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Aux tournants des années 1790, en pleine tourmente révolutionnaire, au coeur de toute une agitation politique sans précédent qui secouera l’Europe et les monarchies, Joseph Joubert (1754-1824), retranché sagement à Villeneuve-sur-Yonne (anciennement Villeneuve-le-Roi), pose tranquillement sur sa table de travail des petits carnets qu’il s’est fait relier personnellement avec beaucoup de soins et de minutie. C’est là, dans sa petite bibliothèque personnelle (qui existe encore aujourd’hui, figée dans le temps, comme une bonne partie du village d’ailleurs), dans l’odeur rance et l’humidité saisissant les pages de ses livres par temps froid, que Joubert note ses pensées sans trop savoir ce qu’il fait. Que fait-il ? En effet, difficile de trancher : est-ce une sorte d’essai nouveau, du fragment romantique ou de la prose poétique décousue à la Chateaubriand ? L’histoire littéraire a tiré Joubert de tous les côtés, dans un étrange cas de caméléonisme post mortem de cet homme dont les carnets ont parcouru les deux derniers siècles sans faire de véritables remous, et dont leur auteur a « passé », comme le dit Georges Perros, « doucement les générations successives, montrant à peine ses papiers à la douane[1] ». Demeurés à l’état manuscrit de son vivant, les petits cahiers qu’il se faisait relier et dont il remplissait les pages de phrases et de dessins en suivant le beau désordre de sa pensée ont été publiés après sa mort sous la supervision de Chateaubriand (par l’entremise d’un certain Duchesne) au nom de l’amitié, et n’ont cessé dès lors d’être interprétés en regard du courant auquel appartenaient ses lecteurs : Joubert est pour Sainte-Beuve un moraliste classique égaré dans le siècle de Napoléon ; il est pour Baudelaire une sorte de dandy spirituel avant l’heure ; pour Barbey d’Aurevilly, auteur de Les Critiques ou les juges jugés, il se change en un critique remarquable ; pour Jules Lemaître, il devient symboliste ; chez Proust, on voit l’édition de ses Pensées circuler entre les mains du snob Legrandin et de Swann ; puis, à l’heure où l’on commence à publier des journaux d’écrivains, ceux de Stendhal ou de Benjamin Constant à la fin du XIXe siècle, on publie Joubert sous forme de journal intime ; Rémy Tessonneau en fait un éducateur, ce qu’il était lui-même ; Maurice Blanchot l’enrôle dans la guilde des écrivains du livre à venir ; Georges Poulet le range parmi les poètes et phénoménologues de la lumière ; Georges Perros en parle comme d’un carnettiste supérieur[2]. Joubert, chaque fois, renvoie le lecteur à ses présupposés, comme s’il n’avait aucune identité d’écrivain à proprement parler. Et c’est justement là que Joubert se révèle moderne à l’extrême, sans aucunement s’en aviser.

Modernité de Joubert

« Quel est mon art ?[3] », se demande Joubert, ne sachant exactement ce qu’il est en train de faire en griffonnant sur le papier des pensées se changeant sans avertissement en petits dessins (des fleurs, sa femme en robe et à chapeau, des personnages de Villeneuve, des épis de maïs, son billard où il aime entendre les boules s’entrechoquer, etc.). Sans trop s’en douter, mais en pressentant néanmoins quelques conséquences de son geste, Joubert invente une nouvelle manière d’écrire, sinon l’écriture elle-même, au sens où elle se distinguera quelques décennies plus tard, avec le romantisme plus précisément, des belles-lettres héritées de l’Ancien Régime, c’est-à-dire de l’éloquence, de la belle parole, des règles du bien dire, en un mot, de la rhétorique classique.

