PrésentationMoussa Konaté : l’écrivain de deux mondes[Notice]

  • Adama Togola

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  • Adama Togola
    Université McGill

Ce numéro d’Études littéraires vise d’abord à rendre hommage, quelques années après sa mort, à Moussa Konaté, l’un des romanciers africains les plus productifs dans le domaine du polar. Écrivain, éditeur et directeur de festival, Moussa Konaté, né en 1951 à Kita, au Mali, et mort le 30 novembre 2013 à Limoges en France, commence sa carrière littéraire au début des années 1980, période où la littérature africaine se caractérise par des innovations linguistiques, épistémologiques, idéologiques, esthétiques et thématiques. Il fait alors partie d’une génération de romanciers africains dont l’écriture s’inscrit dans la mouvance que Séwanou Dabla appelle les « romanciers de la seconde génération », une génération dont le discours ne se contente « plus si facilement de l’obsession du victimaire occidental et ses imprécations lancinantes contre l’histoire », mais se « porte maintenant sur l’Africain dont il s’agit de cerner la psychologie pour comprendre son drame et ses renoncements ». Enseignant au lycée pendant plusieurs années, Konaté démissionne autour du début des années 1990 de son poste de professeur de français pour se consacrer entièrement à l’écriture. Il deviendra d’abord conseiller littéraire chez Jamana – édition créée en 1986 par l’ancien président malien Alpha Oumar Konaré et sa femme Adame Ba Konaré – avant de fonder en 1997, à Bamako, sa propre maison d’édition Le Figuier, qui publie des livres en langues maliennes. La création de cette maison d’édition traduit non seulement une volonté culturelle, mais elle vise aussi à mettre à la disposition des jeunes du Mali et du continent des livres qui parlent de leur quotidien. Se confirme ainsi, concrètement, la visée didactique qui se dégage des oeuvres de création de Konaté et le caractère novateur du polar africain. En effet, l’oeuvre de Moussa Konaté a comme particularité d’être essentiellement réflexive, didactique et engagée. Elle s’offre comme un point de départ particulièrement éclairant pour le roman africain des années 1980 et 1990. Car de la génération des écrivains africains des années 80, Konaté apparaît, dans une large mesure, comme celui dont l’oeuvre couvre tous les genres (sauf la poésie) – roman, essai, théâtre, nouvelle, conte, polar, roman pour la jeunesse – et examine des thèmes historiques, culturels, politiques et sociaux. Autrement dit, Moussa Konaté pratique une écriture où se manifeste, sous plusieurs formes, une Afrique plurielle. Premier romancier africain à sortir le polar africain de la marge, Konaté propose des textes qui véhiculent un discours d’interprétation des sociétés africaines contemporaines. Ainsi, de ses romans à teneur sociale à ses pièces de théâtre en passant par ses polars, ses essais, ses romans pour la jeunesse, ses albums de contes en langues maliennes et ses collections documentaires phares, Métiers d’Afrique et Voyage jeunesse qui mettent en valeur les savoir-faire traditionnels et certains hauts lieux de la culture malienne, l’on remarque que son projet littéraire semble marqué par une ambition « progressiste », celle qui consiste à trouver un équilibre entre la quête des formes littéraires adéquates dans le contexte africain actuel et l’engagement culturel (dont témoignent ses activités d’éditeur) et social – manifeste dans son intérêt pour l’enseignement et dans les thèmes récurrents de ses oeuvres de création. Bien que ses romans pour adultes, ceux pour la jeunesse, ses polars, ses essais et ses pièces de théâtre soient construits différemment sur le plan narratif, ils forment néanmoins un univers cohérent dont l’unité sémantique s’élabore autour des personnages en constante mobilité. Ainsi, une lecture attentive de ses différents textes permet de montrer, par exemple, que les frontières entre les deux champs – littérature populaire et littérature dite lettrée – paraissent, à bien des égards, assez difficiles à tracer. …

Parties annexes