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Afin de réaliser une analyse d’un paysage culturel associatif concret, j’ai choisi le paysage culturel du football à Buenos Aires, la capitale de l'Argentine. C'est là que se trouve l'ensemble des expressions d’une société, et comme tel le football n'en est pas exempté. En 2008 un document officiel de l’UNESCO portant le titre Orientations devant guider la mise en oeuvre de la Convention du patrimoine mondial mentionnait cette catégorie de paysage de la manière suivante : « Le paysage culturel associatif est celui dans lequel des phénomènes religieux, artistiques ou culturels sont associés à l’élément naturel plutôt qu’à des traces culturelles matérielles, qui peuvent être insignifiantes ou même inexistantes »[1].

Je vais expliquer les phénomènes culturels liés à ce sport et à cette ville, en y associant un élément matériel important c’est-à-dire les stades de foot. Je vais expliquer comment l’auto-organisation de l’espace pour la pratique du foot et pour l’organisation d’un événement sportif comme le football peut créer un espace culturel. Il s’agit ici de démontrer comment l’interaction de l’homme avec son environnement à travers l’usage de l’espace, en vient à transformer le territoire qui va devenir un paysage culturel.

Il faut remarquer que le football est une expression culturelle majeure parce qu’il est un phénomène social de poids, planétaire et incontournable. Buenos Aires est une ville où le football est presque une religion. Il s’agit d’un symbole très important pour définir l’identité nationale du peuple argentin. En Argentine ce sport est une source de joie et de pleurs pour les populations, qui vivent pour lui et parfois même meurent à cause de lui. On décompte en 2010 en Argentine 256 décès liés au football selon le journal argentin la Nación[2]. Ce sport représente pour ce pays, une expression massive qui apporte des émotions profondes, et de multiples symbolismes et rituels. L'origine du football est britannique, mais étape par étape, petit à petit, le peuple argentin a donné au football sa propre identité et a créé un style en opposition au style nouveau, purement argentin.

Le football implique également la grande transformation du paysage urbain de Buenos Aires, la plus grande ville d'Argentine, aussi appelée la ville des stades (en raison de la grande quantité de stades dans la ville, presque 20 dans la Première Division). À Buenos Aires, nous pouvons également trouver les potreros, des espaces en terre ou des esplanades adaptés à la pratique de football. Les potreros sont le plus souvent situés dans les quartiers pauvres mais pas au centre-ville. Dans ces espaces non conventionnels, de nombreux enfants peuvent jouer au football et ils partagent le même rêve celui de devenir un jour joueur de football professionnel et pouvoir jouer dans un espace institutionnalisé et régularisé que sont les stades de foot.

Le football en Argentine est le sport le plus populaire, celui qui compte le plus grand nombre de joueurs fédérés (540000 en 2002, l'équivalent de 1,4 % de la population) et celui qui est le plus pratiqué par la population masculine dans une forme récréative ou non fédérée. Neuf habitants du pays sur dix déclarent être supporteur d'une équipe de football. De plus, ce sport est l'activité physique la plus populaire parmi les personnes actives : 69% des 25 à 29 ans, et 66% des 30 à 39 ans.

La marque du football dans cette ville est très marquée et affecte non seulement son apparence, mais aussi la vie quotidienne de ses habitants. Il existe de nombreuses traditions liées au football que les gens suivent jusqu'à la fin de leur vie. La route qui mène les supporters au stade, les tifos de leur équipe qu'ils déploient à l’arrivée, les lieux de célébration des grandes victoires, les maillots et les drapeaux qu'ils portent avec les couleurs sacrées de leurs équipes ou encore un cimetière propre à ses supporters, les joueurs et les membres de l’équipe nationale d'Argentine, sont quelques exemples des traditions associées à ce qui se passe autour des stades de football. Pour l’analyse du sport il faut comprendre le contexte dans lequel le sport est arrivé en Argentine et s’est développé. De plus, il conviendrait de décrire les manifestations complexes de la pratique culturelle du football en Argentine et ses conséquences sur l'espace urbain.

1. L’Argentinisation du football

Depuis l’apparition du football en Argentine l’objectif de la population était de transformer ce sport en une pratique complètement détachée du pays envahisseur, la Grande-Bretagne. Les argentins trouvent ainsi un espace (les terrains de football) dans lequel il est possible de vaincre leurs envahisseurs britanniques.

A l’origine, l’anglais dominait le football en Argentine. Les règles étaient écrites en anglais, les rencontres de joueurs se déroulaient dans la même langue et les arbitres parlaient également en anglais. Les principales équipes de la première période du championnat de football argentin sont formées de joueurs d’origine britannique. Pendant cette phase, l’équipe la plus célèbre est l’Alumini qui fondée en 1898 a gagné dix fois pendant douze années le championnat argentin. Les grands protagonistes de ce club sont les frères Brown.

« L’argentinisation » du football commence avec la fondation d’équipes composées de joueurs qui ne sont pas d’origine britannique. Ce type de clubs argentins est né parfois en opposition aux clubs « britanniques ». C’est le cas du Quilmes Atlético Club qui refusait aux footballeurs d’origine autre que britannique le droit de faire partie de l’équipe. Deux années plus tard, dans la même région du Quilmes est créé l’Argentino de Quilmes en opposition au Quilmes Atlético Club. Le club était alors constitué uniquement de joueurs argentins d’origine non britannique. Une affirmation nationaliste existait alors. Le Quilmes Atlético Club avait ainsi l’habitude d’offrir le thé à l’équipe visiteur avant le match et, dans le cas de l’Argentino de Quilmes, pendant la pause, le maté, l'infusion traditionnelle issue de la culture des Amérindiens Guaranis consommée aussi en Argentine, remplaçait le thé.

Peu à peu, les clubs préfèrent les footballeurs d’origine non britannique, la plus grande partie était d’origine italienne, espagnol ou de confession juive. En 1913, le Racing Club gagne le championnat avec seulement deux footballeurs d’origine britannique. La décadence du football britannique débute en Argentine. Ce phénomène de renoncement au joueur britannique continue avec la professionnalisation du football en 1931. La nationalisation du football n’apparaît pas seulement par le retrait de joueurs aux origines britanniques en Argentine. Celle-ci se voit également à travers la transformation du style. Le football en Argentine, et particulièrement à Buenos Aires, se joue d’une manière complètement opposée au football britannique. Ce sport devient alors plus qu’un sport. En effet, il devient la forme d’une expression culturelle et une composante fondamentale de la culture du pays. Cela signifie que le football se développe comme un signe identitaire majeur en Argentine. Pour en arriver là, le football argentin s’éloigne du style britannique et se crée son propre style en opposition au pays qui avait importé ce sport en Argentine.

Par ailleurs, le football est un miroir qui reflète l’identité du pays. On peut dire qu’il se joue comme il se vit. Les caractéristiques culturelles propres d’un pays peuvent s’identifier dans la manière de jouer. Si on analyse le style anglais on peut dire que le football est l’expression de l’industrialisation. En effet, les footballeurs jouent comme des machines avec un jeu tactique et beaucoup de force physique, de la rapidité, de la méthode et avec fair play. Par contre si on analyse le style argentin on réalise qu’il s’agit d’un style où le football est synonyme de footballeur et dont les caractéristiques principales sont l’improvisation. Les actions individuelles, la virtuosité, l’agilité, l’imagination, le spectaculaire et une mentalité de gagnant qui permet d’utiliser tous les moyens pour arriver à la victoire, en résumé, l’inverse du fair play.

