Recensions

Michel Foucault, Sécurité, territoire, population. Cours au Collège de France (1977-78), Paris : Gallimard/Seuil (Collection « Hautes Études »), 2004, 435 p.[Notice]

  • Dietmar Köveker

Depuis quelques années, les cours que Michel Foucault a donnés au Collège de France ont fait l’objet d’une édition systématique, sous la direction de François Ewald et Alessandro Fontana, de la part des maisons d’édition Gallimard et du Seuil. Ainsi, il y a deux ans, le tome Sécurité, territoire, population portant sur le cours de l’année 1977-1978, est paru. Le texte de ce cours est d’une importance capitale dans l’oeuvre de Foucault. De surcroît, il représente une contribution fort intéressante par rapport au sujet du numéro actuel d’EUROSTUDIA, et cela pour plus d’une raison.Premièrement, c’est dans ce texte que Foucault veut « commencer l’étude de quelque chose que j’avais appelé comme ça, un petit peu en l’air, le bio-pouvoir. » Cette phrase initiale de la première leçon se réfère aux ouvrages dans lesquels Foucault introduisait quasiment simultanément cette expression, soit dans le premier tome de son Histoire de la sexualité et dans le cours dans le cadre duquel il envisageait, peu après la parution de Surveiller et punir, une réorientation thématique et un réaménagement conceptuel de ses recherches. En simplifiant les choses considérablement, mais peut-être pas hors mesure, on peut dire que là où Surveiller et punir s’intéressait à la manière dont le pouvoir « disciplinait » les corps individuels, la réorientation bio-politique prend « en compte le fait biologique fondamental que l’être humain constitue une espèce humaine. » (3) La suite du texte montrera assez vite que l’on comprendrait mal cette formulation en la tenant pour l’expression d’un intérêt anthropologique. « Espèce humaine » s’oppose plutôt à une analyse orientée vers le comportement (ou la « disciplinarisation ») d’individus, tout en dirigeant l’attention vers ce qui caractérise le « comportement » d’une entité beaucoup plus complexe. Foucault décrit cette différence en fonction des possibilités et des besoins de gérer, de « gouverner » entre autre de la façon suivante : « on va avoir une césure absolument fondamentale entre le niveau pertinent pour l’action économico-politique du gouvernement, et ce niveau, c’est celui de la population, et un autre niveau, qui va être celui de la série, de la multiplicité des individus qui, lui, ne va pas être pertinent ou plutôt ne sera pertinent que dans la mesure où, géré comme il faut, maintenu comme il faut, encouragé comme il faut, il va permettre ce qu’on veut obtenir au niveau qui, lui, est pertinent. La multiplicité des individus n’est plus pertinente, la population, oui. (…) L’objectif final, ça va être la population. La population est pertinente comme objectif et les individus, les séries d’individus, les groupes d’individus, la multiplicité d’individus, elle, ne va pas être pertinente comme objectif. Elle va être simplement pertinente comme instrument, relais ou condition pour obtenir quelque chose au niveau de la population. » (44) Tant pour ce qui concerne à la fois le troisième terme de l’intitulé de ce texte et la première raison de l’intérêt particulier qu’il représente. Deuxièmement, ce qui est encore plus pertinent à l’égard du sujet de ce numéro d’EUROSTUDIA, il faut souligner que dans Sécurité, territoire, population, Foucault élabore d’importants éléments de sa thèse selon laquelle le seul concept de souveraineté ne permet plus de bien comprendre et analyser l’exercice du pouvoir politique dans les sociétés modernes. D’après Foucault, la souveraineté politique – héritage de l’idée médiévale de « prolonger sur terre une souveraineté divine qui se répercuterait en quelque sorte dans le continuum de la nature » (242) – est au coeur de la conception absolutiste du politique et du lien étroit entre territoire et pouvoir. « On pourrait dire que, si le …

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