécois (HLNQ 2020, 2019a, 2019b, 2017, 2016; Bhatt et al. 2020), Lateral Office (Sheppard and White 2019, 2017), Arctic Design Group (Cho et al. 2019) or OCULS (Hemmersam 2021, 2016), are particularly representative of research-creation carried out in participation or collaboration with indigenous communities of the Arctic.

This thematic issue of Études Inuit Studies is, one might say surprisingly, the very first that the journal has devoted specifically to the crucial questions of building and dwelling in the Arctic. It has been motivated by the richness of a growing body of research (particularly in architecture and in urban design) that provides a forward-looking perspective on culturally appropriate and sustainable living environments. In this respect, we wish to acknowledge two founding texts that, while crossing disciplines, have greatly contributed to the definition of our theme: Nordicité canadienne by Louis-Edmond Hamelin (1980) and La sédentarisation au Nouveau-Québec inuit by Gérard Duhaime (1986). Other, more recent, texts also appear to be important for several authors in this issue: Esprit des lieux et modèles culturels. La mutation des espaces domestiques en arctique inuit by Béatrice Collignon (2001), Seeing Like an Inuit Family: The Relationship Between House Form and Culture in Northern Canada by Peter Dawson (2006), Iglu to Iglurjuaq by Frank Tester (2006), Terre de l’ombre ou terre d’abondance? Le Nord des Inuit by Louis-Jacques Dorais (2008), and Un nouveau sens du lieu? “L’effet urbain” dans les communautés du Nunavik by Caroline Desbiens (2017).

Building and dwelling / Dwelling and building … in three themes

The image we have selected for the cover, Drawing for the print “Modern settlement—Traditional camps” (1978-1979) by Pudlo Pudlat[1], eloquently illustrates a situation (or recent history) experienced by a large majority of indigenous communities in the Arctic. While open to interpretation (Pudlo’s work is often marked by a certain irony towards the trappings or attributes of modern Arctic life), this image serves to initiate, support and accompany our theme of the relationship between building and dwelling. In The Perception of the Environment. Essays in Livelyhood, Dwelling and Skill, the anthropologist Tim Ingold (2006, 186) seeks to distinguish the act of building from the fact of dwelling. Building refers to the basic material need to make oneself a shelter, while dwelling refers to “forms people build, whether in the imagination or on the ground” and that “arise within the current of their involved activity, in the specific relational contexts of their practical engagement with their surroundings”.

This issue brings together texts that present original reflections on these two concepts, building and dwelling, which, we believe, are not mutually exclusive; as the authors have set out to show, they can coexist in original ways through new political, architectural, and cultural arrangements. Indeed, the relations between building and dwelling can be articulated in both directions: building in order to dwell in a meaningful way, or understanding dwelling in order to better reinvent and build culturally and socially appropriate and appropriated places. The originality and interest of these relationships are highlighted here in nuanced ways, at the scale of territories, villages (urbanized environments) and intimate daily spaces (houses). Various political issues, cultural perspectives, symbolic referents or historical dynamics that are specific to the passage from dwelling to building, or vice versa, are explored. This allows us to reflect on the conditions required for making an Inuit house once more a true ‘home’.

With this in mind, we have organized the authors’ contributions into three times/themes:

  • 1. Experiences of dwelling. This theme aims at better measuring and understanding, with nuance, the breadth and depth of the dwelling challenges and issues that Inuit are facing today, especially in cultural and territorial terms. Various art forms are used to present the multiple experiences of dwelling, from nuna to the house.

  • 2. Research-creation and research-participation. This theme allows us to imagine dwelling models or scenarios that are more appropriate to the circumpolar context, at the scale of the house, community facilities or villages. These models and scenarios, that have been conceived qualitatively rather than quantitatively, are strongly embedded in local practices and aspirations, thus showing the way forward to a more sustainable and culturally appropriate future.

  • 3. Planning practices and governance. This theme questions the consequences of practices and modes of governance inscribed in colonial and limited market logics, with very little regard for the fact of dwelling and its social, cultural and symbolic considerations. The authors propose innovative ways of transforming how Inuit living environments and their built forms are produced, supporting a better community participation.

Experiences of dwelling

Experiences of dwelling gathers five texts that are interested in Inuit self-representations, highlighting these in very original ways. What dwelling means (or implies) is here approached through different Inuit cultural and artistic forms (although collected and interpreted by non-Inuit researchers).

Michael Fortescue’s text—Nunamiut, the Tundra Dwellers—traces the origin, genealogy and history, in the Inuit-Yupik languages, of the term nuna, whose connotations, the author argues, contrast with those of the word land in English, by which it is usually translated. Through this text, astonishing in its erudition and depth, the author offers an introduction to the methods of ethno-linguistic research. More than that, he takes us into a fascinating account of the diverse idea (or image) of inhabitation and its close links with the tundra, its characteristics and its meanings. Nunamiut, the Tundra Dwellers provides a new foundation from which the interpretations/relations of this all-important word nuna can now be measured/appreciated.