Pour certains la nationalisation complète devrait se produire au moment où le style argentin s’imposerait sur le style britannique pendant un match. Un journaliste argentin parle d’ailleurs de nationalisation du football argentin après la victoire de l’équipe nationale contre l’Angleterre en 1953 « On a réussi à nationaliser le fer et après cette victoire on a réussi la nationalisation du football »[3]. Deux années plus tôt l’Argentine avait perdu un match contre l’Angleterre ce qui avait occasionné un grand débat sur la nécessité de modifier le style argentin pour vaincre. Un journaliste du journal, El Gráfico, un magazine mensuel sportif argentin, a écrit un discours pour défendre le style argentin : « Notre manière de penser, sentir et agir se trouve à l’intérieur de nous et il est impossible de le changer, c’est notre sang, churrasco (viande typique argentine), mate, lait, oeufs etc. »[4]. Dès le début en 1919, le magazine adoptait un discours dit créole du football, en s'opposant au style britannique, qui, lui, eut une profonde influence sur l'imagination populaire et la manière de voir le sport dans le pays. Le chercheur et pionnier de l'approche anthropologique du sport et sa relation avec l'imaginaire collectif Eduardo P. Archetti s'exprime à ce propos : « Le style créole repose sur l'élégance et l'improvisation tandis que le style britannique exprime la force et la discipline. Ces valeurs (diamétralement) opposées sont présentées comme des styles alternatifs qui reflètent des vertus masculines différentes. Parallèlement se présente la signification du culte voué au pibe comme créateur, sur le terrain, du style créole »)[5].

2. Le foot à Buenos Aires comme paysage culturel intentionnel et paysage culturel associatif

Le paysage du football à Buenos Aires peut être considéré comme étant un paysage culturel intentionnellement créé par l’homme[6] et en même temps un paysage culturel associatif. L’UNESCO reconnaît certains types de parcs et jardins comme paysages culturels intentionnellement créés par l’homme qui sont presque toujours associés à des constructions ou des ensembles religieux. Par conséquent l’idée de reconnaître un espace comme le stade de football avec de la pelouse plantée par l’homme pourrait correspondre aux critères de l’UNESCO. De plus le stade fonctionne pour les tifosi d’une certaine façon comme un élément religieux, puisque pour les supporters attachés au club il s’agit d’un temple sacré.

Pour arriver à cette catégorie de paysage culturel, il faut considérer le stade comme une oeuvre architecturale ou un espace culturel ayant des qualités de patrimoine universel et qui doit répondre aux exigences des espaces publics, c’est-à-dire avoir sa propre identité, être utile, maintenir la richesse de fonction, posséder différents usages, être esthétique, être un lieu construit où la nature est présente, être accessible, etc. On trouve à Buenos Aires des stades comme la Bombonera de l’équipe de Boca Juniors ou le stade de Millonarios du River Plate, avec une grande richesse architecturale et des significations historiques qui comprennent toutes les caractéristiques citées pour arriver à être considérées comme paysage culturel par l’UNESCO comme peuvent l’être déjà certains parcs et jardins.

Par ailleurs, il faut prendre en compte que le football à Buenos Aires symbolise une entité géographique et humaine (chauvinisme, nationalisme, patriotisme), et qu’il s’organise de manière associative. Il s‘apparente donc à un paysage culturel associatif où l’élément principal est le stade de football. Autour de lui sont associés des phénomènes culturels d’apparence religieux (comme les traditions itinérants, des rites, des chants etc.). On parle de la force d'association de ces phénomènes culturels avec les traces culturelles matérielles que sont les stades enrichis d’éléments naturels. Dans le stade on parle d’une nature domestiquée. Sa présence peut se voir à travers la pelouse plantée par l’homme dans le terrain de jeu. On parle donc d’une nature artificielle comme les cas des paysages culturels créés intentionnellement par l’homme.

Un autre aspect fondamental du paysage culturel est la délimitation spatiale. Dans ce type de paysage on comprend l’espace de la rue qui conduit au stade où commence l’itinéraire du supporter jusqu’à celui-ci. On pourrait inclure par exemple une surface de ½ km. Cet espace comprend les itinéraires, mais aussi les bars que l’on peut trouver sur le chemin. Dans ces derniers, beaucoup de supporters s’y retrouvent pour suivre le match avec la même passion que s’ils étaient dans le stade. Dans cet espace (autour de ½ km), il s’opère beaucoup de rites et de traditions comme les chants ou le fait de s’habiller avec les maillots des clubs respectifs. De plus, cet espace est aussi composé par les lieux de célébration des victoires importantes. Il s’agit des lieux symboliques qui se trouvent à proximité du stade dans la limite choisie pour délimiter ce type de paysage culturel associatif.

Les stades de football sont pour les supporters des sites cérémoniels ou de culte dans lesquels se déroulent ou se sont déroulés des évènements historiques importants. Pour les supporters les stades font office de temples sacrés. Les communautés de supporters d’un club à Buenos Aires jouent un rôle fondamental dans la protection de ces sites. En effet, elles sont les gardiennes de leurs sites sacrés et sont porteuses de connaissances traditionnelles (des chants, tirage des papiers, de paysage sonore etc.) qui se révèlent fondamentales pour la préservation de la diversité culturelle. Bien que phénomène globalisé, pour les supporters des clubs argentins, il est indispensable de protéger leurs coutumes et leurs droits, transmis de génération en génération de la globalisation, des manipulations économiques et commerciales, de l’intolérance et de l’indifférence.

Les trois étapes de l’évolution du paysage culturel du football à Buenos Aires

Pour l’analyse du paysage culturel du football à Buenos Aires il faut prendre en compte les étapes nécessaires dans la formation de ce paysage. La première étape fait référence à la création du stade et à son environnement. On parle d’un facteur conceptuel dont il faut dessiner le plan pour créer le stade et son entourage. Il est nécessaire d’établir la forme du stade (rectangulaire ou circulaire), sa longueur, la présence de piste d’athlétisme ou non, sa capacité, sa décoration ou ses éléments d’ornementation. Il faut aussi établir un plan des alentours de ce dernier, par exemple savoir s’il est nécessaire de construire des parkings pour faciliter l’arrivée. Par ailleurs, le choix du lieu ou du territoire est déterminant. Il faut prendre en compte les alentours du stade pour savoir s’il s’agit d’un lieu opérationnel pour la construction. Normalement les stades se construisent à Buenos Aires à proximité de rues dotées de bars dans lesquels il est possible de suivre les matchs. Le choix du lieu de construction du stade est décisif pour les supporters au moment de choisir leur équipe. En règle générale, à Buenos Aires, les personnes se prononcent pour le club dont le stade est le plus proche de leur quartier. D’une certaine façon l’équipe de foot de Buenos Aires doit représenter et défendre l’honneur de ce quartier.

Un autre facteur à considérer porte sur les aspects techniques ce qui veut dire les moyens d’intervention sur le paysage. Il faut savoir quels types de matériaux seront utilisés pour la construction du stade (des métaux, des pierres, du bois). Les techniques architectoniques utilisées vont avoir une grande importance sur les aspects visuels et esthétiques du stade.

