Bouquinerie

La psychanalyse américaine , d’Hélène Tessier[Notice]

  • Marc-André Bouchard

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L’ouvrage de Hélène Tessier, La psychanalyse américaine, est une introduction à l’histoire socioculturelle et aux caractéristiques particulières de la psychanalyse telle qu’elle s’est implantée et développée en terre américaine. Le premier de trois chapitres présente une perspective historique, le deuxième traite des courants dissidents et de la médicalisation de la psychanalyse, tandis que le dernier fait un survol de la psychanalyse américaine contemporaine. Le premier chapitre permet de comprendre le destin particulier de la psychanalyse aux États Unis, certains de ses développements, et aussi de bien voir certaines des raisons de son succès initial : la convivialité de la psychanalyse avec les problèmes du début du siècle, le pragmatisme et l’irrationalisme (illustré notamment par l’intérêt de James pour le subconscient). Suit un court mais efficace exposé de la pensée d’Hartmann, le maître-d’oeuvre (avec Kris et Loewenstein) de l’ego-psychology : notion d’adaptation, zone aconflictuelle et fonctions autonomes du moi, modèle génétique et point de vue psychologique, notion de self (encore pourquoi ce terme en anglais ?). La section sur Brenner et Arlow dont l’influence déterminante fût l’équivalente de celle de Hartmann en son temps est par contre traitée de manière trop elliptique pour être véritablement utile. Le chapitre II traite d’abord des dissidences antérieures à l’hégémonie du courant initié par Hartmann : les culturalistes (Horney, Erich Fromm), le courant interpersonnel (l’école de Washington, Sullivan) de psychiatrie psychanalytique et Alexander sont évoqués et situés. L’auteure traite ensuite du problème du statut des analystes non médecins examiné sous l’angle notamment des influences réciproques entre l’institution médicale et le développement institutionnel de la psychanalyse américaine. Tessier rappelle alors le procès intenté par des psychologues appuyés par la très solidaire et bien organisée American Psychological Association contre l’American Psychoanalytic Association. Le règlement intervenu en 1989 fait en sorte que l’association psychanalytique ouvre maintenant ses portes aux non médecins, sauf qu’elle s’est affaiblie en ayant perdu l’exclusivité de la formation menant à l’accréditation des formations au sein de l’association psychanalytique internationale. On dégage ensuite l’âge d’or de la psychanalyse au sein de la psychiatrie américaine, et qui fût de relativement courte durée : de 1945 au début des années 1960 (avec Arieti, Menninger qui était psychiatre en chef des forces armées, Spock et son best-seller, etc.). La dernière section du chapitre rappelle l’influence de Hans Loewald, un authentique penseur de la psychanalyse, dont les contributions réunies en un seul volume (1968) méritent amplement d’être méditées. L’auteure rappelle notamment un de ses classiques, publié en 1960, sur l’action thérapeutique, et qui insistait sur le rôle essentiel que tient la qualité de la relation elle-même, ouvrant ainsi des perspectives qui connaissent actuellement le succès que l’on sait, à partir de tendances aussi diverses que celles incarnées par Kohut, Stone, Renik, et plus récemment Stolorow, Atwood, Orange, etc. Suit une section qui porte sur l’école américaine des relations d’objet représentée par Jacobson et Kernberg (Mahler aussi, mais avec un rôle plus périphérique et un moindre ascendant sur le plan des idées). Si certaines influences sur cette école (Fairbairn et Guntrip) sont bien vues, il faut se garder de généraliser, compte tenu par exemple de la prépondérance de l’influence freudienne sur Jacobson et de l’influence combinée de Freud (celui de la deuxième topique) et de Klein sur Kernberg. Contrairement à la section consacrée à Hartmann le texte n’arrive peut-être pas assez ici à pénétrer suffisamment la pensée de Jacobson, dont l’influence sur le modèle de Kernberg est absolument déterminante. Plus loin, le traitement de Kohut, Schafer, Spence, Ogden ou Gill, par exemple, nous laisse aussi sur notre appétit. Et à moins d’être déjà familier avec leur pensée, je doute …

Parties annexes