Il n’est pas seul, bien entendu, à suivre cette voie incertaine : les frères Schlegel, en Allemagne, inventent à leur façon, très exactement à la même époque, le fragment romantique. Il y a bien aussi cet obscur Maine de Biran qui tient chaque jour un compte exact de ses humeurs dans ce que l’on appellera plus tard, à tort, son « journal ». Suivant l’examen minutieux des variations de son moral et d’apparition ou de disparition de la sensation au jour le jour, Biran découvre une voie nouvelle d’accès au transcendant, passant paradoxalement par le plus bas, par le plus prosaïque, puisque pour lui le plus grand se trouve dans l’infime et le presque rien, selon une poétique du sublime inversé appelée à un bel avenir. Respectant minutieusement les techniques d’observation de soi mises de l’avant par les idéologues et systématisées en 1810 par Marc-Antoine Jullien dans son Essai sur l’emploi du temps ou Méthode qui a pour objet de bien régler l’emploi du temps, premier moyen d’être heureux, Biran cherche à son tour la méthode de ce qu’il appelle une « médecine morale ». Il note au quotidien ses impressions dans des cahiers ou des agendas qui enregistrent les menus événements de son entourage ou, plus fréquemment, son mécontentement face à lui-même.

Joubert n’a pas ces scrupules ni cette discipline : il note ce que bon lui semble, quand bon lui semble, noircissant souvent sept ou huit pages la même journée, puis oubliant toute la semaine suivante de noter quoi que ce soit. Souvent, même, il prend ses cahiers pour des recueils de citations quand il transcrit directement des phrases tirées de ses lectures du moment qu’il entremêle à ses propres pensées, rendant ainsi quasiment impossible pour ses critiques ultérieurs la recherche des sources et la répartition précise de ce qui lui appartient et de ce qu’il emprunte sans vergogne à ses auteurs favoris. Il se révèle alors l’héritier direct de Montaigne, dont les Essais agissent comme un gigantesque estomac digérant toute sa culture antique pour s’approprier les sucs nutritifs de ses lectures et se les incorporer dans une nouvelle forme, qu’il invente aussi, celle de l’essai littéraire.

Joubert connaissait cette filiation mieux que personne, il se savait « comme Montaigne “impropre au discours continu” » (Carnets II, p. 240). Comme le sien, son discours a quelque chose de profondément décousu, d’inconsistant, de fragmentaire, au sens le plus moderne qui soit. À l’époque de Joubert, la philosophie kantienne pose les bases du discours de l’entendement, auxquelles Joubert ne saurait évidemment souscrire. L’usage de la raison (grâce à laquelle se réunit chez Hegel ce que l’entendement kantien désunit) ne donne donc pour Joubert aucunement accès au tout et à son agencement architectonique ; il n’y a pas d’architecture de l’idée dans les fragments de Joubert, car il n’y a pas non plus d’édifice, de temple formant le centre (même mobile) du cosmos et l’organisant (« Mes idées ! C’est la maison pour les loger qui me coûte cher à bâtir[4] »). Pire encore : pour Kant s’oppose au système ce qui n’est que « rhapsodie » (c’est-à-dire couture, suture des parties déchirées ou séparées) et l’on pourrait bien dire avec Hugo Friedrich que cette forme de pensée correspond bien aux Essais de Montaigne :

C’est à bon droit que Montaigne qualifie ses Essais de rhapsodie, d’oeuvre décousue, fragmentaire. Il offre ainsi lui-même le terme dont les philosophes systématiques se servent depuis toujours (et Kant le fait encore) pour caractériser la pensée systématique[5].

Si décousus soient-ils, les Essais de Montaigne forment encore une certaine continuité et s’ils ne sont pas articulés selon une volonté de système, ils demeurent néanmoins volontairement liés, ne serait-ce que par l’allure primesautière du récit d’une pensée. Cette rhapsodie n’existe pas dans les Carnets de Joubert, qui ressemblent plus à « l’amas per appositionem » dont parle Kant, car rien ne préside à leur réunion, sauf, bien entendu, la reliure que prévoyait Joubert lui-même pour chacun de ses carnets. Ainsi l’on peut dire que les Essais croissent, comme l’animal kantien, du dedans (comme le prouve leur « surnourriture » continuelle, croissance jamais achevée), tandis que les Carnets croissent, eux, chose apparemment incompréhensible, du dehors.