La deuxième étape fait référence à l’utilisation : Dans cette phase, il faut établir la fonction principale du stade de football, ce qui signifie définir le but de sa construction. Il semble évident qu’une partie de la réponse correspond au déroulement des matchs de football, mais ce n’est pas l’unique finalité du stade. Il est aussi accompagné de symboles en plus de la fonction d'intégration des sociétés locales et régionales. Pour analyser cette étape, il faut considérer que le paysage choisi ne comprend pas seulement le stade mais également ses environs : par exemple autour d’un kilomètre du stade, où commencent les chemins d’arrivée au stade. Les supporters vont au stade à Buenos Aires avec des drapeaux ou écharpes aux couleurs sacrées du club. Certaines traditions peuvent commencer avant d’entrer au stade (comme la route pour y arriver), à l’intérieur même avec les chants ou les tifos (les chants ou les tifos) ou après le match à l’extérieur dans les lieux de célébration. De plus le football possède un rôle économique et génère des emplois ou la promotion d'un produit commercial comme les maillots des clubs portant le nom de footballeurs professionnels sont particulièrement en vogue. De plus certains stades ont, à l’intérieur, un musée où le club peut organiser des visites guidées allant du musée aux gradins. En plus des magazines avec des produits officiels du club (drapeau, maillots etc.), on peut trouver des stades avec des restaurants à l’intérieur qui paient un logement au club pour utiliser cet espace. Par conséquent, on peut conclure qu’il existe une notion du stade avec un but commercial. A part pour le football, un stade peut être utilisé pour des entrainements d’athlétisme ou pour des concerts. Un des stades le plus complet à Buenos Aires est le Monumental de River avec des musées, des pistes d’athlétisme, des ascenseurs et des magazines. Celui-ci est considéré comme étant le stade le plus moderne d’Argentine.

La troisième étape concerne la manière de percevoir ce paysage composé du stade et de ses environs. Il faut savoir que le stade et ses environs, qui font partie du paysage culturel associatif, sont perçus par les supporters des clubs de Buenos Aires comme étant un espace sacré. Dans cet espace se trouve l’élément principal, le stade, lequel joue le rôle de temple sacré pour les supporters.

On peut aussi trouver d’autres lieux sacrés dans le même espace comme le lieu de célébration, qui normalement se trouve autour d’un monument emblématique. Chaque club possède ses propres lieux. Autour d’eux, il y a une règle sacrée non écrite qu’il faut respecter celle de ne pas envahir les lieux de célébration des autres clubs. L’appropriation par une partie des supporters d’un lieu de célébration traditionnellement lié à autre club est considérée comme une grande provocation.

Ce type de lutte pour conquérir l’espace de l’opposant existe aussi dans le stade. D’un côté l’équipe qui joue sur la pelouse essaye de traverser l’espace que défend l’équipe adverse, en même temps dans les gradins, parfois, des conflits explosent quand les supporters d’une équipe essaient de pénétrer la partie de gradin où sont situés les supporters rivaux. Autre manière de lutte dans les gradins entre les tifos de différentes équipes est la lutte sonore. Les tifos composent des chants, les plus hautes possibles, avec des paroles offensives contre ses rivales. Par conséquent on trouve un paysage sonore avec un caractère compétitif pour imposer l’espace sonore.

Pablo Albárcenas, un sociologue argentin qui se concentre principalement sur l'influence du football au moment de la formation de l'identité nationale collective, parle dans son livre El Fútbol y las Narrativas de la Nación en la Argentina de Buenos Aires comme une ville avec un modèle inter-quartier[7]. Il décrit cela comme s’agissant d’équipes qui appartiennent à un territoire défini comme étant le « quartier ». C’est le cas de Buenos Aires où l’existence d’une grande quantité des équipes suppose des oppositions entre des petits territoires. La représentation de la communauté disparaît en faveur de la micro-communauté, Alabarces explique que dernièrement le quartier commence à avoir une grande capacité symbolique. L’espace physique, qui est généralement imprécis, devient un « espace signifié ».

À Buenos Aires, on peut aussi trouver un cas exceptionnel, un antagonisme entre des équipes originaires du même quartier comme c’est le cas du Racing et de l’Independiente. La distance entre les stades d’Independiente et le stade du Racing est de seulement 300 mètres. Ici, les supporters considèrent un espace avec des limites spatiales symboliques. Ils se font des découpages imaginaires qui ne sont pas administratifs et ils établissent leur propre territoire ou espace séparé de l’espace du club rival. On peut voir comment le football de Buenos Aires se caractérise par une progressive et macroscopique fragmentation des espaces représentés.

Il est tout de même nécessaire de bien comprendre que la considération de ce type d’espace (le stade et les environs) comme sacré dépend aussi de la culture footballistique du pays. Buenos Aires est populairement considérée comme la capitale mondiale de ce sport. C’est la ville qui a la plus grande densité de stades de football et de monuments qui rendait hommage à ce sport. Dans chaque quartier, il existe un monument lié au football. Par ailleurs, dans la ville, il y a quinze stades pour des équipes de la première division.

Le football se ressent avec une telle passion qu’il est difficile de retrouver dans d’autre ville du monde. Par contre si on étudie le cas d’autres villes comme au Qatar où se disputera la Coupe de Monde 2020, on trouve un scénario complètement différent. Là, la planification des stades comprend leur démolition immédiatement après la compétition internationale. On se situe dans une perception du stade seulement fonctionnelle et dehors des émotions. Par conséquent il est difficile d’imaginer la naissance des espaces autour du stade qui appartiendraient d’une manière symbolique à une équipe. Cette conception de l’espace correspond à l’idée de Lefebvre, dans son ouvrage La production d’espace[8], qui parle de la contradiction de traiter et de transformer l'espace sur une vaste échelle, et même à l'échelle planétaire, et après le fragmenter et d’en faire un “espace pulvérisé“ par la propriété privée. Selon Lefebvre, les urbanistes peuvent concevoir un vaste espace appelé environnement, mais ce qu'ils peuvent traiter, en fait, est seulement des petits lots de propriété privée.

À Buenos Aires, dans un rayon de dix kilomètres, il y a plus de trente stades. Les stades de Buenos Aires deviennent d’immuables symboles des événements qu’ils ont célébrés, au moment où ils se transforment en signes fonctionnels et esthétiques de la ville. Les stades de Buenos Aires sont, en outre, une référence culturelle et sociale. Le sentiment d'appartenance à une équipe devient le sentiment d'appartenance du stade. Nous convertissons un espace public en un espace privé, qui jaillit de nos sentiments. La masse qui remplit le stade chaque dimanche, le public qui assiste à un événement international, sent que ce lieu lui appartient. Et quand un stade devient le symbole d'un quartier ou d’une ville, c’est parce que l'équipe qui représente ce quartier y joue, ce sentiment d'appartenance est encore plus grand. Les stades sont des bâtiments vides de sens et de représentation, jusqu'à ce que le public prenne la scène et en transforme leur sens.

À Buenos Aires, les stades ont été construits comme des temples sacrés faits pour durer, il est donc plus difficile de démolir. Leur démolition peut causer un très grand conflit entre les supporters et les promoteurs de la destruction. Cela est d’autant plus vrai quand les supporters traditionnels d’un club de Buenos Aires sont des personnes qui ont choisi de supporter l’équipe dont le stade se trouve dans leur quartier d’enfance. L’espace du stade a une valeur spirituelle et sentimentale qu’il faut conserver et respecter. Le stade est aussi émotionnellement lié à son environnement. Une partie de ce type d’espace correspond au paysage culturel associatif, une fois délimitée.

D’une certaine manière les équipes de Buenos Aires défendent l’honneur du quartier. Au Qatar au contraire ce type de perception n’existe pas puisqu’il s’agit d’une ville sans « l’âme du football ». C’est pourquoi le paysage du football est perçu par la population sans le sentiment d’appartenance que l’on retrouve à Buenos Aires. Dans la ville argentine les stades sont considérés ou perçus comme des organismes vivants, comme des êtres avec une vie propre. C’est le cas du stade de l’équipe Boca Juniors, populairement connu comme la Bombonera et il est dit que quand les supporters se mettent à sauter, chanter et danser, le stade vibre : « la Bombonera ne tremble pas elle bat ».

