Alors que les citadins réclament une présence accrue de nature (Bourdeau-Lepage 2013) et d’espaces publics (Paquot 2009), et que les modes de déplacement actifs (marche, vélo, essentiellement) commencent à apparaître comme des modes de déplacements urbains à part entière, les espaces mobilisables pour un retour du végétal sont rares et les villes restent structurées par un réseau de voirie essentiellement aménagé pour la gestion des flux motorisés dans le cadre de politiques sectorielles. Pourtant, en associant ce souci d’une place accrue faite à la nature en ville et celui du développement des modes actifs, on pourrait imaginer la mise en place d’une « infrastructure douce » à l’échelle des quartiers et des agglomérations, qui se superposerait à la grille des infrastructures privilégiant les déplacements motorisés et offrirait ainsi aux citadins un accès facile et agréable aux principaux lieux qui motivent leurs déplacements. Cette infrastructure d’un nouveau genre constituerait une nouvelle forme d’espace public réticulaire et révèlerait de nouvelles modalités urbaines de relation nature/société en contexte de changement environnemental global. Après un rapide retour sur les rationalités aménagistes dominantes et leurs évolutions depuis ces dernières décennies, nous proposons un détour par une histoire sélective et critique de l’urbanisme, une relecture de certains projets d’aménagement emblématiques, pour en tirer les éléments qui pourraient nourrir une possible approche réticulaire et renouvelée des espaces publiques à l’échelle de l’agglomération, ce que nous avons appelé l’infrastructure douce. Nous esquisserons alors quelques éléments de méthode pour une mise en œuvre opérationnelle de cette infrastructure d’un nouveau genre. Comment est-il possible de mettre en réseau, à différentes échelles, les espaces publics plus ou moins végétalisés d’une métropole existante pour améliorer le bien-être des citadins/habitants/citoyens et répondre au désir croissant de nature ou tout du moins de répondre au désir croissant d’une reconnexion avec des éléments et des espaces conçus, vécus et perçus (Lefebvre 2000) comme « naturels » ? Avec quelles méthodologies (diagnostic, conception urbaine, Institutional Design , etc…) ? Au début du XXème siècle, à partir des années 1920’, les aménageurs, urbanistes ingénieurs vont profondément transformer nos villes en cherchant à les adapter à l’automobile, symbole de la modernité, favorisant ainsi la vitesse et les déplacements (individuels) motorisés. Les infrastructures urbaines (transport, eau, énergie), objets hybrides à la fois physiques, technologiques et organisationnels, ont pour fonctions de répondre aux aspects matériels, aux changements organisationnels et à l’évolution des modes de vie imposés par la modernité. En ce qui concerne les espaces publics, l’abandon de la « pensée de parc », dans les métropoles occidentales, au profit de la notion plus générique « d’espace vert » (CIAM) va être une des caractéristique de l’urbanisme de l’après 2 ème Guerre mondiale (Novarina 2003). En France, les grandes percées de l’urbanisme haussmannien de la fin du XIXème siècle, censées aérer les villes, procurer aux citadins de l’air, de la lumière, des espaces de promenade et de rencontre largement dimensionnés et le plus souvent ombragés, se sont peu à peu muées en artères d’une circulation automobile toujours plus importante et envahissante ne laissant aux piétons que des espaces résiduels et aux arbres, un espace mesuré. La ville du piéton a cédé la place à la ville de l’automobile (Wiel 1999, Lavadinho 2011). Les grandes perspectives, les promenades plantées sont devenues pénétrantes ou voiries primaires desservant les villes et leurs quartiers. Les quais des fleuves se sont transformés en voies sur berges. Les squares et jardins publics ne sont désormais le plus souvent que les aménagements de superstructure de parkings enterrés. Les terrains vagues, les espaces provisoirement inoccupés ou les jardins privés ainsi que les espaces de nature et de respiration …
Parties annexes
Bibliographie
- Ahern, J.F. 2002. Greenways as Strategic Landscape Planning : Theory and Application . Doctoral Thesis. The Netherlands, Wareningen University.
