Christiane Kègle
Notice
Résumé
Cet article s'intéresse aux enjeux mortifères que représentent pour le vivant divers contextes de violences totalitaires. Situant l'oeuvre singulière « La douleur » dans la production littéraire de Duras, il élabore une interrogation sur les processus psychiques inconscients propres au travail de deuil et au deuil pathologique, soit la mélancolie selon Freud, Lacan et Ricoeur. Ce qui entraîne une réflexion sur la manière dont, confronté à des textes limites, non médiatisés, fortement traversés par l'imaginarisation de la mort de l'autre, le lecteur peut se trouver en position de danger. Sont ensuite résumés les temps 0 et 1 de la transmission orale passant du témoin rescapé (Antelme) au témoignaire (Moscolo) mis en position de réceptacle psychique (Jurgenson). De là, se dégage une stratification propre aux deux instances investies dans « La douleur », et qui peut se rapprocher d'une position éthique pour le sujet de l'écriture et l'instance lectorale.
Michele Poretti
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Résumé
Dans les dernières décennies, les disparitions d’enfants ont acquis en Occident une visibilité politique sans précédents. La cause des « enfants disparus », catégorie qui inclut, entre autres, les kidnappings, les enlèvements parentaux et les fugues, est notamment devenue la raison d’être de nombreuses ONG et une source d’inquiétude croissante pour les États. Sur la base d’une enquête auprès de professionnels, cet article interroge la logique qui sous-tend la remarquable ascension de cette nouvelle cause publique. En suivant au plus près les acteurs et en situant la trajectoire des « enfants disparus » dans le contexte des transformations de notre relation à l’enfance, à la vie et à la mort, l’article montre, en particulier, qu’au nom de la sauvegarde de l’intégrité corporelle des enfants et de la santé de leurs parents, cette cause contribue à dépolitiser l’espace public et à légitimer les dispositifs voués à gouverner la vie des gens.
Alice Verstraeten
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Résumé
Entre 1976 et 1983, la dictature militaire argentine fait disparaître 30 000 opposants. Ce crime contre l’humanité – reconnu comme tel depuis 2010 – est encore aggravé par les atteintes aux droits des enfants : 500 bébés sont « appropriés » par les militaires et leurs complices. Leurs identités sont effacées, de nouvelles filiations fictives sont créées.Lorsque tombe la dictature en 1983, il est devenu évident que les adultes disparus qui n’ont pas été libérés des camps ont tous été assassinés. Leur disparition est une mort qui ne dit pas son nom, une mort en suspens. Les enfants, en revanche, restent des disparus vivants. Leur mort n’est pas en suspens. Leur vie, si. Leur vie est en suspens, et reste inextricablement liée, dans le réel comme dans le symbolique, à la mort de leurs parents. Je propose de me pencher sur l’espace-temps paradoxal que sont les « limbes du social » où sont confinés ces disparus. En les comprenant comme autant de « noeuds » de l’intime et du collectif, qui continuent de blesser, au présent, l’ensemble de la culture, nous interrogeons la possibilité de sortir de l’impasse symbolique – qui très vite devient une impasse politique. Nous défendons une éthique des vérités multiples, pour éclairer la nébuleuse de l’impunité.
Laura Marina Panizo
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Résumé
Dans cet article, je propose une synthèse des résultats de mes recherches sur la problématique de la mort violente et de l’absence de corps qui, dans le contexte de la dernière dictature militaire argentine, ne concerne pas seulement les victimes de la répression étatique mais touche également les soldats tombés pendant la Guerre des Malouines. Je tente de rendre compte de la façon dont deux groupes de proches se sont constitués à partir de la mort et de la disparition d’êtres chers, et ont élaboré des cadres d’interprétation pour donner du sens aux événements historiques survenus, afin de surmonter leurs pertes. Ces cadres d’interprétation, les pratiques quotidiennes et les croyances relatives à la mort se rétro-alimentent ; se construisent alors des liens spécifiques entre vivants et morts.
Irene Ramos Gil
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Résumé
Cet article se propose d’analyser la manière dont la disparition de quarante-trois étudiants de l’École Normale rurale d’Ayotzinapa est devenue une affaire. Autrement dit, il s’agit de s’interroger sur la manière dont des revendications locales ont pu émerger et monter en généralité pour accéder à la sphère publique, comme celles des mobilisations collectives au Mexique et ailleurs. Nous essayerons de répondre en observant l’événement durant les jours qui ont suivi cette disparition. Deux sources principales sont consultées : les comptes rendus judicaires et les récits des victimes. L’analyse des descriptions et catégorisations élaborées par les personnes et institutions concernées s’avère donc nécessaire pour avoir accès aux différentes compréhensions internes à cette affaire.
Philippe Basabose
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Résumé
D’une part, cet article réfléchit sur la perception de la mort dans la société rwandaise et sur certaines des pratiques rituelles que cette perception commande. D’autre part, il examine les défis qu’a imposés à cet égard la catastrophe du génocide contre les Tutsi de 1994. Il conclut en posant quelques-unes des questions auxquelles toute tentative de sortie du cercle mortifère tracé par cette tragédie devra répondre.