Potreros comme phénomène associatif

Pour comprendre l’essence des stades à Buenos Aires, il faut parler des potreros, qui sont, comme dit précédemment, des espaces de la ville de Buenos Aires représentant l’essence du football argentin. Le potrero est un terrain vague transformé pour la pratique du football. Dans ce type d’espaces les habitants de la ville parviennent à jouer au football malgré le fait que les terrains soient vacants, leurs dimensions très irrégulières avec en plus une dénivellation. On peut voir les potreros comme l'intermédiaire entre les grands stades et le désert où potentiellement tout espace peut être utilisé comme espace de sport. L’homme a su transformer, grâce son imagination, un espace ou un terrain désertique en un lieu symbole de la culture argentine pour la pratique du sport le plus populaire du pays.

Par conséquent les potreros s’apparentent à un micro-paysage culturel imaginaire. On parle d’un « espace vide », avec un terrain dans lequel il n’y a apparemment rien à faire. Selon Archetti[9] le mot potreros dont la signification est le terrain pour la pratique du football peut également désigner des espaces pour l’élevage des potros (chevaux d’arçons). La période post-coloniale en Argentine est caractérisée par un processus rapide de modernisation qui a commencé dans la seconde moitié du 19ème siècle. Ce processus se réfère à la conquête des territoires autochtones, l'occupation et de la privatisation de la pampa (c’est une plaine fertile recouverte d'herbe et dépourvue d’arbres), le changement technologique rapide dans l'agriculture et l'élevage, à l'investissement massif de capitaux britanniques et européennes et l’immigration de population européenne. Cependant, cette « domestication » de l'espace n'était pas totale et les espaces des zones agricoles et des pâturages restaient libres des forces du changement technologique. Un de ces espaces a été le potrero, une zone d'une certaine propriété où le bétail et les chevaux pouvaient tranquillement paître sous la protection des gauchos, maintenant transformés en travailleurs ruraux payés. Dans l'imaginaire de la civilisation et de la domestication de la pampa, les potreros étaient des territoires libres, pas tout à fait sauvage comme à l'époque coloniale, ni occupés en permanence par l'agriculture. D’une certaine façon la signification des potreros de football comme des terrines presque sauvage, « sans domestication », libres aussi de changements technologiques vient du terme potrero désignant des espaces pour l’élevage des potros.

Malgré le dénivèlement, l’absence de limites ou de cages, l’homme a réussi à imaginer la pratique du football dans ces terrains vagues. L'imagination est matière parce qu'elle est trace matérielle dans l'esprit. L’immatérielle relève en fait du matériel puisqu’il est enraciné dans le cerveau des hommes qui suivent telle ou telle pratique. Pour ce type d’espace, il n’y a pas besoin d'organisation stable et précise. Les potreros ont un fonctionnement spontané et automatique. Ainsi l’homme a su interagir avec son environnement à travers l’auto-organisation de l'espace. Il s’agit de lieux où existent des règles invisibles et non écrites d'arrangement dans l'espace. Le comportement des participants dans les potreros est soumis à des règles qui ont été transmises de génération en génération, connut de presque tout le monde, mais qui n’ont pas de caractère officiel.

Les potreros représentent un espace non conventionnel, il s’agit d’un espace dans lequel il n’existe pas de standardisation rigoureuse. Ils sont la preuve que le jeu n’est pas toujours lié à une structure architecturale. Les potreros sont un terrain de football, sans herbe, sans équipement et parfois même sans buts. Les cages de but se remplacent par deux vêtements ou deux pierres. Nous sommes dans un espace ou rien n’est parfaitement défini et délimité d’avance où l’on retrouve un grand niveau d’incertitude. Ce sont des espaces plein d’imprévus pour les joueurs. Dans les potreros, les matchs sont d’ailleurs improvisés. Il suffit d’arriver au potrero et demander s’il est possible de participer. En règle générale, il n’est pas nécessaire de respecter un nombre de participants par équipe. On peut trouver des situations dans lesquelles une équipe est composée de plus de joueurs que celle de l’adversaire. Lesquels ne portent pas de maillots communs. Les dimensions du potrero n’ont rien à voir avec les dimensions d’un espace institutionnel, on retrouve des terrains dont une partie est plus grande que la partie de l’équipe adverse. Dans certains cas il n’y a pas de marquage pour délimiter la largeur et la longueur.

Une autre caractéristique que l’on peut trouver dans les potreros est la facilité de passer du spectateur au joueur. Il y a une certaine flexibilité pour passer d’un rôle passif à un rôle actif et vice-versa. Ce phénomène est bien évidemment impossible dans le stade d’un championnat professionnel.

L’importance des potreros dans la culture argentine est très significative. Ce sont bien plus que des espaces transformés pour la pratique du football. Les potreros ont été à l’origine du style de jeu du football en Argentine. Les conditions que présentent les potreros avec des dimensions irrégulières et un terrain dénivelé ont influé la manière de jouer. Il est alors plus aisé de pratiquer un jeu individuel et de développer des capacités de dribble que de jouer selon des combinaisons collectives. Par ailleurs, Le journaliste sportif argentin Dante Panzeri a décrit le football des potreros comme étant « une dynamique de ce qui n’est possible d’imaginer, où la gambeta (le dribble) est le principal ”truc” du jeu »[10].

Les potreros à Buenos Aires sont l’étape antérieure du stade de football. Ils sont apparus dans la ville plus tôt. On peut dire que, d’une certaine façon, les stades sont nés grâce à ce précédent, pour résoudre la situation de précarité qu’éprouvait la ville de Buenos Aires en matière de football. La ville était pleine d’espaces non conventionnels pour la pratique de ce sport et elle avait besoin d’espaces, les stades. Tout de même l’existence des potreros à Buenos Aires à été complémentaire. Dans ce type d’espaces (les potreros) ont joué et se sont améliorés les plus grandes stars du football argentin tels que Messi et Maradona. Les potreros sont des espaces très souvent utilisés par des enfants qui rêvent d’avoir la possibilité d’évoluer un jour dans un grand stade. On peut ainsi leur donner l’appellation d’espaces d’espérance. Quand les enfants jouent, ils portent la plupart du temps les maillots des grands footballeurs. Pour réussir ils passent beaucoup de temps à s’entrainer dans les potreros. Les équipes de Buenos Aires ont besoin de ces joueurs qui ont développé leur technicité dans les potreros. Là se disputent aussi des championnats avec la présence de recruteurs des clubs principaux de Buenos Aires. D’une certaine façon, le spectacle auquel on peut assister dans les stades est dans la continuité du phénomène du potrero. Le potrero permet le développement de techniques qui sont déterminées par l’espace (dimensions irrégulières, terrain accidenté). Les circonstances imposent aux joueurs de développer une certaine technique et un jeu plus individuel basé sur le dribble afin de s'adapter aux conditions du terrain. De cette manière, les difficultés sont transformées en avantages, ces compétences développées sont très appréciées dans le football professionnel. En fait, à Buenos Aires on dit que dans le stade on assiste à un style issu des potreros. Cette liaison entre les potreros et les stades peut nous faire considérer ces terrains comme étant un phénomène associé aux stades à Buenos Aires. Les deux types de terrains ne représentent pas une lutte entre espaces non conventionnels et espaces institutionnalisés. Il s’agit d’espaces toujours complémentaires. Les stades sont nés à Buenos Aires afin de créer des espaces conventionnels pour la pratique du football puisqu’il s’agissait d’un sport qui se pratiquait presque toujours dans les espaces non conventionnels comme les parcs, les places, les rues ou les potreros.