- Alonzo, E. 2013. L’Architecture de la voie, histoire et théories . Thèse de doctorat en architecture, Université Paris-Est.
- Autran, S. 2004, Les infrastructures vertes à l’épreuve des plans d’urbanisme , Paris : PUCA.
- Bailly, A & Bourdeau-Lepage, L. 2011. Concilier désir de nature et préservation de l’environnement : vers une urbanisation durable en France , Géographie, économie, société, vol. 13, p. 27-43.
- Berdoulay V, Soubeyran O, 2002. L’écologie urbaine et l’urbanisme.Aux Fondements des enjeux actuels . Paris : La découverte. 272p.
- Blodgett, G. 1976, « Frederick Law Olmsted : Landscape Architecture as Conservative Reform », The Journal of American History, vol. 62, No. 4, pp. 869-889.
- Bourdeau-Lepage, L. 2013, « Nature(s) en ville », Métropolitiques , consulté le 03 juillet 2013. URL : http://www.metropolitiques.eu/Nature-s-en-ville.html .
- Chalas, Y. Soubeyran, O. 2009, « Incertitude, environnement et aménagement, quelle rupture ? », p. 135-161, in. Chalas, Y. Gilbert, C. Vinck, D. Comment les acteurs s’arrangent avec l’incertitude , Paris, Édition des archives contemporaines.
- CERTU, 2011. « Zones de circulation apaisée : un plan de déplacement doux pour planifier l’aménagement des zones de circulation apaisée », Fiche n° 8, 6p.
- CERTU, 2009. « Zones de circulation apaisée : aire piétonne, zone de rencontre, zone 30 : quels domaines d’emploi ? », Fiche n° 2, 8p.
- CERTU, 2008, « la zone de rencontre », 8p.
- Choumert, J. 2009, « Analyse économique d’un bien public local : les espaces verts », Thèse de doctorat en sciences économiques, Université d’Angers, 425p.
- Choay F, 1981. « Haussmann et le système des espaces verts parisiens », Urbanisme , p. 83-99
- Choay, F. 2003, L’urbanisme, utopies et réalités : Une anthologie , Paris, seuil.
- Clergeau, P. 2007, « Une écologie du paysage urbain », Rennes : éditions apogées.
- Comier, L. 2011. Les trames vertes : entre discours et materialités, quelles réalités ? Thèse de doctorat en géographie et aménagement de l’espace, Université d’Angers.
- Dubois-Taine, G. Chalas Y. (dir.), 1997, La ville émergente, La Tour d'Aiguës : Éditions de l'Aube,286 p.
- Dupuy, G. 2002, « Cities and automobile dependence revisité : les contrariétés de la densité », Revue d’Économie Régionale & Urbaine , p. 141-156.
- Fabos, J. G. 2004, « Greenway planning in the United States : its origins and recent case studies », Landscape and Urban Planning, n° 60, p. 321-342.
- Feriel, C. 2013. « Le piéton, la voiture et la ville. De l’opposition à la cohabitation », Métropolitiques , consulté le 10 avril 2013. URL : http://www.metropolitiques.eu/Le-pieton-la-voiture-et-la-ville.html .
- Fishman, R. 1996. « Urban Utopias : Ebenezer Howard and Le Corbusier », pp. 19-68, in. Campbell & Fainstein, Readings in Planning Theory , Blackwell, New York.
- Gandy, M. 2003, Concrete and Clay. Reworking Nature in New York City , Cambridge, Massachusetts : The MIT Press.
- Gandy, M. 2011, « Landscape and Infrastructure in the Late-Modern Metropolis », Chapter 6 in . Bridge, G & Watson, S, The new Blackwell companion to the city .
- Gill, S. Handley, J. Ennos, R. et Pauleit, S. 2007. « Adapting cities for climate change : the role of the green infrastructure ». Built Environment , n° 33, p. 115-133.