C’est-à-dire que Joubert croit aux « idées creuses » (Carnets I, p. 285), aux idées qui se laissent creuser par leur extérieur jusqu’à disparaître en lui. Le principe qui préside à leur production est leur propre amenuisement, afin qu’elles se confondent à la transparence et laissent être ce qui leur donne lieu. La médiation de l’organisation du livre (qu’il soit système, roman ou traité, ou même poème) doit en conséquence se faire minimale, n’être qu’un cadre vide permettant aux idées d’aller se « ficher dans la mémoire de Dieu » (Carnets I, p. 382), ce livre auquel ne doit être fait aucun ombrage. On ne peut en ce sens que souscrire aux termes par lesquels Françoise Susini-Anastopoulos oppose la pensée de Joubert au système :

Trop plein, trop lourd et pourtant comme inconsistant, le système s’applique à colmater les brèches, à camoufler les failles de la pensée et les brisures du raisonnement, là où Joubert prône la case vide et les « fenêtres », qui permettent à l’air de circuler, à la lumière d’inonder et à l’esprit de s’engager dans le mouvement ascensionnel qui le caractérise[6].

C’est dire que les fragments de Joubert font beaucoup plus que les fragments caractéristiques de la modernité, qui visent bien souvent l’interruption de la pensée afin de montrer l’entre-deux, le blanc, etc. Comme s’il enjambait d’un seul geste toute notre modernité et la dépassait du même coup (n’en est-on pas en effet encore à ce point d’interruption sans suite possible ?), Joubert renverse en effet la négativité du fragment pour lui donner pleine positivité afin de faire ressortir, selon les mots de Georges Poulet, « la positivité du divin dans la négativité apparente du vide[7] ».

Joubert antiperformatif

La modernité de Joubert se situe très exactement ici, dans une conception du langage à contre-courant de l’époque révolutionnaire et impériale, où les mots tranchent comme des couperets et deviennent plus que jamais performatifs en révélant leur propre soubassement de terreur et leur valeur d’action. Jamais les mots n’ont autant été des gestes, pour paraphraser Austin, que dans les décrets révolutionnaires du Comité de salut public, par exemple. Face à cette toute-puissance du langage-décret (qui fait souvent croire, à tort évidemment, que cette période a été celle d’une littérature exclusivement politique, ce dernier terme entendu au sens restreint[8]), Joubert se retranche, comme Montaigne, de la vie publique et disperse, étoile ou distend, comme on le voudra, un langage déchu de sa capacité d’action. « Les mots comme autant de roulettes » (Carnets I, p. 552), note Joubert en marge de ses carnets, comme pour faire jouer en eux leur dimension hasardeuse ou pour neutraliser les prestiges du signifiant, qui semblent, pour lui, impressionner les enfants, ou encore pour amuser discrètement les enfants toujours cachés dans les hommes mêmes mûrs, comme s’il s’agissait en parlant de tenter de retrouver la puissance enfantine des formules magiques.

Mais Joubert ne condamne pas intégralement l’enfance : au contraire, il en tente une réappropriation par un retour à l’esprit de l’enfance à l’âge avancé de la vieillesse. Non pas que Joubert veuille vénérer l’enfance de façon intégrale, lui qui sait bien par exemple qu’en littérature « les enfants aiment le style enflé » (Carnets I, p. 320) et qu’ils ont souvent

l’amour de l’élégance (dans les mots). L’enfance l’a et le porte même trop loin. Car elle en veut où il seroit meilleur qu’il n’y en eût pas. Aimer l’élégance à ce point est donc un sentiment puëril et propre à des esprits qui ne sont pas devenus forts autant qu’il l’eût fallu.