Bien qu’associés aux stades, les potreros ne font pas partie d’un paysage culturel du football à Buenos Aires puisque la délimitation spatiale comprend seulement les alentours (une distance autour d’un ½ km), les potreros se trouvent normalement dans les banlieues éloignées des stades. Tout de même leur présence est indispensable pour apporter toute sa signifiance aux stades de Buenos Aires.

3. Des lieux d’improvisation remplacés par des lieux planifiés

Pendant la dernière décennie, la croissance urbaine a commencé à menacer les potreros. Ces espaces ont commencé à être remplacés par des bâtiments et des maisons. Bien que les potreros classiques ne se trouvent pas en centre-ville mais dans les quartiers plus pauvres autour des constructions très basiques et simples, ils n’ont pas pu éviter les phénomènes de la construction à Buenos Aires, qui menacent chaque terrain sans construction.

De plus, les potreros commencent à être remplacés par des installations de football 5, qui sont couverts et représentent un modèle antagoniste aux potreros. Ces terrains vacants sont des lieux où la pratique du football est gratuite et où la participation et très souvent improvisée. Les potreros sont aussi des lieux propices à l’établissement de relations sociales. Il est très classique que les joueurs discutent entre eux après un match, bien qu’ils ne se connaissent pas. Parfois ils organisent des barbecues pour les joueurs des potreros qui se rapprochent. D’une certaine manière, les potreros ont leurs propres codes qui déterminent une socialisation très particulière entre les participants. Il existe des règles sociales non écrites qui sont très populaires.

A l’inverse, dans les installations de football 5, on retrouve ces espaces institutionnalisés bien délimités, fermés au public et soumis à des règles précises qu’il faut obligatoirement suivre. L’espace du football 5 est standardisé, limité et conventionnel. Il s’agit d’un lieu géré administrativement et où la participation n’est pas gratuite. L’utilisation de ce type d’installations par des institutions publiques ou privées coûtent cher, il y a donc un tarif horaire. Cela signifie que pour jouer dans ce type de structures il est impossible d’improviser, il faut réserver. De plus, le nombre de participants est aussi limité, seuls cinq joueurs – soit dix avec en comptant l’équipe adverse – peuvent y participer. En règle générale, les participants se connaissent au préalable. Ce ne sont donc pas des espaces aussi propices que les potreros pour établir de nouvelles relations sociales. A l’inverse des stades, les structures de football 5 ne sont pas complémentaires avec la pratique dans les potreros mais représentent une menace pour eux. Le remplacement des potreros par les installations de football 5 menace l’existence d’une culture argentine. De plus, leur disparition signifierait également le retour au concept élitiste du football à l’époque où ce sport était pratiqué dans les clubs privés par les riches britanniques à la fin du 19ème siècle. À travers les potreros, beaucoup d’enfants sans ressources économiques ont la possibilité de pratiquer une activité sportive gratuite et peuvent rêver de jouer dans des clubs professionnels avec les plus grandes stars. Pour éviter la disparition des potreros, certains joueurs professionnels de la ligue ont organisé des campagnes pour sa conservation. La patrimonialisation de ces espaces pourrait garantir leur existence.

4. La délimitation spatiale du paysage culturel associatif du football

L’un des problèmes les plus difficiles à résoudre pour définir ce paysage culturel associatif autour des stades de Buenos Aires se situe dans sa délimitation spatiale. Elle peut comprendre, par exemple, le point de départ du chemin qui mène au stade ainsi que ce dernier. Il s’agit d’un espace comprenant les bars qui se trouvent tout près du stade, des rues et des lieux de célébration proches.

Il faut souligner le « caractère d'archipélique » du paysage footballistique. On parle de la capitale du football, de la ville avec le plus grand nombre de stades de foot. Si on prend les ensembles des territoires formés pour tous les stades et ses environs, on trouve un grand paysage du foot unique et extraordinaire. La carte de ce paysage serait formée par un ensemble de 64 territoires qui se référeraient aux 64 archipels. L’ensemble de ces différents espaces forme un paysage très difficile à délimiter pour la séparation entre les différents archipels du football. Chaque archipel serait formé pour le stade principal et a environ ½ Km, cela signifierait qu’il comprendrait les bars, les itinéraires, et les lieux de célébration. À Buenos Aires dans un rayon de dix Km, il y a plus de trente stades. Le phénomène du football n’est pas seulement ce qui se produit sur le terrain de jeu. Dans les tribunes du stade, espace du spectateur, il se joue un « autre match ». Il faut alors prendre en compte les lieux de réunion des supporters qui se rendent au stade et les lieux de réunion après match où se célèbrent les victoires. On parle des espaces où se développent des actions et des comportements qui peuvent être analysés dans trois temps différents, l’avant-match, le match, et l’après-match.

Les phénomènes associatifs avant le match : circuits, couleurs, et musique

Parmi les phénomènes associatifs liés aux stades de football de Buenos Aires on retrouve les circuits que prennent les supporters pour arriver au stade. Beaucoup répètent le même rituel chaque dimanche. Ils se retrouvent au même endroit et traversent les mêmes rues qui aboutissent au stade. Cette tradition a été transmise de génération en génération. Ce type d’occupation de la rue et de l’espace par les supporters a même une influence en terme de circulation puisque certaines rues nécessitent d’être fermées à la circulation le jour du match pour permettre l’arrivée des supporters à pied. De plus, les personnes qui utilisent ce circuit revêtent les couleurs de leur équipe, avec des maillots, des écharpes, et des drapeaux. Le maillot n’identifie pas l'individu en tant qu’individu, mais le lie au groupe, à la communauté, au courant, et le montre comme une personne qui a accepté une certaine « idéologie » représentée par son club. Porter le maillot est la démonstration explicite d’un choix implicite de se montrer, de s'identifier entre membres et d’être identifié comme membre d’une collectivité. Par ailleurs, les couleurs représentent ou symbolisent l’amour porté à son club et ils sont sacrés pour les supporters. Ils portent leur couleur pour montrer ou pour que les autres connaissent leur sentiment pour leur équipe et également pour se différencier des autres équipes. Ces manières de se distinguer ressemblent fortement aux luttes tribales.

Les couleurs des équipes, qui sont généralement sur les fanions, sont non seulement visibles sur le drapeau qui vole lors des après-midi et soirées de football, mais aussi sur les supporters qui se peignent le visage comme s’ils appartenaient à une tribu. La peinture corporelle joue un rôle fondamental pour la différenciation et l'établissement du territoire. La peinture faciale identifie, inclut et exclut immédiatement, elle sert à l’acceptation par une « faction » et au rejet d'une autre. La peinture évoque habituellement les codes et symboles guerriers, des histoires épiques qui rappellent les exploits des joueurs comme étant eux-mêmes « des guerriers ». Les trophées obtenus sont considérés eux comme des objets à caractère « totémique ».

Les supporters plus osés sont capables de se tatouer les couleurs ou l’emblème du club ce qui est considéré comme un acte de fidélité par les fans puisque les tatouages laissent une trace qui ne peuvent s’effacer. Par ailleurs, dans le cheminement des supporters, la musique et les chants font partie de la tradition des supporters argentins. Ces marches de personnes habillées aux couleurs des clubs, avec des chants et une musique rythmée ressemblent à des processions religieuses. Si l’on compare les itinéraires sportifs aux itinéraires, par exemple, des processions de Pâques en Espagne, on peut retrouver des éléments communs. La tradition selon laquelle on reproduit les mêmes gestes sur les mêmes chemins, les symboles sacrés (la croix catholique et les emblèmes et couleurs des clubs), les vêtements portés pour l’occasion, la musique, les chants, etc. On pourrait établir des parallèles entres les pèlerinages organisés pour se rendre dans les lieux sacrés et les itinéraires utilisés pour le stade qui détermine pour les supporters le rôle de lieu sacré. En fait, le phénomène du football a été très souvent comparé aux phénomènes religieux.

