ChroniquesFormation des maîtres

Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités… ou quel est le point commun entre Spider-Man et tout enseignant?[Notice]

  • Marie Bocquillon,
  • Antoine Derobertmasure,
  • Marc Demeuse et
  • Clermont Gauthier

…plus d’informations

  • Marie Bocquillon
    Université de Mons (Belgique)

  • Antoine Derobertmasure
    Université de Mons (Belgique)

  • Marc Demeuse
    Université de Mons (Belgique)

  • Clermont Gauthier
    Université Laval (Canada)

« Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. » Cette phrase, que cet article a pour ambition de relier au domaine de l’enseignement, est prononcée par Ben Parker, l’oncle de Peter Parker, alias Spider-Man, dans le film du même nom (Raimi, 2002), après que celui-ci a « abusé » de son superpouvoir pour se défendre lors d’une bagarre causée par un accident qu’il avait lui-même provoqué. Plus tard dans l’histoire, Peter choisit consciemment, alors qu’il en avait le pouvoir, de ne pas intervenir dans le cadre d’une situation de vol et un drame se produit : un malfrat, pour s’emparer du véhicule de l’oncle de Peter, abat celui-ci. Rongé par la culpabilité de son inaction, cette phrase résonnera en Peter comme une injonction : celle d’assumer la responsabilité de son « superpouvoir ». L’histoire ne dit pas si Ben Parker tire sa sagesse de la philosophie, mais la phrase qu’il prononce résonne fortement avec celle de Jonas (1990) postulant que « la responsabilité est un corrélat du pouvoir, de sorte que l’ampleur et le type du pouvoir déterminent l’ampleur et le type de responsabilité » (p. 177). L’éthique de la responsabilité de Jonas est structurée autour de quatre éléments qui s’appliquent aux politiciens qui sont responsables des conséquences de leurs décisions sur les citoyens, mais aussi à de nombreux professionnels tels que le médecin ou le capitaine de bateau (Métayer et Ferland, 2018). Pour Jonas, « l’être humain est fondamentalement libre, c’est-à-dire capable de choisir de façon consciente et délibérée entre plusieurs actions » (Métayer et Ferland, 2018, p. 161). Cette liberté le rend responsable des conséquences de ses actes. Dans le domaine de l’enseignement, on peut faire un parallèle entre ce principe et celui de la liberté pédagogique, qui implique que l’enseignant dispose d’une certaine liberté pour choisir les moyens permettant aux élèves d’apprendre (méthodes, stratégies pédagogiques…), dans les limites du cadre de référence légal. Jonas propose un second principe : « un être ne peut se sentir moralement responsable des conséquences de ses actions que si celles-ci affectent un autre être qui possède une valeur à ses yeux. Cet être […] lui impose le devoir de le respecter et de le protéger » (Métayer et Ferland, 2018, p. 161). Ce second principe s’applique bien à l’enseignement, puisque le système enjoint à l’enseignant de se soucier du développement intégral de chaque élève et, en particulier, d’un ensemble de savoirs, savoir-faire et savoir-être estimés nécessaires par la société. Le troisième principe de Jonas souligne que cette responsabilité découle uniquement du fait de la « vulnérabilité » de l’être « que nos actions peuvent affecter » (Métayer et Ferland, 2018, p. 161). Dans le domaine de l’enseignement, les élèves peuvent donc être considérés comme des êtres « vulnérables », dans le sens où ils sont directement affectés par les actions pédagogiques de l’enseignant auxquelles ils peuvent difficilement se soustraire. Le quatrième principe précise que « cette responsabilité n’existe que si l’être vulnérable se trouve dans la sphère d’action de l’agent et que ce dernier dispose d’une puissance d’action susceptible d’influer sur son sort » (Métayer et Ferland, 2018, p. 161). Ce dernier principe s’applique également au domaine de l’enseignement, puisque les recherches empiriques des cinquante dernières années ont mis en évidence l’importance de l’effet enseignant sur l’apprentissage des élèves (p. ex., Bissonnette et Boyer, 2019) et, en corollaire, l’existence de stratégies pédagogiques plus efficaces que d’autres (p. ex., Gauthier, Bissonnette et Richard, 2013). Si la notion de pouvoir est convoquée dans notre comparaison, la manière dont celle-ci fait l’objet d’un choix (ou pas) est à souligner. En effet, si le « …

Parties annexes