In Between Lines and Beyond Boundaries: Alootook Ipellie’s Entanglements of Space, Émélie Desrochers-Turgeon explores the dimensions of Inuit inhabitation through the multi-voiced work of artist, poet, writer, editor and activist Alootook Ipellie (1951-2007). The richness of Inuit Nunangat is highlighted and emphasized in Ipellie’s work, both in words and images. Also, with humor (and thus in a way that is undoubtedly more striking), Ipellie bears witness (while criticizing them rather harshly) to the (very often harmful) social changes that accompanied the transition from semi-nomadic life to sedentary life. The author thus proposes to appreciate Ipellie’s work through an original angle: the “thickness” of the lines, borders, spaces and in-betweens that characterize his writings as well as his political drawings and caricatures.

Mathieu Avarello is interested in the relationship between landscape and housing. In Entre regards et territoire. Composition d’atlas paysagers selon une approche perceptive territorialiste, Salluit et Inukjuak, he recounts a participatory activity that invited Inuit to define, and thus qualify, their places of dwelling through photography. The works resulting from this experience are assessed according to principles of the perceptive approach, itself borrowed from the Territorialist School. A new urbanity, under construction or in reconstruction, at the scale of the Nordic villages, could emerge from such processes.

The last two texts in this section focus on the very idea of true ‘dwelling’, through two significant cultural objects/subjects: the cabin that Inuit build by and for themselves on the tundra and the house as a symbolic universe. Savoir-faire locaux et auto-construction dans la toundra. Une lecture des cabanes du fjord de Salluit (Note de recherche) by Pierre-Olivier Demeule, highlights the vernacular ingenuity and know-how of Inuit communities. Magnificent drawings, or “graphic deconstructions”, illustrate a fine understanding and appreciation of these cabins. They also show the sagacity of the Inuit builders, while reflecting on more meaningful ways to build in the Arctic. Myrtille Bayle’s research note, entitled Réflexions pour une architecture significative: Univers symbolique et matériel de la maison chez les Inuit du Nunavik, underlines the contribution of Inuit literature to a better understanding of the house. The text identifies Inuit definitions, values and practices associated to dwelling, as well as inhabitants’ expectations of in terms of architectural qualities, experiences and built forms. The symbolic Inuit house is thus described either as a piece of the universe that is part of nuna, the land of the Inuit, and that testifies to the collective belonging to the territory, or as a protective and identifying body, a social space.

Research-Creation and Research-Participation

The second theme, Research-Creation and Research-Participation, showcases studies that imagine more appropriate housing models or scenarios, at different scales. These new ideas and ways of doing have been developed with the aim of envisioning a more sustainable and culturally appropriate future, where Inuit communities take a greater role in the design and transformation of their built environment. Although they address different scales of intervention, the three articles presented in this section all share an approach rooted in local realities and expertise, as a condition to develop such solutions.

In Unsettling Ground: Artic Urbanism on Fluid Geology, Jason McMillan and Lola Sheppard address the relationship between community and land, exploring the ground’s various identities, meanings and transformations. Based on meetings with community members and housing stakeholders in Arviat, Nunavut, the article highlights the significant ‘gaps’ existing between current, highly static architectural and planning practices and the ground, which is becoming increasingly unstable through its multiple changes. The article invites us to look at local and informal practices as responses offered by local authorities and residents to current development problems. These practices thus offer a unique set of lessons for those wishing to design “with and for” northern communities, and to balance pressing technical constraints with Inuit’s authority over their own land.

The other two articles present research-creation approaches that aim to reflect, in collaboration with local communities, on the spatial and physical organization of living environments by proposing “possible” transformation and construction scenarios. In this context, urban design and architecture projects are not presented as definitive solutions, but rather as tools to facilitate the exchange and co-construction of knowledge between different types of expertise, including local knowledge, and to discuss the best orientations to facilitate Inuit decision-making. To do so, this type of research relies on an iterative process supported by various data (case studies, scientific data, observations and discussions), most of which are anchored in the daily realities of communities. The text by Geneviève Vachon et al., Territorialities and Urbanities Transform: A Scenario-Based Approach to Local Planning and Decision-Making in Inukjuak and Salluit, Nunavik, offers a reflection on two collaborative research-creation projects, carried out within the context of urban design education, that propose transformation scenarios for the sustainable future of Nunavik villages. The authors present a territorialist approach, which considers the multiple, complex and changing relationships of Inuit to their land, as well as their specific ways of organizing their living environment according to such relationships and meanings. Similarly to McMillan and Sheppard’s article, it is suggested that a better integration of local representations and practices is crucial to develop realistic and useful means of action, which are the basis for an Inuit urbanism characterized by self-determination. In Habiter et pensées nomades: Réflexions sur l’architecture des Maisons des jeunes (et intergénérationnelles) au Nunavik, Myriam Blais and Marika Vachon focus on dwelling and its meaningful relationship with the land. The article presents a participatory research-creation project that aimed at exploring new approaches to the programming, design and construction of youth houses. Dwelling, the main conceptual approach of the research process, is discussed as an opportunity to offer inhabitants moments and places to be their own creators of meaning. The article thus highlights the value of a participatory architectural design process, which makes visible the presence, culture and aspirations of Inuit youth.