Par ailleurs, sur le chemin pour arriver au stade, on peut trouver différents éléments significatifs tels des graffitis sur les murs représentant des stars qui servent à garder en mémoire ces idoles. Ce type d’art illégal est aussi utilisé pour écrire des messages de soutien à son club ou pour attaquer les clubs rivaux. La tradition murale en Argentine par rapport au football pourrait être inspirée dans la peinture murale mexicaine qui est un mouvement artistique du début du 20ème siècle et qui se distingue en ayant un but éducatif et instructif. Cette tradition est considérée comme essentielle pour parvenir à l'unification du Mexique après la révolution.

Un autre aspect typique que l’on peut trouver sur la route est les barbecues improvisés. Des vendeurs de spécialités argentines (chorizo criollo, asado de tira) font des barbecues en pleine rue. Les supporters qui se rendent au stade profitent de ces barbecues plutôt que d’aller manger chez eux.

Encore un autre élément que l’on peut rencontrer sur le chemin du stade : les points traditionnels de vente de maillots, écharpes et autres accessoires de l’équipe. Ce sont des points de rendez-vous traditionnels mais qui tendent à disparaître. Les clubs de football attirent beaucoup l’attention et réunissent des stars qui serviront comme modèle de style et de comportement pour beaucoup de personnes, même en dehors de Buenos Aires. Ces rapports immatériels constituent une sphère culturelle présente dans tous les clubs. Mais au-delà de ce phénomène, l’exploitation économique de ces mentalités entre en jeu, celui qui est fan d’un footballeur veut aussi s’habiller comme lui. Il faut donc produire et vendre des maillots de joueurs à toutes les échelles et pour tous. Pour cela, il est nécessaire d’installer des boutiques dans la ville et notamment à proximité des stades. Cela a pour conséquence de voir disparaître des structures commerciales traditionnelles ce qui est finalement une trace de la commercialisation de la culture foot. De surcroît, les bars dans lesquels les supporters se rencontrent pour discuter du sort de leur club font partie de cette culture et des circuits.

Eléments associatifs avant et pendant le match dans le stade

L’atmosphère dans les stades du football à Buenos Aires est spectaculaire. Dans le gradin se visualise un spectacle haut en couleur qui commence très souvent par une grande mosaïque aux couleurs de l’équipe. Avant le commencement, il est également possible de voir sur la pelouse la mascotte de l’équipe habillée des couleurs sacrées du club. On peut aussi voir des drapeaux géants aux couleurs de l’équipe. Une tradition très particulière qui se crée dans les stades de Buenos Aires c’est le lancement des papiers de toilette pour recevoir aux joueurs locaux. Cela produit un effet visuel impressionnant et c’est une habitude typique des stades argentins.

Une autre tradition très particulière des stades de Buenos Aires est l’entrée des supporters plus radicaux au stade au dernier moment, après que les footballers soient déjà sur la pelouse. Le fait de rentrer dans le stade après leurs idoles est une sorte d’hommage envers leurs joueurs préférés. Les membres de las barras bravas[11] qui suivent le parti accroché aux clôtures du stade ont un statut supérieur au reste des fans qui suivent le match derrière eux. Il y a une hiérarchie de l’espace dans les gradins très présente.

Un autre aspect très important, qui sert aussi à véhiculer un message, est le paysage sonore qu’on trouve dans les stades de football de Buenos Aires. Les supporters des clubs de Buenos Aires sont connus pour animer leurs équipes tout au long du match. De plus, ils sont très créatifs pour composer des chants, qui sont ensuite imités, adaptés et traduits par les supporters. Certaines chansons de chanteurs ont été repris et transformés par les supporters qui ont changé le texte et d’autres qui ont été composés par eux-mêmes. De plus, la musique dans le football est essentiellement canalisée ou réglementée par les instruments à percussion et des trompettes qui accompagnent les chants. Les trompettes étaient autrefois les plus utilisées mais elles ont été remplacées par la grosse caisse, qui est un symbole important pour l'ambiance et pour les supporters, et parfois même prend une place plus importante que les drapeaux. La grosse caisse marque le passage aux supporters pour savoir ce qu'il faut faire. Sans cet instrument, il n'y aurait aucune coordination, puisqu’elle sert à commander différentes actions dans le gradin pour animer l’équipe. La grosse caisse est également un symbole d'appartenance et de « culte » dans le stade. Tout le monde ne peut pas jouer de la grosse caisse. La personne qui joue de cet instrument dans le stade dispose d’un statut spécial au sein du groupe.

L’après match : les phénomènes hors du stade

Les phénomènes qui arrivent hors du stade sont directement liés à ce qu’il s’est passé dans le stade. Par conséquent ce sont aussi des phénomènes associés au stade de football, qui est encore l’élément principal de ce paysage culturel associatif. Un des phénomènes les plus importants liés au stade est la tradition de célébrer les victoires significatives. Une manière de célébration consiste à l’occupation d’un espace public avec beaucoup de signification. L’effet de ce type d’appropriation de l’espace signifie la recodification du lieu choisi pour la célébration, autrement dit la transformation de la signifiance originale du lieu qui normalement est un lieu très emblématique et représentatif pour la ville de Buenos Aires. Par exemple un des lieux de célébration préférés l’'Obélisque de la ville. Malgré la signification officielle (l’anniversaire de la fondation de la ville), il représente pour beaucoup de supporters de Boca Juniors, le lieu pour célébrer les grandes victoires ou les titres de ce club. A part la présence des supporters qui chantent autour du monument habillés avec des tricots, des drapeaux et des écharpes, pour les grandes victoires il est normal que les footballeurs aillent au lieu de célébration pour montrer la coupe aux supporters depuis du haut d’un bus décapotable. Les supporters reçoivent alors leur héros comme s’ils étaient des gladiateurs.

John Bale, pionnier dans les études géographiques du sport fait référence à une défense instinctive du territoire dans le sens de la territorialité comme le contrôle de l'espace ou du territoire[12], vu comme une expression géographique principale de puissance sociale exercée comme une limitation physique du mouvement et de l’organisation spatiale. Un acte de territorialité est la tentative d'un individu ou d’un groupe d’affecter, d’influencer ou de contrôler les gens, les faits et les relations à travers la délimitation et l'exercice du contrôle sur une zone géographique. La territorialité crée l'idée d'un espace qui doit être rempli et vidé à des moments particuliers.

Une fois que les supporters s’approprient des lieux et leur donne d’une signification, celle-ci reste. Cette signification est très difficile à changer puis qu’elle se transmet de génération en génération. Per exemple l’équipe de Buenos Aires, Velez Sársfield, a été fondé et nommée de cette façon à cause du nom d’une station de train qui s’appelait Station Velez Sársfield où se rassemblaient très sauvent souvent les fondateurs du club avant sa création. De plus, le stade de Velez est construit proche de la station, mais le nom de la station a changé de nom et est devenu Floresta en 1944. Quand bien même chaque fois que l’équipe de Velez gagne un championnat les supporters marchent de la gare jusqu’au stade pour honorer un symbole qui fait partie de son histoire : la gare de train, même après que celle-ci ait changé de nom. De cette façon, la gare a une valeur ajoutée. Elle représente plus qu’une gare de train grâce à la valeur sentimentale que lui donne la majorité des personnes. Pour les supporters, elle n’est pas seulement une gare appelée Floresta, c’est la gare où le club a été créé, Velez Sársfield. La codification peut être interprétée dans le cadre d'une tendance économique plus large de la territorialité.