Carnets II, p. 88

L’épuration survenant grâce à la virilité de l’âge mûr a donc bien quelque vertu, principalement celle de faire préférer le monde au langage, la réalité à la fiction, celle d’empêcher, comme le fait l’enfant, de « prendre les cristaux de sel pour des diamants » (Carnets I, p. 243). Épuration que les jeux des enfants n’ont pas encore subie :

Quand les enfants jouent leurs jeux, ils font tous les pas et tous les mouvemens qui sont nécessaires pour leur persuader à eux mêmes et leur faire mieux imaginer que leurs fictions sont des réalités. Ils n’omettent rien pour se le faire accroire.

Carnets II, p. 244

Ce n’est donc pas le jeu de l’enfance que Joubert veut préserver. Non, c’est plutôt la croyance qui est au coeur du jeu que Joubert voudrait voir se développer comme une enfance élargie aux plus vastes dimensions. Il s’agit en ce sens d’une enfance corrigée par l’expérience de la vieillesse. Joubert emprunte cette voie et en dépasse même les aboutissants jusqu’à la rendre fausse : l’âge mûr n’est qu’un enfantillage de plus aux yeux du grand âge, qui sait bien d’expérience, lui, maintenant qu’il est sur le point de basculer dans une absence de temps définitive, que « nous sommes tous de vieux enfants plus ou moins graves, plus ou moins remplis de nous-mêmes » (Carnets I, p. 436). Il ne s’agit pas pour Joubert de se cacher les effets du temps (« vouloir se dissimuler les infirmités de l’âge est une pusillanimité » [Carnets I, p. 485]), mais au contraire de « recevoir avec bonne grâce les difformités que l’âge amène et qui vous envahissent » (Carnets II, p. 390). C’est-à-dire, en un mot, qu’il s’agit « d’avoir l’esprit de son âge » (Carnets I, p. 348). Or, par-delà les résignations de la maturité, par-delà l’âge mûr des illusions perdues, l’esprit de la vieillesse rappelle à l’homme les vérités premières de son enfance (« La vieillesse des hommes ressemble à leur enfance » [Carnets I, p. 350]). Au sommet de l’escalier des âges, le dernier échelon se replonge vers le premier (comme le figuier des banians) : « […] l’âge mûr est capable de tous les plaisirs du jeune âge dans sa fleur, et la vieillesse capable de tous les plaisirs de l’enfance » (Carnets I, p. 423). Joubert découvre même, sans surprise aucune (mais, parvenu à ce point, la surprise et l’originalité ont-elles encore quelque valeur ?), que « c’est l’enfance qui fait la vie (et surtout la vieillesse) » (Carnets I, p. 661). La pensée de Joubert se fraye donc un passage au-dessus ou en deçà de l’âge adulte, suggérant que « la première et la dernière partie de la vie humaine sont ce qu’elle a de meilleur ou du moins de plus respectable » (Carnets I, p. 180). Et c’est en se tournant vers l’enfance préservée dans le grand âge que Joubert touche à une dimension de la pensée qu’il faut bien nommer « mystique ».

Joubert mystique

La pratique même d’écriture de Joubert, par sa régularité et sa propension à l’examen de conscience, s’inscrit certes dans la tradition du journal intime, mais semble aussi tendue vers une forme de rêve mystique dont on trouve des traces ici et là : « Mysticité, mystiques. — Mystique, ou dévot intérieur. Mysticité, ou dévotion secrette, cachée, intérieure ; et par conséquent fervente, privée, singulière. (Mustikvz ou secreto, disent les anciennes rubriques.) » (Carnets II, p. 530 ; je souligne). L’attrait de la discrétion, du secret ou de la retraite se lit dans la forme même des cahiers de Joubert, qui en semble bien conscient (« Vie érémitique. Pourquoi l’idée en plaît » [Carnets I, p. 158]), au point de reprendre certains lieux communs du discours de la retraite en Dieu : « C’est ici le désert. Dans ce silence, tout me parle : et dans votre bruit tout se tait » (Carnets I, p. 155). Mais précisément, Joubert ne se retire pas dans un monastère, et c’est ce qui en fait un penseur précieux, puisqu’il se joue dans sa pensée le processus historique de la sacralisation de l’art : « — Ici je suis hors des choses civiles, et dans la pure région de l’Art » (Carnets II, p. 258). Joubert accorde beaucoup d’attention à cet espace séparé qu’il se crée pour lui-même, mais qui ne se confond pas avec le monastère, et il semble aussi avisé de ne pas être une exception parmi ses contemporains :

