Politique invisible de l’appropriation d’un territoire acoustiqueLa grève étudiante québécoise de 2012[Notice]

  • Alex Perreault

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  • Alex Perreault
    Université de Montréal

De la mi-février jusqu’au 5 septembre 2012, un conflit aux contours politiques entre les étudiants et le gouvernement du Québec s’est transformé en une situation déjà connue à quelques reprises dans cette province : une grève étudiante. L’enjeu peut se décliner de multiples façons selon les affiliations des groupements étudiants, mais peu importe, la lutte est bruyante, dérangeante et pendant plus de quatre mois sa présence s’est fait croissante. On parle de « grogne », de « colère sourde » et de « majorité silencieuse » ; un des enjeux, tapi au plus profond de ce conflit, est de « faire entendre sa voix » et de s’approprier les espaces publics de la ville moderne, lieux de concentration des ressources et en même temps de manifestation des forces politiques qui peuvent se permettre de définir le « paysage culturel ». Évidemment, ce conflit dévoile des enjeux reliés à la prise de parole et par conséquent la fonction politique de la voix et de son complément l’écoute. Toutefois, le rôle de l’ouïe est un des thèmes souvent laissés en friche en termes d’analyse. Les sons ne sont pas visibles même s’ils meublent la ville, rythment le passage du temps et sont autant de marques éphémères de l’activité humaine. Ceci pose donc des problèmes supplémentaires afin de comprendre une composante pourtant essentielle de la coordination et de l’interaction de l’activité humaine. Lorsque celle-ci concerne la dimension politique et la gestion de l’espace urbain, force est d’admettre que les rapports de pouvoirs deviennent, eux, souvent « invisibles », mais pas pour autant imperceptibles. Comment l’espace acoustique en tant que territoire politisé est-il négocié alors que les sources sonores augmentent en nombre et en intensité ? Quelles sont les relations contemporaines des occupants à ces espaces acoustiques, alors que les moyens techniques mis à leur disposition pour modifier, contrôler et modeler les stimuli acoustiques se développent ? Ces questions seront abordées avec l’objectif de mieux comprendre les développements d’enjeux politisés qui traversent de nombreux domaines d’activités se situant aussi bien au niveau local que global. C’est par l’analyse de l’utilisation des lieux publics comme « corps résonateur » lors de conflits que cette réflexion sera abordée. Une analyse phénoménologique et pragmatique de l’usage du son lors de la grève étudiante aura pour objet les métaphores de la place publique comme espace de parole inscrite dans nos villes contemporaines comme des « paysages culturels de la modernité ». Le processus de manifestation du conflit implique que les acteurs veulent se « faire entendre » et dès lors une stratégie implicite de l’utilisation de l’acoustique des lieux se met en place, sans qu’ils en aient nécessairement une conscience claire. Les éléments essentiels à l’analyse proviennent de l’observation participante, approche ethnographique qui reconnaît la validité de l’expérience personnelle des observateurs afin d’élaborer un processus intersubjectif de compréhension. Que signifie un « paysage sonore » ? Que représente un « paysage culturel » dans la « ville moderne » lorsqu’il est question de son et d’acoustique ? Il est nécessaire de commencer par expliciter et articuler ces notions. Par la suite, il sera plus facile de comprendre les modalités par lesquelles un espace avec des propriétés acoustiques particulières, un « paysage sonore », peut devenir un enjeu politique. Cette exposition sera faite à partir d’une analyse de certains aspects de la grève étudiante liés à l’espace et à sa manifestation à travers sa dimension acoustique ainsi que de l’utilisation du son comme d’un outil, d’une stratégie, voire même d’une arme. Le but visé de l’analyse qui en découlera ne sera pas une description de l’ordre de la physique …

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