Par ailleurs, une des traditions plus particulaires du paysage culturel associatif de Buenos Aires, est les posters servant à se moquer du rival après le jeu connu comme « Clásico » entre les deux équipes les plus représentatifs de la ville, River Plate et Boca Juniors. Le jour suivant le match, les supportes du club vainqueur du match laissent autour du stade, dans le territoire qui pourrait faire partie d’un paysage culturel associatif, des posters avec des blagues dans le but de se moquer des perdants. Ce type de tradition a besoin d’une grande créativité à l’heure d’improviser des blagues avec des dessins et il est très propre de Buenos Aires. Même les personnes qui n’aiment pas le football viennent tout de même dans la zone pour voir les posters.

On peut voir comment le match de foot continue pour les supporters d’une certaine façon après les 90 minutes réglementaires hors du stade. La liaison des supporters avec les choses qui arrivent dans les stades (les matchs) peut durer encore jusqu’à la mort. Par exemple, il y a un cimetière de Buenos Aires avec un espace réservé pour les supporters ou membres du club Boca Juniors. Là-bas, les funérailles se font avec une signification très grande du sentiment de la personne qui est morte pour le club de sa vie. Les tombaux se trouvent accompagnés des drapeaux avec les couleurs de l’équipe de Boca Juniors. Une tradition similaire que l’on peut également trouver dans le pays qui a amené le football à Buenos Aires. Les supporters du Liverpool ont l’option de laisser leurs cendres sur la pelouse du stade où a joué son équipe : Anfield Road. Ce type de relation mystique des citoyens de Buenos Aires avec le foot peut aussi se refléter dans le fait que l’Argentine est l’unique pays du monde avec une religion qui rend hommage à un footballeur argentin, la iglesia maradoniana. Les supporters honorent le footballeur Diego Armando Maradona et établissent certaines obligations comme celle d’aller à une église de la iglesia maradoniana chaque anniversaire du but que Maradona marque contre l'Angleterre dans la Coupe de Monde de 1986 ou d’appeler ses fils du nom de Maradona : Diego.

Le stade comme élément principal du paysage cultural associatif

Le stade du football est l’élément principal d’un théorique paysage culturel associatif. Dans ce paysage, la notion du lieu est très importante, le stade est inscrit dans une géographie, c'est un lieu qui constitue le support à des manifestations. Autour du stade se produisent des phénomènes culturels avec une apparence presque religieux. Le stade est un élément important pour des places qui vont des métropoles centres, des petites villes aux villages. Le stade, comme l'église, est un lieu de rassemblement et pour certains un lieu de culte.

Pascal Charroin, un spécialiste dans le domaine des sciences et techniques des activités physiques et sportives, résume cette idée en assurant que « les formes des installations du stade s’inscrivent dans la création d’une nature apprivoisée ce qui veut dire que la nature dans le cas des stades a été domestiquée par l’homme. La nature est le premier scénario pour le sport. Le concept des aires sportives inclut l’utilisation des paramètres naturels de l’environnement pour l’être humain, afin d’améliorer ses performances. Représenter des aires d’une esthétique exceptionnelle, faire partie du processus écologique et du développement d’écosystèmes, protéger l’intégrité des biens naturels est nécessaire pour trouver une similitude entre le Paysage Culturel et le paysage créé par certaines installations sportives »[13].

Le stade représente une fusion de l’horticulture et l’architecture. Lorsque les règles et le règlement pour la horticulture, autrement dit la reproduction du terrain de jeu, se suivent à la base du dessin traditionnel, pour le cas de l’architecture il y a beaucoup de liberté par rapport au dessin. Les stades comme un oeuvre architecturale ou un espace culturel avec des qualités de Patrimoine universel : avoir sa propre identité, être utile, maintenir la richesse de fonctions, posséder différents usages, être beau, être un lieu construit où la nature est présente, être accessible, etc. D'une part, le stade est un endroit très apprécié que les gens veulent très souvent garder comme un foyer de la communauté et comme un site qui stimule un sentiment de fierté. D'autre part, il est sans doute le bâtiment le plus sûr de la ville. Historiquement il a été utilisé comme un site d'incarcération pour les criminels.

L’homme a essayé de marquer un territoire et de chercher une identité propre par rapport à ses semblables différents de lui. Les stades sont considérés comme la grande masse de ciment « sacralisée » qui s'anime chaque sept jours. Cette masse est remplie avec beaucoup de sentiments, de passions, de joies et de peines. On pourrait même dire qu’il devient vivant. Le géographe et écrivain Christopher Thomas Gaffney analyse les stades de Buenos Aires en mettant l’accent sur la sexualité et la masculinité[14]. Gaffney assure dans son oeuvre Temples of the Earthbound Gods que les stades de Buenos Aires ont fonctionné comme des noeuds d’un réseau d’espaces masculins qui s’étendent le long du Grand Buenos Aires et du système urbain de l’Argentine. Il affirme que les 64 stades professionnels de football au Grand Buenos Aires sont des auberges d’identités dont les racines se trouvent en classe, au travail, dans l’ethnie, dans la religion, dans l‘histoire individuelle et collective, dans les goûts culturels, dans les styles de vie, et dans la géographie. Ces groupes de subcultures rivalisent politiquement, économiquement, socialement et sur le terrain du jeu. Les codes, les pratiques, et les fonctions urbaines des stades de football se compliquent par les relations historiques entre eux et par d’autres espaces de la ville : la résidence ou le milieu domestique, la rue, les réseaux de transport, le lieu du travail, le Tango Bar, les cafés, les parcs et les places. Le développement simultané de tous ces espaces a forgé un sens particulier de la masculinité à Buenos Aires, qui est exprimé aujourd’hui avec virulence dans les stades de football de la ville. Il y a évidement à Buenos, des espaces formels, comme les terrains et les stades pour la pratique du football, mais il y a aussi des espaces informels. Il est probable que l’on ne saura jamais exactement d’où ces espaces non conventionnels ont surgi, toutefois, nous devons assumer qu'ils ont défini les grandes zones du paysage urbain et culturel.

Selon Christopher Thomas la trajectoire historique des gardiens de poulains a contribué au discours de la masculinité de Buenos Aires reflète le pouvoir de la liberté et de la créativité face à la discipline, l’ordre et la hiérarchie, des caractéristiques qui continuent à définir la culture du stade à Buenos Aires au 21ème siècle. Non seulement les stades ont été construits pour le but explicite d’organiser les confrontations rituelles entre l’opposition des collectifs masculins, les codes et les pratiques de ces espaces se sont étendus à d’autres secteurs de l’espace urbain. Des milliers d’hommes se réunissaient dans les places publiques pour écouter des émissions de radio de la Coupe du Monde et des milliers de personnes se déplaçaient depuis et jusqu’aux stades occupant ainsi les lignes de transport et les rues, ce qui a aidé à intégrer une ville à l’expansion rapide.

La remarquable prolifération des stades de football à Buenos Aires a placé ces points de repère urbains comme les éléments importants des paysages urbains et culturels. La grande popularité du football entre toutes les classes de la société de Buenos Aires a assuré qu'ils se sont transformés en emplacements d'accumulation de capital et de l'intérêt politique, qui à son tour, ont augmenté son importance dans la vie publique et la culture de la ville.