Quelqu’un a dit (je l’ai lu ce matin) : « le bonheur est hermite (sic) ». On ne l’auroit pas dit il y a cent ans. En ce temps là on pensoit (pour parler comme Chateaubriand) que la solitude n’étoit bonne qu’avec Dieu.

Carnets II, p. 207

Or la solitude de Joubert est un isolement d’un genre nouveau, c’est en quelque sorte, déjà, non plus la solitude individuelle, mais bien une séparation plus radicale tenant encore plus de ce que Blanchot pensera comme « la solitude de l’oeuvre[9] », c’est-à-dire non plus la solitude de l’écrivain retranché de ses semblables, mais plutôt le processus d’effacement de celui qui s’enfonce dans l’espace indéfini et inachevable de l’écriture et pour qui il ne saurait y avoir de rétribution possible, quelle qu’elle soit.

Un art du peu

Tel est le constat auquel Joubert se voit obligé de se résigner (« Quant à nous, nous sommes, pour ainsi parler, des hommes de peu de mots, de peu de forces, — et de peu de fécondité » [Carnets I, p. 509]). Mais il ne faut pas se laisser leurrer par la rhétorique ici mise en place par Joubert, car il sait bien que son attente sans fin est tournée vers un autre objet que celui d’un littérateur ordinaire. En vérité, pour lui la chose est désormais entendue : « L’économie (en littérature) annonce le grand écrivain » (Carnets II, p. 381). Ce n’est pas seulement à un art du peu que se livre dès lors Joubert, mais à un art du moins possible, de la négation de toute puissance, non pas dans le but de faire croître son bien symbolique futur, mais afin de laisser vaincre en lui l’impossibilité et de ne faire ainsi aucune ombre à la Création. La littérature devient ainsi l’enjeu d’une défaite programmée et désirée secrètement et discrètement. Aussi Joubert s’entoure-t-il d’un « silence attentif » (Carnets II, p. 381), et de son « amour du petit » (Carnets II, p. 184) qui le « réduit à un tel degré de ténuité (ou d’amincissement) que… » (Carnets II, p. 507) — que la puissance de sa phrase s’interrompt en se brisant sur l’impossibilité d’intégrer en elle le silence qui lui donne lieu, malgré son effort pour disparaître dans la plus pure transparence. Le mutisme de Joubert ne manifeste ainsi qu’une attention fascinée à ce qu’il ressent « comme les secousses d’une lumière qui cherche à se dégager » (Carnets I, p. 582), et tout ce qu’il produit et met en forme lui semble aussi obscur, dit-il, que « ces nuages que j’ai vus bordés de lumière » (Carnets I, p. 602). Aussi préfère-t-il attendre dans la vacance du désoeuvrement (« Jusqu’à ce que la goutte de lumière dont j’ai besoin et que j’attends soit formée et tombe de là » [Carnets I, p. 662]), dans ce vide auquel le Créateur n’a rien trouvé de mieux (« N’ayant rien trouvé qui valût mieux que le vuide, il laisse l’espace vacant » [Carnets II, p. 355]). Mais même la tentative de rendre la transparence du monde par la transparence du langage est vouée à l’échec, car « quand on double un verre, il s’oppose à la vision » (Carnets II, p. 253). Aussi « la clarté céleste, et des régions supérieures » (Carnets II, p. 15) ne peut-elle qu’être voilée par ce qui cherche à la manifester et les verres des mots réduits en tessons éparpillés sur le sol raboteux de notre terre prosaïque.