- Gottmann, J. 1966. « Conclusion : l’art d’aménager le milieu », p. 337-343, in . Gottman J., Essais sur l’aménagement de l’espace habité ., Paris, Mouton.
- Harter, H. 2010, « Frederick Law Olmsted », pp. 343-361, in. Paquot T (dir.), les faiseurs de villes, Infolio, Collection Archigraphy.
- Heynen, N et al. 2006. « The Political Ecology of Uneven Green Space », Urban Affairs Review , vol. 42, n° 1, p. 3-25.
- Heynen, N. Kaika, M & Swyngedouw E (Dir.). 2006. In the Nature of the Cities. Urban political ecology and the politics of urban metabolism . Londres : Routledge.
- Lascoumes, P. 1994, l’éco-pouvoir : environnement et politiques , Paris : La Découverte.
- Lavadinho, S. 2011. Le renouveau de la marche en ville. Terrains, acteurs et politiques . Thèse de doctorat en géographie, Lyon : ENS LSH.
- Latour, B. 1991. Nous n’avons jamais été modernes. Essais d’anthropologie symétrique . Paris : la Découverte.
- Lecroart, P. 2012, « De la voie rapide à l’avenue urbaine : la possibilité d’une « autre » ville ? », IAU îdf : Note rapide Territoires , n° 606.
- Mangin, D. 2004, La ville franchisée : formes et structures de la ville contemporaine , Paris : Éditions de la Villette.
- Matthey, L. 2013. « Les faiseurs de paysage : Ethnographie d’un projet urbain ». L’information géographique, vol. 77, p. 6-24.
- Moscovici, S. 1999. Essai sur l’histoire humaine de la nature . Paris : Flammarion.
- Murard, F. 2012, « Développer la marche en ville : pourquoi, comment ? », TECHNI.CITÉS n° 227, p. 29-34.
- Novarina, G. 2003. « Ville diffuse et système vert », Revue de Géographie Alpine , tome 91 n° 4, p. 9-17.
- Office fédéral de la statistique de la Suisse (OFS), 2007. « La mobilité en Suisse : résultat du micro recensement 2005 sur le comportement de la population en matière de transport ».
- Oueslati, W (coord.). 2011, Analyses économiques du paysage , Paris : éditions Quae.
- Sieverts, T. 2004. Entre –ville : une lecture de la Zwischenstadt, Marseille : éditions Parenthèses.
- Paquot, T. 2009. L’espace public . Paris : éditions la Découverte.
- Sadoux, S. 2010. « Patrick Abercrombie ». pp. 41-50, in. Paquot T (dir.), les faiseurs de villes , Infolio, Collection Archigraphy.
- Smith, N. 2008 (1984). Uneven Development : Nature, Capital, and the Production of Space . University of Georgia Press, 3 rd revised edition.
- Soubeyran, O. 1988. « Malaise dans la planification », Les Annales de la Recherche Urbaine n° 37, p. 24-30.
- Soubeyran, O. 1997. Imaginaire, science et discipline . Paris : éditions l’Harmattan.
- Soulier, N. 2012. Reconquérir les rues : exemples à travers le monde et pistes d’actions , Paris : éditions Eugen Ulmer.
- Theys, J & Emelianoff, C. 2001. « Les contradictions de la ville durable », Le débat , n° 113, p. 122-135.
- Vanier, M. 2008. Le pouvoir des territoires : essai sur l’interterritorialité , Paris : Anthropos.
- Lefebvre, H. 2000. La production de l’espace , 4éme édition, Paris, Anthropos.
- Ward Thompson, C. 2002. « Urban open space in the 21 st century », Landscape and Urban Planning , n° 60, p. 59-72.
- Werkin, Ann-Caroll. 2008. Des villes vertes et bleues, des nouvelles infrastructures à planifier , PUCA collection recherche.
- Wiel, M. 1999. La transition urbaine ou le passage de la ville pédestre à la ville motorisée , Bruxelles : éditions Mardaga.