Planning Practices and Governance

Whether addressing the housing shortage, the overcrowding and resulting health problems, or the challenges associated with building and planning communities in the Arctic, planning practices and governance are generally embedded in a colonial context and a crisis management model. What are the consequences of this way of framing the reality of living in the Arctic, without much regard for the local culture? How do planning policies and governance hinder or enable the transition from the act of building to the fact of dwelling?

Olivia Ikey’s second paper in this issue, Housing Issues of Youth in Nunavik, introduces this theme by presenting how Inuit perceive the housing crisis and, more importantly, its consequences for their daily lives. The distribution of social housing, which is the predominant mode of access to housing in Nunavik, is based on restrictive criteria such as the demonstration of needs related to financial poverty, number of children and other critical social situations. Such a system has numerous direct and indirect impacts on the lives and aspirations of Inuit youth: employment opportunities limited by the inability to find housing, family development, north-south mobility, etc. To put an end to this system rooted in dependence, Ikey proposes a new model of housing production and distribution, based on one’s ability to demonstrate autonomy and accompanied by more flexible and diverse housing models, which meet the youth’s range of needs and situations and take into account their complexity: safe houses and safe spaces for youth, rental housing, short term residences, cooperatives, rent to own, etc.

Inuit voices and research on housing and planning practices and governance agree that the current system creates limited choices and opportunities for northern communities and their self-determination. However, much remains to be learned about the consequences, past and present, of this system on the produced living environments and their resulting forms, as well as the ways in which residents create their own opportunities to engage with, transform and inhabit these environments. The other three papers in this section contribute to knowledge on this issue by analyzing how current practices and modes of governance produce housing and villages in the Arctic and by proposing innovative transformations that would allow communities to better participate in the design and construction of their living environments.

Maxime Rochette’s article La transformation des territoires nordiques urbanisés: Étude de la forme et des traits distinctifs des villages inuit du Nunavik examines the transformation of Nunavik’s villages by highlighting the role of municipal and land management policies and organizations in determining their built form. The author uses a typomorphological analysis to identify permanent features in the villages’ formal and functional organization that reveal their identity: older street patterns, informal pathways, commercial building edges, relationships to waterways and other natural attributes. The study also shows that the rapid expansion of villages is occurring at the expense of their distinctive characteristics. The author proposes that planning practices more respectful of local Inuit aspirations should take these symbolic markers into account in the new forms of urban development.

In Habiter le Nunavik: considérer le système de production du logement en envisageant la complexité, Marika Vachon also looks at the role of “outside forces” in dictating built forms, but this time by focusing more specifically on the organizations and processes of housing production, from which Inuit communities are largely absent. The article highlights different forms of complexity present in the current housing production system, which encourages a logic of technical rationality focused on quantity, rather than on social, cultural or symbolic considerations. Moving from such a logic to a meaningful dwelling requires a “commitment to action” that translates not only into a better appropriation of the built environment, but also into a collective control over the means of its production, at every stage of the process.

The final text in this issue, a research note by Lola Sheppard, Nunavut Urban Futures: Vernaculars, Informality and Tactics, proposes three inspiring approaches towards more culturally sustainable planning practices for urban environments in the Arctic. Drawing on research and experience in Nunavut as well as a variety of theoretical contributions, the text offers an interesting synthesis of conceptual avenues and approaches raised by various authors in this issue, whether to question or rethink modes of governance, planning or architecture practices in northern communities. These avenues offer a set of possibilities for doing things differently in architecture and planning, in order to leave room for communities to think, engage, control, and thus dwell in their urban environments.

Conclusion

This thematic issue offers a rich diversity of perspectives on the relationship between dwelling and building: these two concepts, far from being mutually exclusive, can indeed coexist in an original way in new political, cultural, urban or architectural developments. While recognizing the challenges, issues, obstacles and urgencies currently associated with the question of housing in the Arctic, the authors have mainly reflected on the conditions necessary for Inuit and indigenous living environments to constitute true ‘dwellings’. The authors’ main focus was on understanding and designing other and better ‘possibles’, through the development of concrete working and communication relationships with indigenous communities, as well as opportunities for adaptations and appropriations of living environments.

The articles propose overarching themes: 1) redefining—or a new definition of—northern vernacular dwelling, both in its meanings and forms, for the design of new culturally appropriate living environments; 2) a better integration of local and everyday practices in the development of inclusive and meaningful planning processes; 3) increased engagement with geographic, ecological, landscape and seasonal realities; and 4) the importance and significance of nuna and the very positive relationships that communities have with nuna, whether real or imagined, in all their nuances and subtleties.

This issue also features the work and research of a number of young scholars, of which we are very proud. Young architects and urban designers, young theorists of the dwelling, young thinkers and actors of/for/with the North, respond to the invitation launched by Olivia Ikey and work to imagine innovative ways of living and building a new and sustainable North.

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