Le langage et le comportement du stade ont informé et ont influencé la culture, la vie, et les identités des générations de Buenos Aires, et ils restent, sans aucun doute, comme éléments centraux de cette société. La prolifération des stades a fait partie intégrale des conceptions argentines de la masculinité et de l'identité nationale et du développement de l'espace public et de la culture à Buenos Aires. Les stades sont communiqués à travers l’espace et le temps, et ils nous unissent au passé et au futur dans un contexte du présent. Comme éléments des cultures urbaines de tout le monde, les stades sont des lentilles à travers desquelles nous pouvons interpréter, comparer et comprendre l'autre. Au fur et à mesure que les ligues de football gagnaient les structures institutionnelles formelles, les stades se sont transformés en une condition nécessaire pour que les équipes prennent part dans les compétitions de la ligue et ont commencé à faire valoir à des multitudes chaque fois plus grandes, en attirant l'attention des moyens de communication et en se transformant en des spectacles urbains et en lieux d'intérêt de propre droit. À Buenos Aires, les divisions fortes ont continué à exister le long des lignes géographiques (les quartiers). Les stades étaient des domaines masculins et des petites patries qui liaient ce qui est local au national et ce qui est global à travers le sport. Ils fonctionnaient aussi comme une espèce d'espace domestique où les hommes ont ouvertement pu exprimer leurs émotions. La mémoire sociale, la représentation, et la signification sont trois structures inter-reliées qui peuvent se lire dans le paysage culturel. Les intersections des événements historiques, des réalités contemporaines, et des visions pour le futur forment les significations et les textures des lieux. Les stades sont les lieux par propre droit, mais aussi, ils définissent l'espace qui les entoure, dans une grande mesure.

Les stades ne sont pas très grand normalement à Buenos Aires. Habituellement, ils ont une capacité pour accueillir environ 30000 spectateurs. Les clubs n’appartiennent pas à des entreprises privées, ils dépendent de leurs membres, ce qui limite le budget des équipes. Normalement, il s’agit de stades très vieux avec un état de détérioration important, très souvent avec des creux et avec une forme irrégulière. Toutefois, ils ont beaucoup de symbolisme parce qu’ils sont très attachés au quartier. En fait, les stades se trouvent dans les zones urbaines à coté des bâtiments du quartier.

5. Valeur universelle exceptionnelle

Il n’existe pas de précédent d’un paysage culturel inscrit à l’UNESCO qui ait les caractéristiques d’un territoire ou l’élément principal est une installation sportive telle qu’un stade de foot avec ses environs. Il existe des Paysages Culturels de l'associatifs UNESCO où l’on retrouve un élément plutôt naturel que matériel, associé à un fort sentiment d'identité nationale, à une atmosphère de spiritualité et à un caractère sacré, dans la pratique et dans l'esprit de la population, depuis longtemps. Généralement, le paysage culturel associatif fait référence à un lieu de culte et de pèlerinage comme c’est le cas de la colline royale d'Ambohimanga. Dans le cas d’un territoire ou d’un espace qui comprend une installation sportive avec beaucoup de significations ainsi que ses alentours, on peut identifier des caractéristiques similaires aux Paysages Culturels associatifs inscrits sur la liste du patrimoine mondial : le lieu de culte (le stade), le sentiment identitaire, l’atmosphère portant un caractère sacré, les itinéraires etc.

Si on prend l’exemple d’un paysage culturel qui comprend un stade aussi représentatif que la Bombonera et ses environs que je rappelle être autour d’ ½ Km, il est possible de déterminer que ce site possède une valeur universelle exceptionnelle car il représente les aspirations sportives d’une partie de la population, mais illustre aussi d’autres lieux symboliques dans le monde où des valeurs sportives, culturelles et spirituelles pérennes sont rassemblées en un seul et même endroit. Les caractéristiques qui le rendent exceptionnel sont les suivantes : être pionner par rapport au nombre de rites et traditions particulières qui existent dans ce territoire, être une référence et source d’inspiration au niveau mondial (les chants, les tifos, les posters, les célébrations..). Ses pratiques sont imitées et suivies par d’autres supporters dans beaucoup de stades du monde. Aujourd’hui de plus en plus de visiteurs s’approchent du stade de Boca Juniors et de ses environs. Ils représentent une visite quasiment obligatoire pour tous les touristes qui se rendent à Buenos Aires.

Dans le paysage culturel présenté, le football joue un rôle primordial. Il s’agit d’un sport qui possède des valeurs universelles que l’on peut appliquer dans toutes les situations de la vie afin de maintenir un bon niveau de santé, un travail d’équipe ou être à la recherche de l’excellence.

Selon Archetti[15], l'analyse de ces pratiques montre que la mondialisation, trop vite caractérisée comme un phénomène purement contemporain, manque de la profondeur historique. Pour le sociologue argentin la mondialisation précoce du sport ne doit pas être considérée comme un processus nécessaire d'homogénéisation, mais comme un endroit où produire des imaginaires, des symboles et des héros qui établissent des discontinuités. Les règles universelles et les pratiques sont uniformes, mais les résultats provoquent non seulement des différences, mais aussi amènent à les penser comme telles.

6. Conclusion

J’ai planté mon travail dans un scénario complètement nouveau où j’essaye de forcer les limites de la définition de paysage culturel selon la définition de l’UNESCO. Je parle d’une interaction entre l’homme et son environnement à la base de l’auto-organisation de l’espace urbain par rapport à une pratique sportive. On parle d’un scenario dont l’homme a su transformer un espace urbain selon ses nécessités et celui-ci est devenu un « espace culturel » lié à une pratique sportive. Dans ce nouvel espace créé par l’homme on trouve des rites et des codes qui se répètent depuis longtemps et qui se transmettent de génération en génération. Cet espace sportif est formé par des installations sportives ainsi que de ses environs. J’ai expliqué la force de l’association des phénomènes culturels-sportifs avec des traces matérielles que sont les installations sportives (par exemple, des stades de Buenos Aires) enrichies avec des éléments naturels artificiels.

J’ai aussi illustré la différence entre les espaces conventionnels pour la pratique de sport et les espaces non conventionnels qui portent sur des incertitudes pour le participant. A travers l’exemple des potreros de Buenos Aires, j'ai montré comme parfois des espaces non conventionnels, avec dénivellation et des dimensions irrégulières, peuvent être liés ou fonctionnent comme un phénomène associé à des installations sportives conventionnelles (stades de football a Buenos Aires).

L’ensemble des 64 stades que l’on trouve sur la surface urbaine de la ville représente un paysage qu’on ne peut trouver dans aucun autre lieu du monde et qui représente une source visible de fierté pour la population argentine et de continuité historique. J’ai essayé de réfléchir sur la possibilité d’un nouveau scénario, où la présence de la nature est artificielle et où elle a des caractéristiques similaires à certains paysages culturels associatifs. Lors de mon argumentation, j’ai essayé de répondre aux questions de la présence de la nature dans un espace urbain lié à une pratique sportive, et je me suis demandé comment peut-on faire pour arriver à une délimitation spatiale dans un paysage où les éléments principaux sont les installations sportives ? On parle d’une paysage éphémère et en mouvement qui change chaque week-end, qui change en fonction de la victoire ou de la défaite et qui mobilise une quantité très grande de personnes. On peut donc conclure qu’il y a des phénomènes associés à des installations sportives qui ont une apparence quasi religieuse et qui pourraient faire partie d’un paysage culturel associatif.